jeudi 31 mai 2012

JOSEPHINE



Joséphine Tascher de La Pagerie


"Bonne petite maîtresse, moi avoir vu dans la nue grand condor monter bien haut avec rose dans son bec... Toi, être Rose...Toi, bien malheureuse... Puis toi, reine... Puis grande tempête et toi mourir"

Paroles de la voyante à Joséphine lorsqu'elle vivait à la Martinique

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Marie-Joseph-Rose de Tascher de la Pagerie (prononcer "tachère") connue sous le nom de Joséphine de Beauharnais et surnomée "Yeyette" par ses proches, est née le 23 juin 1763 aux Trois-Ilets (Martinique) et est morte le 29 mai 1814 à Rueil-Malmaison. Issue d'une famille créole (personne de race blanche née dans les territoires d'outre-mer) de planteurs français, elle est la fille d'un lieutenant d'infanterie de marine, Joseph-Gaspard de Tascher de la Pagerie et de Rose Claire des Vergers de Sannois.

Elle arrive en France en 1779 et épouse alors qu'elle a 16 ans, le 13 décembre 1779 à Noisy-le-Grand, Alexandre, vicomte de Beauharnais - aussi orthographié à l'époque "Biauharnois". Il était Président de l'Assemblée législative lorsque Louis XVI s'est enfui des Tuileries et fût arrêté à Varennes (à cette époque, on changeait de président tous les 15 jours). Il était maire de la Ferté-Avrain, en Sologne, rebaptisée en son honneur la Ferté-Beauharnais.

Le couple donna naissance à deux enfants, Eugène (futur Prince et Vice-roi d'Italie) et Hortense (future Reine de Hollande et mère de l’Empereur Napoléon III).

Les Beauharnais se séparent, peu avant la révolution et en 1793, Joséphine se réfugie à Croissy au n°6 bis de la Grande Rue, avec ses deux enfants: Eugène, âgé de 12 ans, mis en apprentissage chez le menuisier Jean-Baptiste Cochard, et Hortense, âgée de 10 ans, placée en apprentissage chez Julie Blezeau, couturière du château de son ami Chanorier, Maire de Croissy.

Elle est arrêtée le 19 avril 1794 et emprisonnée comme son époux qui sera guillotiné le 23 juillet, quelques jours avant la chute de Robespierre, malgré toutes les supplications de Joséphine. Elle est libérée le 9 Thermidor (6 août) grâce à Barras avec qui elle avait créé des liens et échappe de peu à la guillotine.

Elle devient la maîtresse de Barras, devenant une des femmes les plus connue à Paris. Une des "merveilleuses" de l'époque.

Puis elle rencontre Bonaparte (brillant général de l'époque) en septembre 1795, chez Thérésia Tallien, qu'elle épousera en 1796 (Signature du contrat de mariage, le 8 mars, chez maître Raguideau, notaire, elle épouse civilement Bonaparte le 9 mars 1796 au soir, à la mairie, ancien hôtel de Mondragon. Les témoins sont Lemarois, Barras, Tallien, Calmelet et le commissaire Collin-Lacombe qui remplace le maire parti se coucher). Il est de six ans son cadet. C'est lui qui décidera de changer son prénom de Rose en Joséphine. Il adopta les deux enfants, Eugène et Hortense. Il sera nommé général en chef de l'armée d'Italie, en partie grâce à elle.

Leur vie de couple sera orageuse, sous le Directoire à cause des infidélités chroniques de Joséphine, qui refusa de le suivre dans ses campagnes (le 24 juin 1796, les 5 Directeurs mettent de force Joséphine dans sa voiture pour l'Italie, afin qu'elle parte rejoindre Bonaparte); par la suite, à cause de la jalousie de celle-ci, la situation se renverse.

Napoléon crut qu'il était stérile, Joséphine ayant déjà deux enfants, jusqu'au jour où une suivante de sa femme lui donna un fils, Léon. Il se décida alors à la répudier en 1809 pour fonder une dynastie. Il lui conserva néanmoins le titre d'impératrice. Elle se retire alors et vit soit au château de Navarre (Eure), soit au Château de Malmaison et elle ne cesse de correspondre avec Napoléon (Lettres authentiques, 1895).

C'est pour avoir souhaité montrer son jardin au Tsar Alexandre, vêtue d'une simple robe d'été, qu'elle prit froid et contracta la pneumonie qui devait l'emporter en 1814. Toutes les têtes couronnées défilèrent pour saluer celle qui avait marqué tous les esprits de l'époque.

À la fin des Cent-Jours, l'Empereur vint se recueillir en ces lieux ; elle était restée l'unique grand amour de sa vie.


 


Tu seras reine un jour... Non, plus que reine




Sous la plume de Michel de Grèce, Aimée (amie et cousine de Joséphine, Aimée Dubuc de Rivery) se souvient ainsi de cette journée :

" - N'ayez pas peur, jolies créoles, approchez, approchez.

La voix qui nous invite de la sorte est jeune, légèrement teintée d'amusement, mais ni l'une ni l'autre nous ne pouvons bouger.

- Allons, approchez mes belles ! Je ne vais pas cracher des serpents et aucun gouffre ne s'ouvrira sous vos pieds, je vous le garantis. Approchez, que je vous voie mieux.

La voix a pris des intonations suaves et maintenant, comme nos yeux s'accoutument à l'obscurité ambiante, nous distinguons mieux les ombres qui peuplent la case : une trentaine d'hommes et de femmes, tous des noirs, assis en rond sur des nattes. Notre apparition a interrompu leurs incantations et ils demeurent immmobiles, les yeux fixés au sol, droit devant eux. Seule une des femmes a levé la tête et nous regarde : c'est Euphémia.

Bien qu'elle tienne son corps lové, on la devine de haute taille et plutôt efflanquée; elle a un nez surprenant dans un visage de négresse, très busqué, et des yeux pâles qu'elle doit tenir de son père irlandais. Elle nous envisage tour à tour, soudain elle se recroqueville davantage tandis qu'une onde d'effroi altère son visage lisse, tout laqué de sueur.

- Que voulez-vous, petites ? Pourquoi venir ici ?

Sa voix est descendue d'une octave, le souffle est court, le débit des paroles précipité.

Du coup, Joséphine a retrouvé tout son aplomb pour répondre :

- L'avenir. On dit partout que vous le connaissez - et ce disant, elle dépose devant Euphémia les cadeaux rituels, le sac de café, le pain de sucre. Je veux savoir si l'homme que j'aime m'aimera toujours et si je l'épouserai.

La gravité s'est inscrite sur le visage de celle qui connaît les charmes et les secrets du temps. Elle observe Joséphine intensément, jusqu'à l'âme dirait-on.

- Si jeune et déjà si curieuse de l'avenir, murmure-t-elle comme pour elle-même. Le présent ne te suffit-il donc pas, jeune fille ?

- Je veux savoir, a insisté Joséphine d'une petite voix où perce un reste d'inquiétude.

- Je ne te cacherai pas la vérité, petite, puisque tu y tiens tant, mais sache qu'elle ne sera pas forcément conforme à ton désir.

La voix de la pythonisse est devenue grêle, il semble que les mots soient égrenés par une flûte céleste qui déchiffre l'oracle :

- Un homme brun, un étranger, un Anglais pense à toi en effet. Il t'aime et tu l'aimes, mais sache que tu ne l'épouseras jamais. A ce rêve là, il te faut renoncer dès à présent, si tu m'en crois... Rassure-toi, d'autres rêves que tu es incapable de concevoir aujourd'hui se réaliseront en leur temps. Je vois pour toi un homme blond présentement destiné à une personne de ta famille qui va bientôt mourir. Celui-là sera ton premier époux.

Euphémia s'est emparée des mains de Joséphine et elle en examine les paumes avec une intense attention.

Lorsqu'elle reprend, c'est en une cascade de notes argentines, une prophétie inouïe :

- Tu feras deux mariages. Le premier de tes époux t'emmènera vivre en France. Là, tu connaîtras quelques années de bonheur mais bientôt vous vous séparerez et il mourra tragiquement, te laissant deux jeunes enfants. Ton second époux sera un homme de peu d'envergure physique, par surcroît inconnu et pauvre. Cependant il deviendra immensément célèbre, il fera retentir le monde de sa gloire et soumettra de nombreuses nations. Il te hissera avec lui à la position suprême. Tu seras... reine - ici Euphmémia a marqué un temps d'arrêt puis a poursuivi comme si, au fond de ses yeux pâles, l'image prenait une forme définitive - Non, pas reine... plus qu'une reine. C'est cela, tu seras plus qu'une reine. Mais souvent, alors que tu apparaîtras en pleine lumière, au faîte des honneurs et de la gloire, tu regretteras la vie douce et paisible qui est la tienne, ici, aujourd'hui, à la Martinique... Hélas, je vois aussi qu'après avoir ébloui le monde, tu mourras solitaire et abandonnée.

Euphémia est maintenant silencieuse, tête baisée, comme accablée par l'augure, devant une Joséphine stupéfaite, statufiée.

J'ai écouté tout cela sans en être aucunement impressionnée et je suis curieuse de savoir quelles nouvelles élucubrations pourrait inspirer à Euphémia l'examen de mes mains. Dans un élan de défi j'avance vers elle et lui présente mes paumes :

- Et moi, que deviendrai-je à votre avis ? Dîtes-moi, pour voir. Je n'en croirai rien mais dîtes-moi !

Euphémia lentement a levé la tête et m'envisage. Elle a pris mes mains offertes, qu'elle tient ferme entre les siennes, mais elle ne les regarde pas. Son visage est couvert de sueur. Moi, je souris, je l'encourage par une nouvelle provocation :

- Alors, vous ne voyez rien ?

Elle prend le temps de renverser la tête, ses yeux se ferment, sa voix retrouve cette sonorité si particulière : dans la bouche d'Euphémia le destin est une pièce d'orfévrerie que les mots martèlent délicatement.

- D'ici quelques années, tes parents t'enverront en France. Lors d'un voyage ton navire sera arraisonné par des pirates qui t'emmèneront. Tu échapperas à un naufrage... Tu inspireras de l'amour à un souverain malheureux. Tu auras un fils... Oh ! comme c'est étrange, ce fils en vérité ne sera pas le tien, ni celui de cet homme. Son règne sera très glorieux mais je vois les marches et son trône ensanglantées par un régicide. Toi-même qui jouiras pourtant d'un pouvoir immense, tu ne connaîtras jamais les honneurs et la reconnaissance publique. Tu vivras recluse dans un magnifique palais que tu ne pourras jamais quitter.

Euphémia a lâché mes mains, son corps s'est infléchi vers l'avant, brisé par l'effort. Elle semble désormais incapable de prononcer un mot de plus.

Nous sommes deux futures souveraines qui courons à perdre l'haleine vers la maison des Tascher de la Pagerie, les parents de Joséphine."

***
*

Or donc, se rappelle Aimée Dubuc de Rivery sous la plume de Michel de Grèce, quelques temps plus tard, le 8 août 1788, voguant vers la Martinique, à bord de la Belle Mouette commandée par le capitaine Duddefand, de retour de Nantes où elle venait d'achever ses études, Aimée fit naufrage à 40 milles au sud-ouest de La Coruna, en raison d'une voie d'eau. Heureusement, avant de sombrer, un navire espagnol, l'Aliaga, passa à quelques encablures... Michel de Grèce, dans La Nuit du sérail nous rassure :

"Ils parvinrent à assurer les filins et à rapprocher les deux navires. Le passage d'un bord à l'autre s'effectua dans la bousculade et le désordre (...).Le bâtiment se dirigeait présentement vers Palma de Majorque, capitale des Baléares (...) une direction diamétralement opposée à la Martinique.".

Aimée nous relate, toujours sous la plume de Michel de Grèce qu' "Enfin, un matin, nous atteignîmes le cap de Barbarie de l'île de Formentera, la plus petite des îles Baléares. J'appris, toujours du capitaine Duddefand, que cette étrange désignation du cap était justifiée par sa position face à la partie de l'Afrique connue sous le nom de Barbarie et repaire de corsaires barbaresques. Mais nous n'avions pas à redouter de mauvaises rencontres, nous touchions au but. Groupés sur le pont, passagers et officiers se réjouissaient d'arriver enfin à bon port. Pour nous, c'était la fin d'une aventure éprouvante et pour les Espagnols, c'était bientôt le terme du voyage. Déjà l'îlot de Cabrera, le cap Salinas, le cap Blanc à l'extrêmité de Majorque étaient en vue. Dans une demi-heure nous pourrions même distinguer Palma. Hélas, le vent qui molissait était devenu presque nul, les voiles faseyaient et l'Aliaga n'avançait plus guère. Mon impatience en était exaspérée et j'arpentai les ponts en échaffaudant des plans pour rejoindre la Martinique au plus vite : aussitôt arrivée à Palma je me promettais de chercher un bateau à destination de Marseille. Là, je demanderais l'hospitalité à nos cousins Saint-Aurins et je prendrais la route pour Bordeaux dès que possible. A Bordeaux, je trouverais sans peine à embarquer pour la Martinique...

- Voiles à l'arrière !

Le cri tomba de la hune, un cri qui draina aussitôt la population de l'Alliaga jusqu'à la poupe. A l'horizon là-bas, en effet, trois navires de petit tonnage. Alors du groupe des marins, un second cri, strident celui-ci, monté d'entrailles nouées par la peur :

- Les pirates barbaresques !".

Ainsi le vaisseau où avait pris place Aimée Dubuc de Rivery fut pris par les pirates arabesques. Les trois frégates ramenèrent leur butin à El Djezaïr, autrement dit Alger. Les prisonniers furent amenés par le commandant pirate dans un ancien hammam transformé en prison. Aimée, morceau de choix, fut offerte par le dey d'Alger Baba Mohamed Ben Oman au sultan de Turquie (Constantinople), Abdulhamid Ier ou Abdoul Hamid Ier (1774-1789), fils d'Ahmed III. Aimée reprit donc la mer en direction de la Grande Porte, accompagnée par le Keznadar (ministre des finances du Dey d'Alger). Constantinople fut atteinte fin août 1788. Et Abdoul Hamid Ier fit rapidement d'Aimée sa favorite. Aimée était reine. Elle prit le nom de Sultane Nakshildil , et fut à l'âge de 15 ans la mère adoptive (pour Michel de Grèce) du futur Sultan Mahmoud II ou Mahmud II alors âgé de 4 ans et en tant que telle fut appelée à l'âge de 36 ans la Vladde ou Validé (titre de la mère du sultan régnant) : c'était le 28 juillet 1808.
Mahmoud II succédait en ce jour à son demi-frère Moustafa IV qui lui-même avait succédé à Sélim III (fils de Moustafa III, frère d'Abdul Hamid Ier) qu'il avait déposé le 30 mai 1807, puis assassiné... Sélim III et Aimée furent amants, d'après Michel de Grèce.


Article de Lionel le Tallec
Extraits:La Nuit du sérail

Par Michel de Grèce




La Rose de Martinique


L'île baignée par les eaux d'un bleu turquoise de la mer des Antilles où naquit la future Impératrice - aujourd'hui le département de la Martinique - a été dotée par un passé marqué par la colonisation et l'esclavage d'une population composite ; Amérindiens issus du peuplement originel, Africains victimes de la traite, Européens et même "Syriens", nom donné aux originaires du Proche-Orient. La géographie n'est pas moins variée : comme les ailes des papillons qui y volettent par milliers, la Martinique juxtapose vallées verdoyantes et montagnes escarpées sur une terre où mangues et ananas poussent à l'état sauvage.
L'héroïne de cette histoire, Marie-Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, que les siens allaient nommer seulement Rose avant que Napoléon la rebaptisât Joséphine, était issue d'une famille dont le passé se confondait avec l'histoire de la Martinique. Pierre Belain d'Esnambuc, qui avait pris possession de l'île en 1635 au nom de Louis XIII, était l'un de ses ancêtres. La lignée remontait à Guillaume d'Orange en personne. Quand la lointaine descendante du Taciturne, Rose Claire des Vergers de Sannois, épousa Joseph Gaspard Tascher de La Pagerie, son père ne vit pas cette union d'un bon œil : Joseph Gaspard avait débarqué dans l'île en 1726 avec pour seule recommandation son titre de noblesse et la double évocation d'un aïeul qui avait fondé un monastère en la lointaine année 1142 et d'un autre qui s'était croisé en 1190.
La famille des Vergers de Sannois appartenait à l'aristocratie brestoise et son enracinement dans l'île remontait aux tout premiers temps de la colonie. Elle était donc créole, nom donné aux Européens nés dans l'ïle. On les appelle aujourd'hui encore "békés", terme qu'utilisaient leurs esclaves et qui dérive d'un mot ibo signifiant "Blanc trouvé sous les feuilles". Àl'origine, ce terme péjoratif ne désignait en effet que les enfants illégitimes.
M. de Sannois appartenait à une caste de grands propriétaires terriens qu'unissaient des liens étroits et dont les enfants se mariaient entre eux : il n'eût sans doute jamais consenti à l'union projetée si sa fille n'avait atteint l'âge, fatidique à l'époque et dans son milieu, de vingt-cinq ans, et n'avait donc été en grand péril de ne plus trouver d'époux. N'ayant jamais quitté son île natale, elle avait été séduite par les belles manières de Joseph Gaspard qui avait passé cinq années à la cour de Versailles en qualité de page de la princesse Marie Josèphe de Saxe. Il avait regagné la Martinique avec les épaulettes de sous-lieutenant et s'était distingué dans quelques escarmouches, mais ces modestes titres militaires étaient une piètre consolation pour la famille de Sannois lorsqu'elle consentit de mauvais gré au mariage afin de s'assurer une descendance.
Le premier enfant du couple, une fille, naquit le 23 juin 1763 et fut baptisé cinq semaines plus tard dans la petite église des Trois-Îlets par un père capucin. "Aujourd'hui, écrivit-il dans ses registres, j'ai baptisé Marie Josèphe Rose, fille légitime de Joseph Gaspard de Tascher de La Pagerie et de son épouse Rose Claire des Vergers de Sannois". Après la cérémonie, conformément à la tradition, la nouvelle chrétienne fut présentée dans toutes les plantations voisines, fêtée et couverte de présents destinés à compléter sa layette. Puis on ramena l'enfant dans la demeure où elle avait vu le jour et qui est aujourd'hui convertie en musée.
La plantation familiale était connue, tant les esclaves étaient nombreux, sous le nom de "Petite Guinée." Le site où s'élevait la demeure des maîtres était d'une exceptionnelle beauté. Pour faire vivre son exploitation, la famille avait dû mener une bataille incessante contre une végétation luxuriante qui tentait de reprendre ses droits, envahissant les murs, disjoignant les pierres et sapant les fondations. Chaque arpent des cinq cents hectares de la propriété était un monument élevé à la gloire de la ténacité des colons et de leur capacité à l'emporter envers et contre tout.
La Grand-Case de La Pagerie était une demeure relativement modeste. Selon la coutume, elle était construite légèrement en hauteur, afin que le maître puisse avoir l'œil sur ses possessions. Cette bâtisse blanche d'un étage, entièrement en bois, recouverte de tuiles, reposait sur un sol de dalles carrées. L'aménagement intérieur mêlait les meubles français et américains. Dans toutes les pièces flottait le parfum des fleurs qui poussaient alentour : tubéreuses, immortelles, jasmins. Le long de trois des murs courait un "glacis", sorte de galerie à balustrade festonnée d'arabesques, à travers lesquelles Rose enfant découvrait son univers. Le jardin était ombragé de tamariniers, de manguiers et de frangipaniers dont le feuillage impénétrable dérobait la demeure à la vue des curieux. Les dépendances, dont les cuisines, se trouvaient au-delà d'une rangée d'hibiscus, d'acacias et de rosiers qui délimitait l'espace réservé à la famille. La fillette que les siens surnommaient Yéyette se promenait avec sa nourrice dans l'allée de palmiers qui partait de l'aile droite de la propriété. Ces arbres gigantesques, véritable colonnade à la romaine, tendaient au-dessus d'elle une voûte de palmes entrelacées. Le lieu allait rester l'un des préférés de Rose. Chaque mois, elle s'aventurait plus loin dans la plantation et la vallée creusée de combes et de gorges, découvrant d'immenses panoramas dont elle n'oublierait jamais la splendeur. Un paysage de collines opulentes, parsemées de verts pâturages, de savanes et de cultures sucrières s'étendait à perte de vue. Sur ces terres généreuses, la brise faisait onduler les champs de canne et en tirait un chant incessant. Partout, les trouées de feuillage laissaient entrevoir le bleu lumineux de la mer des Antilles.
Exploité depuis les origines par les Caraïbes, l'endroit fournissait fruits et légumes en abondance. Le royaume enchanté de la forêt tropicale aux lianes enchevêtrées menaçait sans cesse d'envahir le domaine. La rivière qui le traversait de part en part, tantôt impétueuse et tantôt languissante, s'appelle aujourd'hui la "rivière aux cinq noms".
Vue des hauteurs du Lamentin, La Pagerie fait forte impression : la plantation y paraît bordée de collines qui se fondent dans les brumes à mesure qu'elles s'élèvent vers le ciel. Le pic le plus haut, le Carbet, disparaît sous un voile de nuages. Au Nord, le domaine s'ouvre sur la baie des Trois-Îlets qui descend en pente douce jusqu'à la mer. Dans ce vaste amphithéâtre naturel tapissé de verdure, l'air vif chargé d'embruns est baigné de senteurs tropicales. L'endroit dégage une impression de paix si profonde que Rose enfant s'y sentit sans nul doute en parfaite sécurité. Comment la plantation, qui s'étendait à perte de vue, n'eût-elle pas paru à ses yeux le vaste monde ? Elle était d'ailleurs un monde à part entière, aussi indépendante qu'une petite ville, vivant pour l'essentiel de ce qu'elle cultivait et des fruits de la chasse et de la pêche. La Pagerie avait ses propres charpentiers, ses forgerons, son moulin, sa scierie, et même un petit hôpital.
Tirant du sucre de canne sa source principale de revenus, la propriété vendait aussi quelques balles de café, d'indigo et du coton qui poussaient sur les pentes du domaine. Elle possédait des ruches qui la fournissaient en miel et en cire. La famille exerçait sur son royaume un pouvoir absolu. Rose jouissait de tous les privilèges réservés aux princes ; entourée d'amour par son père, sa mère, ses grands-parents maternels, sa tante Rosette, et ses deux sœurs, Catherine-Désirée, née le 11 décembre 1764, et la benjamine, Marie-Françoise, dite Manette, venue au monde en septembre 1766.
Très tôt, la future Impératrice fut confiée à une nourrice du nom de Marion qu'assistaient deux jeunes filles, Geneviève et Mauricette. Grandissant au milieu d'esclaves à sa dévotion, elle était l'un de ces enfants de colons que les récits du temps décrivent souvent comme "très capricieux" et, comme elle devait en convenir, "une enfant gâtée", recevant dès son plus jeune âge force hommages rendus à son esprit et à sa beauté. La ravissante petite fille aux grands yeux couleur d'ambre n'en resta pas moins modeste. Ses cheveux châtains, ondulés avec soin, prenaient un éclat doré dans la lumière de l'île. Tous adoraient la "jolie créole", en particulier son grand-père, monsieur de Sannois, par ailleurs froid et distant.
Dans la nuit du 13 août 1766, un violent ouragan s'abattit sur la Martinique. Deux jours durant, la tempête ébranla La Pagerie. Rose, âgée de trois ans, dormait dans son berceau de bois quand apparut le signe annonciateur du désastre : un horizon bouché au nord-ouest de l'île. Soudain, le ciel se couvrit d'un voile de nuages noirs, qui en crevant, déversèrent des torrents de pluie. Une odeur de soufre emplissait l'atmosphère. L'enfant dans les bras, sa nourrice prit la fuite avec son père et sa mère, ralentie par une grossesse qui approchait de son terme, sa sœur Catherine et quelques domestiques. Tous coururent se réfugier au premier étage de la purgerie, le bâtiment de la sucrerie où la mélasse était laissée à refroidir après extraction. Des vents de plus de 150 km/heure détruisaient tout sur leur passage. La terre tremblait, le volcan vomissait des flammes, les rivières quittaient leurs lits et la mer s'enflait de vagues si hautes qu'elles semblaient se fondre dans le ciel. Elles étouffaient les cris de ceux qu'elles emportaient.
Extrait de La rose de Martinique par Andrea Stuart


De Rose à Joséphine


Napoléon lorsqu'il rencontra Marie-Josèphe-Rose de Beauharnais décida de l'appeler Joséphine car il trouvait que le prénom de Rose était commun.

Adorant son frère Joseph (Bonaparte) et comme le 2ème prénom de "Joséphine" était Josèphe, il la rebaptisa Joséphine sans vraiment lui en laisser le choix!

Cependant les amies de Joséphine "d'avant son mariage" avec Bonaparte, continuèrent à l'appeler Rose, ce qui avait le chic d'énerver Napoléon.

Joséphine et l'esclavage


Joséphine de Beauharnais, future Impératrice, naquit le 23 juin 1763 dans l’ancien domaine de la famille Tascher (prononcé “taché” à la Martinique) de la Pagerie.
Aujourd’hui, au sein d’un jardin fleuri, un petit musée relate l’enfance de la jolie créole : selon la légende, alors qu’elle était adolescente, une vieille femme noire lui aurait prédit de grandes destinées, après avoir lu dans les lignes de sa main. Près du parking, le long d’une rivière ombragée, s’élèvent les murs de pierre de la sucrerie avec ses cuves.
A la Martinique, le souvenir de Joséphine reste partagée entre la fierté d'avoir donné à la France une grande figure féminine et la honte "d'avoir accouché" d'une femme que la rumeur disait de mœurs dépravées. On dit lui reprocher surtout l'influence qu'elle aurait eut sur Napoléon au moment de rétablir l'esclavage: elle lui aurait rappelé la prospérité des colonies sous l'Ancien Régime servile, défendant ainsi les intérêts de sa propre famille.
En 1802 fut abrogée l’abolition de 1793 aux Antilles françaises et de sanglantes répressions s’ensuivirent à Saint-Domingue et à la Guadeloupe.

Certains habitants de la Martinique n’oublièrent pas : la statue en marbre de Joséphine érigée sur la Place de la Savane à Fort-de-France a été de nombreuses fois décapitée façon guillotine et maculée de peinture rouge sang sur sa poitrine. Souvent restaurée, la mairie a depuis longtemps capitulé devant les multiples récidives et laissé en l'état l’image de l'Impératrice peu aimée par cette partie des habitants. Il est question de la déplacer et de la mettre au domaine de La Pagerie.
Le sujet, douloureux, soulève encore de nombreuses réactions. Max Gallo, par exemple, mais aussi d'autres personnalités et historiens ont été accusés de traiter le sujet à la légère. L'esclavage est un crime contre l'humanité et il doit être condamné.

Néanmoins, il nous faut rétablir quelques faits historiques : l'esclavagisme n'a jamais été aboli à la Martinique. Joséphine aurait donc eu peu d'intérêt à le faire rétablir. D'autre part, et il peut être intéressant de le noter, pour Napoléon, les femmes n'avaient aucun droit de parole sur tout ce qui touchait la politique, Joséphine n'avait donc aucune emprise sur lui. Lors de l'assassinat du Duc d'Enghien, l'Impératrice avait tenté de s'y opposer, maintes fois, sans succès, car les femmes "n'ont pas à se mêler de politique".

Ce sont donc des intérêts et des considérations purement monétaires qui ont entraîné ce passage peu glorieux de l'histoire de France. L'abolition définitive de l'esclavage dans les colonies françaises se fit en 1848, année de l'arrivée de Louisy Mathieu, ancien esclave, au poste de député de la Guadeloupe (il a été le premier député noir).



TASCHER DE LA PAGERIE : JOSéPHINE, GRAND-MèRE DE L'EUROPE COURONNéE


L'histoire (ou la légende ?) raconte qu'un jour, dans la propriété où était née et où grandissait Marie-Josèphe-Rose de Tascher de La Pagerie, une Martiniquaise lui avait prédit en regardant les lignes de sa main : "Tu seras plus que reine !"
Pourtant, les débuts avaient été plus que difficiles : arrivée en France en 1779 avec son père, elle y avait épousé la même année, alors qu'elle n'avait que seize ans, Alexandre, vicomte de Beauharnais, capitaine de dragons, qui deviendra plus tard général. Cette union fut traversée par quelques orages, il faut le dire, l'histoire attribue la responsabilité à Beauharnais.

Tirée de la misère par Mme Tallien

Sous la Terreur, tenu comme suspect en qualité de noble et d'ancien général de l'armée du Rhin, il fut arrêté et décapité malgré l'intervention de sa femme. Joséphine ayant été à son tour incarcérée aux Carmes aurait subi le même sort, si le 9 Thermidor n'était venu la sauver. Elle connut en prison Mme de Fontenay (Teresia de Cabarus) qui devint Mme Tallien et, plus tard, princesse de Chimay. C'est par elle que Joséphine fut tirée de la misère où la Révolution l'avait plongée.
Mère de deux enfants, Eugène et Hortense, Joséphine épouse en 1796 le général Bonaparte. Devenu l'empereur Napoléon, celui-ci veut évidemment associer Joséphine à son triomphe : le couronnement. Mais voici que tous les Bonaparte se liguent pour empêcher le couronnement de Joséphine.
Leur haine n'a jamais désarmé contre l'intruse, la créole légère maintenant d'ailleurs très assagie, qui tient fort bien son rang, mais qui n'a pu donner de fils à l'empereur. Ils parlent et font parler ouvertement de divorce.
Trop vives, ces attaques manquent le but. Napoléon refuse de renvoyer sa femme : "Cela passe ma force, dit-il à Roederer. J'ai un coeur d'homme ; je n'ai pas été enfanté par une tigresse !"

Joséphine plus que reine : impératrice !

Joséphine aura donc part au sacre. Elle sera impératrice. Mais elle va obtenir davantage : elle s'assure, par un tour adroit, le mariage religieux que Napoléon jusqu'alors a évité et qui les attachera, croit-elle, par un indestructible lien.
Quand tout est décidé, en secret, elle confie au pape que son mariage n'a pas encore reçu la consécration de l'Eglise. Pie VII aussitôt se récrie : le couple impérial vit en état de péché mortel. Il déclare qu'il n'officiera pas à Notre-Dame si l'union religieuse n'a pas été célébrée auparavant. Sa conscience de prêtre ici ne fléchira pas.
Napoléon le comprend. Il recule devant le scandale qui entraînerait la remise ou l'abandon du sacre. Muni des dispenses nécessaires, le cardinal Fesch, sans témoins, donne aux deux époux la tardive bénédiction. Et le lendemain, Joséphine peut partir aux côtés de Napoléon dont elle est sûre maintenant de partager l'avenir.

Joséphine n'a pas donné d'héritier à Napoléon

Tout l'avenir ? Savoir ? Pourtant tout va bien dans le ménage impérial : depuis le Consultat, la délicieuse créole s'est assagie ; son gaspillage, ses dettes énormes, sa jalousie ont parfois amassée entre eux des nuages ; mais ils se sont presque aussitôt dissipés.
Gracieuse, élégante, s'attachant à lui complaire en tout, faisant comme il le dit lui-même "le charme de son intérieur", recevant à ravir, l'impératrice, après treize ans de mariage, garde la tendresse et l'amitié de Napoléon.
Pourtant, à son retour d'Autriche en 1809, il s'est résolu à un acte important : la rupture de son mariage avec Joséphine. Il souffre d'écarter de lui celle qu'il a passionnément aimée. Cependant, un intérêt politique évident l'y oblige. Il lui faut des héritiers directs.
Fouché n'a pas cessé de pousser au divorce. Dans son cynisme, il est allé jusqu'à inviter Joséphine à le demander elle-même. Napléon l'a plusieurs fois réprimandé. Mais il ne peut s'empêcher de penser que Fouché a raison, que tant qu'il n'a pas de fils, "la France n'est qu'en viager sur la tête" et que, si populaire que soit Joséphine, il remplira par un second mariage le voeu profond du pays.
C'est l'annonce de la promesse de Marie Walewska qui le décide. Pour commencer, il fait séparer par un mur son appartement de celui de l'impératrice : Fouché s'empresse à faire courir la nouvelle dans Paris.

Le divorce s'impose

Les scènes douloureuses vont se succéder entre les deux époux, à Fontainebleau puis aux Tuileries pendant tout le mois de novembre : "La politique n'a pas de coeur, dit Naploléon. Elle n'a que de la tête !"
Après avoir résisté, Joséphine se résigne ; Napoléon dore sa retraite : elle garde le titre d'impératrice, reçoit des dotations, des bijoux, des châteaux. Les familles sont assemblées, l'acte est signé par les deux époux et consacré le lendemain par un sénatus-consulte du Sénat.
Joséphine se retire à Malmaison et Napoléon va cacher son chagrin très sincère et très vif à Trianon.
Même après 1809, après son divorce, l'empereur subira encore l'ascendant de son charme et de sa bonté.
Joséphine passa le reste de sa vie à faire du bien autour d'elle. Si, au début de l'Empire, elle avait réussi à faire rayer de la liste des émigrés un grand nombre de royalistes, elle eut aussi le courage de s'employer, en vain à sauver le duc d'Enghien. Lorsqu'elle deviendra impératrice, Joséphine, suivant une expression, s'appliquera à être "constamment la bienfaitrice de sa famille".

Les Tascher : une famille qui remonte aux croisades

Car Joséphine avait aussi une famille.
Le nom de Tascher fait son apparition dans les premiers siècles du Moyen-Age. Il est déjà connu sous le roi Louis le Jeune, comme l'atteste une charte de 1167. Au cours des croisades, on relève les noms des chevaliers croisés Arnault et Regnault de Tascher. Nous savons de Regnault qu'en 1190, il est aux côtés de Philippe-Auguste pendant la troisième croisade. Un peu plus tard, on identifie Etienne de Tascher en 1302, Ferry en 1309, Jeanne en 1340, un autre Regnault seigneur de Saint-Georges en 1350, Jean en 1369 et, pour finir, Raoul en 1391. Ils sont tous établis en France.
Mais le premier contact avec une filiation pure ne s'établit qu'au commencement du XVème siècle, exactement en 1400-1405. Les Tascher sont, à cette époque, fixés dans cette partie du Perche qui se nome le Thimerais, dont Dreux est le centre et où ils jouissent, dès cette époque, d'une notoriété certaine.
Du Thimerais, les Tascher essaiment et se fractionnent. La branche aînée, qui deviendra plus tard la branche de La Pagerie, s'installe d'abord dans le Blaisois, pour se fixer ensuite à la Martinique, au commencement du XVIIIème siècle, et revenir finalement en France avec Joséphine.
La branche cadette se subdivise, elle aussi. Un premier rameau, après avoir pendant plusieurs générations, séjourné en Normandie, descend en Bordelais au milieu du XVIIème siècle : c'est la branche des Tascher de Guyenne.
Un autre rameau de cette branche cadette reste fidèle au pays d'origine : ce sont les Tascher du Perche, qui résident dans l'Orne jusqu'au milieu du XIXème siècle, époque du mariage du dernier représentant de cette famille avec Joséphine de Montalivet, fille du ministre.

 

Les Tascher s'installent à la Martinique

C'est Gaspard-Joseph de Tascher de La Pagerie qui passe à la Martinique. Né en 1705, il y épouse Marie-Françoise Boureau de la Chevalerie. Il meurt en 1767, en laissant cinq enfants : deux garçons et trois filles.
Des deux garçons, l'aîné, Joseph-Gaspard (1735-1791), est chevalier lorsque nous le trouvons, en 1792, au service de Madame la Dauphine, princesse de Saxe, en qualité de page. Il était titulaire de l'ordre de Saint-Louis et parvint au grade de capitaine dans les dragons. Puis il se fixe aussi à la Martinique, où il épouse, en 1761, Rose-Claire des Vergers de Sannois, qui lui donnera trois filles : Marie-Josèphe Rose (1763-1814), qui deviendra l'impératrice Joséphine, Catherine-Désirée et Marie-Françoise, qui moururent jeunes toutes deux.
Le second, Robert-Marguerite, est appelé d'abord le baron de Tascher. On le trouve lui aussi, page de Madame la Dauphine en 1754. Il devient lieutenant des vaisseaux du roi et messieurs les maréchaux de France, puis commandant les ports et rades de la Martinique.
Ce fut un rude soldat. Pendant la guerre de 1756 (il n'avait que seize ans), il était à bord de la frégate "La Bellone", sous les ordres du marquis de Beauharnais, lorsque les Anglais attaquèrent. Blessé, il fut laissé trois jours pour mort dans la cale. Il resta sourd de l'oreille gauche.
Un autre épisode de sa vie se situe alors qu'il était capitaine du port de Fort-Royal. Il fit caréner ou mettre en quille plus de quarante bâtiments. Son brevet de directeur des ports et arsenaux de la Martinique fut demandé par le comte de Grasse et le comte de Bouillé, alors gouverneur de la Martinique.
Au moment de la Révolution, il était maire de Fort-Royal. Il dut partir un jour pour Fort-Bourbon, où l'agitation régnait : on l'y garda 45 jours comme otage, et il fut libéré parce qu'il sut retourner l'opinion populaire et reprendre son ascendant sur les révolutionnaires. Il s'était marié en 1770 au Vauclin, à la Martinique, avec Jeanne le Roux de Chapelle, qui lui donna douze enfants.
Leurs destinées furent diverses, mais il y eut de grandes figures parmi eux. L'aîné de ceux qui s'illustrèrent est Charles, l'ancêtre des Tascher de La Pagerie actuels. Le second fut Henri (1785-1816) qui épousa en 1811, Marcelle Clary, soeur du général Clary et nièce de la reine Désirée de Suède. Henri de Tascher fut colonel, puis maréchal de camp. Il fut créé comte de l'Empire par lettres patentes de 1810.

La princesse de la Leyen

Louis de Tascher, le septième enfant des douze (1787-1863), naquit à la Martinique, comme tous ses frères et soeurs.
Militaire, il fut sous-lieutenant ; en 1806, officier d'ordonnance de Napoléon et termina sa carrière comme général de division. Aide de camp du prince Eugène, vice-roi d'Italie, il se trouve en Bavière en 1810, où il épouse Amélie, princesse de la Leyen, petite-nièce du prince-primat de Dalberg, grand-duc de Francfort. a la Restauration, le duc de Berry lui fait offrir un emploi à la cour, qu'il refuse aussitôt.
Il ne rentre en France qu'en 1835, pour y suivre, contre la famille de Dalberg, un procès en restitution de titre de duc par dévolution de son oncle maternel, Emmerich-Josef, duc de Dalberg et de l'Empire, valable en vertu d'un décret impérial en date du 8 juillet 1810.
Cependant, son fils sera le premier à porter le titre. Il eut, en effet, six enfants, mais un seul fils : Charles de Tascher de La Pagerie (1811-1869).
C'est en sa faveur que fut relevé, par décret impérial du 2 mars 1859, le titre de duc héréditaire conféré à Emmerch-Joseph de Dalberg, sous la dénomination de duc de Tascher de La Pagerie.
Charles fut député du Gard, sénateur, grand-maître de la maison de l'impératrice Eugénie. Il avait épousé la fille du chambellan du roi de Bavière : la baronne Caroline Perglas et eurent un fils, Robert, duc de Tascher de La Pagerie.
Charles (1782-1849), l'aîné des douze enfants de Robert-Marguerite et de Jeanne Le Roux de Chapelle, s'allia à Céline Soudon de Rivecourt et laissa dix enfants : cinq filles et cinq garçons, dont Emile (1822-1892), sorti de Saint-Cyr, maréchal des logis de l'empereur, qui fut le premier à s'installer dans l'Aisne, près de Saint-Quentin.
C'est lui qui annonça au Sénat la naissance du prince impérial. Son fils, Napoléon (1856-1935), filleul de l'empereur et de l'impératrice Eugénie, fit sa communion avec le prince impérial dans la chapelle du palais des Tuileries. Il s'allia avec Catherine Amelot de Chaillou, ils eurent deux enfants, Robert (1882-1959) et Charles, mort prématurément. L'aîné, Robert (1882-1959), épousa Mlle Arbel. Ce ménage eut quatre enfants, dont l'aîné, Renaud (1914-1993), et qui fut le dernier duc de Tascher de La Pagerie.
C'est aussi lui, qui durant une grande partie de sa vie a accompli un fabuleux travail : il a lu toutes les archives familiales, les a remises en clair, les a classés et en a fait un inventaire méthodique digne des grands archivistes.
Ce sont ces lettres que vous pouvez retrouver aujourd'hui sur ce site.
Article Original : A. Chaffanjon
1967 - 2005

 


La descendance de Joséphine

 

Le roi de Norvège, la reine de Danemark, le roi de Suède, le roi des Belges et la Grande Duchesse de Luxembourg (décédée en 2004) descendent tous, en ligne directe, de l'impératrice Joséphine.

Comment Joséphine apprit le divorce

Quand le divorce fut décidé, l'empereur, qui lui garda toute sa vie une grande et profonde affection, se décida à lui annoncer la triste nouvelle. Il choisit de le faire au cours du dîner, en tête à tête avec elle. En apprenant la chose, Joséphine s'évanouit. "Aussi effrayé qu'ému de l'effet qu'il venait de produire, dit M. d'Haussonville, Napoléon entrouvit la porte de son cabinet et appela à son aide le chambellan de service, M. de Bausset. L'évanouissement durant toujours, il demanda au chabelan si, pour éviter tout esclandre, il se sentait la force de porter l'impératrice jusque dans ses appartements, qui communiquaient avec les siens par un escalier dérobé. M. de Bausset prit l'impératrice dans ses bras et l'empereur, marchant à reculons, lui soutint soigneusement les pieds. Ils descendirent ainsi l'escalier..." Mais les jambes de M. de Bausset s'étant embarrassées dans son épée tandis qu'il descendait cet escalier étroit, comme il se raidissait pour ne pas laisser tomber son précieux fardeau, sa surprise fut assez grande d'entendre Joséphine lui dire tout bas en ouvrant un oeil : "Prenez garde, monsieur, vous me serrez trop fort."

Armoiries des ducs de Tascher



Les armoiries des ducs de Tascher de La Pagerie sous le Second Empire : parti : au I, de Tascher avec le franc-quartier des comtes de l'empire ; au II, Le Roux de la Chapelle ; au chef des ducs d'empire. Couronne de duc.

Devise : Honoris fidelis

Une curieuse lettre de Napoléon à Joséphine

Le divorce fut prononcé le 16 décembre 1809, et Joséphine se retira à la Malmaison. Napoléon lui fit de magnifiques dotations, lui constitua une rente de 2 millions de francs et entretint même avec elle une correspondance dont Marie-Louise se montra plus d'une fois jalouse. Une lettre excessivement intime et entièrement de la main de Napoléon jette un jour curieux sur la vie de l'ex-impératrice à la Malmaison. Elle provenait de la collection Félix Drouin et en voici le passage le plus curieux : "...Je te défends de voir Mme X... (le nom est en toute lettres), sous quelque prétexte que ce soit : je n'admettrai aucune excuse. Si tu tiens à mon estime, et si tu veux me plaire, ne transgresse jamais le présent ordre. Elle doit venir dans tes appartements, y rester de nuit : défends à tes portiers de la laisser entrer. Un misérable (c'était un prince) l'a épousée avec huit bâtards ! Je la méprise elle-même plus qu'avant : elle était une fille aimable, elle est devenue une femme d'horreur et infâme. Je serai à Malmaison bientôt. Je t'en préviens pour qu'il n'y ait point d'amoureux la nuit. Je serais fâché de les déranger."

La grand-mère de l'Europe



Joséphine peut partager avec la reine Victoria et le roi Christian IX de Danemark la gloire d'avoir dans sa descendance presque toutes les familles royales d'Europe. Si sa fille, la reine Hortense, ne fut que la mère de Napoléon III, son fils, le prince Eugène, marié à la princesse Joséphine de Leuchtenberg, épousa le roi Oscar Ier , roi de Suède et de Norvège, fils de Bernadotte. Elle fut la mère du roi Oscar II et Charles XV. Oscar II fut le père de Gustave VI Adolphe de Suède. Ce dernier, père de la reine Ingrid de Danemark, épouse du roi Frédéric IX, lequel étant le fils du roi Frédéric VIII et de Louise de Suède, fille de Christian XV, le roi et la reine de Danemark sont cousins et descendent tous deux de Joséphine. Louise de Suède et Frédéric VIII avaient eu un autre fils qui devint le roi Haakon VII de Norvège, grand-père du prince Harald de Norvège, et père du roi Olaf. Quand à la reine Astrid de Belgique, mère du roi Baudouin et grand-mère du prince héritier de Luxembourg actuel, elle était la petite-fille du roi Oscar II de Suède et l'arrière-petite-fille de Charles XV du côté marternels...

Portrait par Gérard



Ce portrait de l'impératrice Joséphine, par Gérard, est peu connu. La petite Créole est à l'apogée de la gloire. Joséphine de Tascher de La Pagerie (1763-1814) était issue d'une ancienne famille noble originaire de Châteauneuf-en-Thimerais, au Perche, connue depuis le XV° siècle. Elle était fille de Joseph-Gaspard et de Rose-Claire des Vergers de Sannois, et veuve du général vicomte Alexandre de Beauharnais. Elle épousa Bonaparte en 1796.


EINSTEIN ON THE BEACH


Einstein on the Beach


1976



Genre : Opéra en 4 actes, musique de Philip Glass
livret Christopher Knowles, Samuel L. Johnson et Lucinda Childs
langue Anglais
année 1975-1976
création 25 juillet 1976
Festival d'Avignon en France par le Philip Glass Ensemble

Einstein on the Beach est un opéra écrit et mis en musique, en 1976, par Philip Glass, mis en scène et dirigé par Robert Wilson. L'opéra contient également des textes de Christopher Knowles, Samuel L. Johnson et Lucinda Childs. Einstein on the Beach est défini par Philip Glass comme un opéra en quatre actes, pour ensemble, chœur et solistes.


Avec une durée de cinq heures, c'est le premier et le plus long opéra de Philip Glass. Étant donné la nature de la musique (lente répétition de petits éléments, évolution et changements très graduels, motifs récurrents) et la durée, Robert Wilson a voulu que l'entrée et la sortie des spectateurs soient libres.


Einstein on the Beach a rejoint deux autres opéras (Satyagraha en 1980 et Akhnaten en 1983) pour former une trilogie informelle. Chacun de ces opéras a pour vocation d'établir le portrait de personnages dont la vision et la puissance de leurs idées transformera la pensée de leur temps.


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Conception et représentations


Philip Glass découvre le travail de Robert Wilson en 1973 avec la représentation de The Life and Times of Joseph Stalin à la Brooklyn Academy of Music[1]. Ils décident en 1973 de concevoir une œuvre commune, projet qu'ils mettent en place durant le printemps 1974 lors de nombreuses rencontres[2]. Ils décidèrent alors de créer un opéra d'une durée de quatre à cinq heures, basé sur un personnage de l'histoire. Wilson proposa les noms de Charlie Chaplin et de Adolphe Hitler, ce que Glass rejeta[2]. Ce dernier proposa le mahatma Gandhi (qui deviendra le personnage central de son second opéra Satyagraha). C'est le personnage d'Albert Einstein qui sera finalement retenu et interprété par le violoniste Paul Zukofsky, un proche de Philip Glass.


Le titre de l'œuvre originale était à l'origine Einstein on the Beach on Wall Street sans que la raison soit connue[2]. L'écriture théâtrale de l'œuvre s'est faite à partir de dessins de Wilson après un accord sur l'agencement des thèmes, des sections, et des durées décidé en commun avec Glass[2]. Les textes se composent de nombres, de notes de solfège, ainsi que de poèmes écrits par un jeune autiste, Christopher Knowles, que Robert Wilson connut lorsqu'il était éducateur pour enfants perturbés[1]. D'autres courts textes ont été écrits par la chorégraphe Lucinda Childs et Samuel L. Johnson. L'ensemble de ces textes ne forment pas d'intrigue particulière, comme on en trouve dans les opéras traditionnels. Ils participent à un tout, en s'entrelaçant avec la musique, l'action scénique et les éclairages. La partie chorégraphique de Einstein fut écrite par Andy Degroat pour les mouvements d'ensemble et par Lucinda Childs quant à ses propres solos[2].


La première de l'opéra, interprétée par le Philip Glass Ensemble, s'est tenue lors du Festival d'Avignon le 25 juillet 1976 où elle fit forte impression. L'opéra sera ensuite joué durant l'été à Hambourg, Paris, Belgrade, Venise, Bruxelles, Rotterdam et enfin, en novembre, au Metropolitan Opera de New York.

En 1988, le directeur Achim Freyer (qui réalisa également la première de Akhnaten à Stuttgart en 1984) proposa une version retravaillée dans un style très abstrait, et comportant de nouveaux textes. Cette version eut un succès mitigé. En 1992, une version, où participèrent Robert Wilson, Philip Glass et Lucinda Childs, fut organisée à l'Université de Princeton, puis jouée en tournée à Frankfort, Melbourne, Barcelone, Madrid, Brooklyn et Paris. Une nouvelle tournée mondiale d'une version montée avec d'importants moyens financiers est prévue en 2012[3].


Argument



Dès le début de leur collaboration, Glass et Wilson décidèrent de ne pas apporter d'histoire linéaire à Einstein. Leur objectif était plutôt d'incorporer des symboles liés à la vie d'Einstein, au travers de la mise en scène, des personnages, des textes et de la musique. Par exemple, le premier Knee Play se compose de musique jouée à l'orgue et de nombres répétés par les récitants. Philip Glass explique qu'au départ, ces nombres étaient là simplement pour offrir un texte repère aux récitants, en attendant les textes finaux. Ils furent finalement conservés car ils symbolisaient bien les aspects mathématiques et scientifiques liés à Einstein.


Les thèmes développés font référence à la théorie de la relativité, à la théorie des champs de force unifiés, à l'arme nucléaire ou encore à la radio grandes ondes.


L'opéra se compose de neuf scènes d'environ vingt minutes séparées par des Knee Play. Cinq d'entre eux structurent l'opéra en quatre actes. Pour Philip Glass, un Knee Play est un interlude reliant deux actes et d'une certaine façon, ressemble au genou de l'anatomie humaine (Knee = Genou). Les Knee Play jouaient également le rôle d'entractes durant lesquels la scène pouvait être réorganisée en vue du tableau suivant. Ces interludes n'en restent pas moins des pièces musicales importantes, encore jouées de nos jours, indépendamment de l'opéra tout entier.


L'exécution de l'opéra nécessite deux femmes, un homme et un enfant pour les rôles récités (dans la version de Wilson), un chœur de 16 personnes (sopranos, altos, ténors et basses) avec une importante contribution soliste du soprano et une partie plus petite pour le ténor, une flûte (doublée d'un piccolo et d'une clarinette basse), un saxophone soprano (doublé d'une flûte), un saxophone ténor (doublé d'un saxophone alto), un violon solo et deux orgues/synthétiseurs. L'orchestration était à l'origine prévue pour les cinq membres du Philip Glass Ensemble, auquel s'ajoutait un violon solo.


Structure



  • Knee 1
  • Train 1
  • Trial 1
    • Entrance
    • Mr. Bojangles
    • All Men Are Equal
  • Knee 2
  • Dance 1
  • Night Train
  • Knee 3
  • Trial 2
    • Prematurely Air-Conditioned Supermarket
    • Ensemble
    • I Feel the Earth Move
  • Dance 2
  • Knee 4
  • Building
  • Bed
    • Cadenza
    • Prelude
    • Aria
  • Spaceship
  • Knee 5


Enregistrements



Il existe, à ce jour, deux enregistrements complets, publiés en disques.


Le premier enregistrement date de 1979 et fut publié en quatre disques LP chez Tomato Records (devenu ensuite CBS Masterworks puis Sony). Cet enregistrement fut ramené à 160 minutes pour tenir en quatre disques. De ce fait, certains passages sont fortement raccourcis.


Le second enregistrement a été publié en trois CD, en 1993, chez Nonesuch Record. L'opéra dure 190 minutes. Les récitants sont les mêmes que pour le premier enregistrement, à l'exception de Samuel L. Johnson, décédé entretemps et remplacé par Jasper McGruder. Le violon est tenu par Gregory Fulkerson, la soprano par Patricia Schuman.


L'album Songs from the Trilogy, CBS Records (1989), est une compilation incluant quatre extraits de Einstein on the Beach ainsi que des extraits de Satyagraha et Akhnaten.


Bibliographie

  • (en) Keith Potter, Four Musical Minimalists: La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, Cambridge


 








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Einstein on the Beach
Genre
Nb. d'actes
4 actes
Musique
Livret
Langue
originale
Durée
approximative
environ 5 heures
Dates de
composition
Création
Création
française
idem
Einstein on the Beach est un opéra écrit et mis en musique, en 1976, par Philip Glass, mis en scène et dirigé par Robert Wilson. L'opéra contient également des textes de Christopher Knowles, Samuel L. Johnson et Lucinda Childs. Einstein on the Beach est défini par Philip Glass comme un opéra en quatre actes, pour ensemble, chœur et solistes.


Avec une durée de cinq heures, c'est le premier et le plus long opéra de Philip Glass. Étant donné la nature de la musique (lente répétition de petits éléments, évolution et changements très graduels, motifs récurrents) et la durée, Robert Wilson a voulu que l'entrée et la sortie des spectateurs soient libres.


Einstein on the Beach a rejoint deux autres opéras (Satyagraha en 1980 et Akhnaten en 1983) pour former une trilogie informelle. Chacun de ces opéras a pour vocation d'établir le portrait de personnages dont la vision et la puissance de leurs idées transformera la pensée de leur temps.

 

Philip Glass découvre le travail de Robert Wilson en 1973 avec la représentation de The Life and Times of Joseph Stalin à la Brooklyn Academy of Music[1]. Ils décident en 1973 de concevoir une œuvre commune, projet qu'ils mettent en place durant le printemps 1974 lors de nombreuses rencontres[2]. Ils décidèrent alors de créer un opéra d'une durée de quatre à cinq heures, basé sur un personnage de l'histoire. Wilson proposa les noms de Charlie Chaplin et de Adolphe Hitler, ce que Glass rejeta[2]. Ce dernier proposa le mahatma Gandhi (qui deviendra le personnage central de son second opéra Satyagraha). C'est le personnage d'Albert Einstein qui sera finalement retenu et interprété par le violoniste Paul Zukofsky, un proche de Philip Glass.


Le titre de l'œuvre originale était à l'origine Einstein on the Beach on Wall Street sans que la raison soit connue[2]. L'écriture théâtrale de l'œuvre s'est faite à partir de dessins de Wilson après un accord sur l'agencement des thèmes, des sections, et des durées décidé en commun avec Glass[2]. Les textes se composent de nombres, de notes de solfège, ainsi que de poèmes écrits par un jeune autiste, Christopher Knowles, que Robert Wilson connut lorsqu'il était éducateur pour enfants perturbés[1]. D'autres courts textes ont été écrits par la chorégraphe Lucinda Childs et Samuel L. Johnson. L'ensemble de ces textes ne forment pas d'intrigue particulière, comme on en trouve dans les opéras traditionnels. Ils participent à un tout, en s'entrelaçant avec la musique, l'action scénique et les éclairages. La partie chorégraphique de Einstein fut écrite par Andy Degroat pour les mouvements d'ensemble et par Lucinda Childs quant à ses propres solos[2].


La première de l'opéra, interprétée par le Philip Glass Ensemble, s'est tenue lors du Festival d'Avignon le 25 juillet 1976 où elle fit forte impression. L'opéra sera ensuite joué durant l'été à Hambourg, Paris, Belgrade, Venise, Bruxelles, Rotterdam et enfin, en novembre, au Metropolitan Opera de New York.


En 1988, le directeur Achim Freyer (qui réalisa également la première de Akhnaten à Stuttgart en 1984) proposa une version retravaillée dans un style très abstrait, et comportant de nouveaux textes. Cette version eut un succès mitigé. En 1992, une version, où participèrent Robert Wilson, Philip Glass et Lucinda Childs, fut organisée à l'Université de Princeton, puis jouée en tournée à Frankfort, Melbourne, Barcelone, Madrid, Brooklyn et Paris. Une nouvelle tournée mondiale d'une version montée avec d'importants moyens financiers est prévue en 2012[3].


Argument



Dès le début de leur collaboration, Glass et Wilson décidèrent de ne pas apporter d'histoire linéaire à Einstein. Leur objectif était plutôt d'incorporer des symboles liés à la vie d'Einstein, au travers de la mise en scène, des personnages, des textes et de la musique. Par exemple, le premier Knee Play se compose de musique jouée à l'orgue et de nombres répétés par les récitants. Philip Glass explique qu'au départ, ces nombres étaient là simplement pour offrir un texte repère aux récitants, en attendant les textes finaux. Ils furent finalement conservés car ils symbolisaient bien les aspects mathématiques et scientifiques liés à Einstein.


Les thèmes développés font référence à la théorie de la relativité, à la théorie des champs de force unifiés, à l'arme nucléaire ou encore à la radio grandes ondes.


L'opéra se compose de neuf scènes d'environ vingt minutes séparées par des Knee Play. Cinq d'entre eux structurent l'opéra en quatre actes. Pour Philip Glass, un Knee Play est un interlude reliant deux actes et d'une certaine façon, ressemble au genou de l'anatomie humaine (Knee = Genou). Les Knee Play jouaient également le rôle d'entractes durant lesquels la scène pouvait être réorganisée en vue du tableau suivant. Ces interludes n'en restent pas moins des pièces musicales importantes, encore jouées de nos jours, indépendamment de l'opéra tout entier.

L'exécution de l'opéra nécessite deux femmes, un homme et un enfant pour les rôles récités (dans la version de Wilson), un chœur de 16 personnes (sopranos, altos, ténors et basses) avec une importante contribution soliste du soprano et une partie plus petite pour le ténor, une flûte (doublée d'un piccolo et d'une clarinette basse), un saxophone soprano (doublé d'une flûte), un saxophone ténor (doublé d'un saxophone alto), un violon solo et deux orgues/synthétiseurs. L'orchestration était à l'origine prévue pour les cinq membres du Philip Glass Ensemble, auquel s'ajoutait un violon solo.



 



          
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