Bob et moi sommes prêts pour le lancement, avaient dit plus tôt Doug Hurley et Bob Behnken.
Ils ont recommencé à l’identique ce qu’ils avaient déjà fait mercredi : ils ont revêtu leurs combinaisons spatiales blanches et noires, inspirées d’Hollywood ; ils ont dit au revoir à leurs familles, sans contact ; et un convoi les a conduits jusqu’à la fusée dans une voiture électrique Tesla, publicité offerte par la Nasa à Elon Musk qui a créé la marque.
Profitant d’une éclaircie, la fusée de la société fondée par Elon Musk a décollé à 15 h 22 heure de Paris, et placé en orbite sans encombre la capsule Crew Dragon une dizaine de minutes plus tard.
Après avoir accompli sa tâche d’arracher les deux hommes à la gravité terrestre, le premier étage de la fusée de 70 mètres s’est séparé comme prévu et est revenu se poser, à la verticale, sur une barge au large de la Floride.
SpaceX est la seule société au monde à récupérer ainsi ses lanceurs.
Les astronautes devraient atteindre la Station spatiale internationale dimanche
Puis le second étage de Falcon 9 a placé Dragon sur la bonne orbite, en direction de la Station spatiale internationale, qui vole à plus de 400 km au-dessus des océans, à plus de 27 000 km/h.
Ce faisant, une caméra a retransmis l’intérieur de la capsule en direct, montrant les deux hommes attachés dans leurs sièges pendant leur ascension supersonique.
Séparation Dragon confirmée, a annoncé le directeur de lancement.
Félicitations […] pour ce premier voyage habité pour Falcon 9, c’était incroyable, a dit l’astronaute Doug Hurley, commandant du vaisseau alors que Dragon filait déjà à 27,000 km/h, à environ 200 km d’altitude.
Les deux hommes devraient atteindre la Station spatiale internationale dimanche à 16 h 29, heure de Paris.
Depuis janvier, plus de 1100 dauphins ont été retrouvés échoués sur le littoral atlantique français. Presque autant que le record de l’année dernière (1200 échouages), malgré le confinement. Des morts tout sauf naturelles.
Par Cécile Bontron
Grands cirés jaunes ou gros manteaux avec col rembourrés, longues bottes sur des pantalons imperméables… pendant des mois, ils ont sillonné la façade atlantique, les uns sur le sable ou les centres de stockage des communes du littoral, les autres chevauchant des Zodiac dans la houle de l’Océan. Leur but: trouver des dauphins. Pas ceux qui dansent autour des navires du golfe de Gascogne. Des dauphins sans vie. Les scientifiques de l’Observatoire Pelagis comme les militants de Sea Shepherd ont passé l’hiver, jusqu’au confinement, à chercher à comprendre pourquoi les dauphins s’échouent sur nos plages.
Entre le 1er janvier et le 30 avril, l’Observatoire Pelagis, une unité de recherche du CNRS et de l’université de La Rochelle, a dénombré plus de 1100 dauphins communs morts sur la côte atlantique française. Pourtant, les scientifiques ont enregistré moitié moins de signalements d’échouages pendant le confinement. La «saison» de 2020 aurait dû dépasser le record de 2019: 1200 dauphins retrouvés morts. En 2017 et en 2018, plus de 900 de ces cétacés avaient été découverts sur les plages de l’Atlantique; en 2016, ils étaient 558, alors qu’en 1996, on en retrouvait «que» 85. Comment sont morts tous ces dauphins?
Autopsies sur site
Dans le centre de stockage de Saint-Jean-Monts, en Vendée, des scientifiques se penchent sur la carcasse d’une jeune femelle retrouvée sur la plage la veille. C’est une journée froide et pluvieuse de février. Les deux biologistes vont réaliser une autopsie sur site avec le matériel de leur fourgonnette équipée, comme elles l’ont fait des centaines de fois, et le feront encore. Elles passent l’ensemble des organes en revue. Foie, reins, ovaires, tout semble en bon état. Une palpation de l’estomac révèle même un poisson entier. La femelle dauphin était en pleine forme, elle venait juste d’attraper son dîner quand elle est morte.
1/12 - Depuis janvier, plus de 1100 dauphins ont été retrouvés échoués sur le littoral atlantique français.Jéromine Derigny/Collectif Argos
La clé de l’énigme se situe au niveau des poumons: hémorragies. L’animal a visiblement été asphyxié. La jeune femelle a donc avalé son poisson juste avant de se faire bloquer au fond de l’eau trop longtemps. Elle n’a pas pu remonter à la surface pour respirer. Son histoire, finalement, est très banale: en chassant, elle s’est retrouvée coincée dans des filets de pêche qui ne la ciblaient pas. Comme la plupart des dauphins retrouvés sur les plages françaises.
L’Observatoire Pelagis a établi que lors des épisodes de mortalité extrême, 90% des décès sont provoqués par un engin de pêche. La cause du décès des 10% restants n’a pu être identifiée, leur état de décomposition étant trop avancé. Mais quels engins de pêche tuent les dauphins?
L’an dernier, l’attention s’est portée sur le chalutage pélagique en bœuf, c’est-à-dire deux bateaux chassant en paire, qui pêchent entre deux eaux (ni en surface ni en grande profondeur): l’ONG Sea Shepherd avait pu filmer des dauphins pris dans ces mailles destinées aux bars. Des analyses, dans les années 2000, avaient montré l’implication de cette pêche dans les captures accidentelles de dauphins. Les images de Sea Shepherd avaient permis une forte médiatisation du cri d’alarme que poussaient les scientifiques depuis plusieurs années.
Chacun a sa part de responsabilité: les pêcheurs, le gouvernement et les consommateurs
Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France
Mais la pêche a évolué et les chalutiers pélagiques français ont démontré qu’aujourd’hui, ils sont loin d’être les seuls fautifs. L’an dernier, la vingtaine de ces navires a généralisé l’installation à bord de pingers, des émetteurs acoustiques pour faire fuir les dauphins, et embarqué davantage d’observateurs. Résultat: une estimation de 420 captures accidentelles à bord des chalutiers pélagiques en bœuf pendant l’hiver 2019. Ce qui équivaut à moins de 4% du total des décès de dauphins.
Éric Guyniec est copropriétaire de six chalutiers pélagiques en bœuf. En 2019, ses bateaux ont remonté deux dauphins. «Malheureusement, le pinger était déchargé», assure-t-il. D’autres dauphins ont été pris dans ses filets en 2020. «Nous avons participé à un projet avec d’autres pingers sur trois fréquences différentes, mais ils ne sont pas suffisamment performants, raconte-t-il. Pour nous, ceux de 2019 étaient efficaces à 100%.» Il ajoute: «Je suis grand-père, j’ai trois petites-filles. Je ne veux pas voir de dauphin mort quand je les emmène à la plage! Il ne peut pas y avoir de dauphins dans mes filets. Ce n’est pas acceptable.» Le Breton de 54 ans a débuté dans la profession en 1982. «Il y a trente ans, on pêchait à tout-va sans faire attention à la prise», confie-t-il. Mais il assure: «Depuis quelques années, les pêcheurs font des efforts sur les filets sélectifs, sur les petits poissons. Le pêcheur artisanal français prend soin de l’environnement.»
Les pêcheurs dans le viseur
Le problème, c’est que le golfe de Gascogne est devenu un vrai capharnaüm: environ 400 fileyeurs français peuvent y déposer des dizaines de kilomètres de filets par jour, une vingtaine de chalutiers pélagiques en solo y traînent les leurs, sans compter des naviresusines espagnols, hollandais, allemands ou portugais. Et il est impossible de mettre des pingers sur les kilomètres de filets stagnants: ils chasseraient les dauphins de leur zone de nourrissage.
Le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins a lancé une série de programmes pour tenter de limiter les captures accidentelles et en trouver les causes: les tests de différents pingers, une application pour déclarer les captures, un marquage des cadavres, etc. Des programmes qui ne concernent pas les navires étrangers. «Ce sont des bateaux industriels, on ne sait pas ce qui se passe à bord», affirme Éric Guyniec.
L’Observatoire Pelagis a pu identifier les zones où meurent les dauphins échoués: principalement entre les estuaires de la Loire et de la Gironde, sur le plateau continental. Les chercheurs ont ensuite superposé les efforts de pêche à ces zones de mortalité. L’étude montre quels types de navires et quels types d’engins de pêche étaient en action là où les dauphins se sont fait capturer. Dans le viseur: les chaluts de fond espagnols qui ont déjà été observés avec 15 dauphins dans un même trait de filet, les chalutiers pélagiques en bœuf français, surtout lorsqu’ils ciblent le bar, le merlu et la lotte, et les fileyeurs pêchant le merlu et la lotte.
Mais les petits bateaux sont exclus de l’étude car le suivi automatique n’est obligatoire que pour ceux de plus de 12 mètres, qui ne représentent que moins d’un tiers des bateaux de pêche français. «J’étais sceptique, témoigne Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France. Je ne pensais pas que de petits bateaux pouvaient tirer des dauphins dans leurs filets. Mais nos équipes ont vu un dauphin pris par un petit fileyeur. Nous avons l’image. Eux disent qu’ils ne prennent que quatre à cinq dauphins par an. Le problème, c’est qu’ils sont des centaines.»
Selon l’Observatoire Pelagis, 56.000 cétacés ont été victimes de prises accidentelles depuis quinze ans dans le golfe de Gascogne
Le Sam Simon, le bateau de Sea Shepherd envoyé dans le golfe de Gascogne, a dû arrêter sa mission à cause du confinement, comme beaucoup de membres du Réseau national échouage… mais aussi certains bateaux de pêche. Difficile de connaître l’impact réel du confinement sur la mortalité des dauphins. Mais le record de 2019 pourrait quand même tomber: depuis quelques années, l’été connaît quelques pics d’échouages et, l’an dernier, ces records ont commencé à la mi-juillet… pour continuer jusqu’en décembre. L’Observatoire Pelagis s’attend à ce que la saison des échouages s’élargisse toute l’année ou presque. La population du golfe de Gascogne, estimée à 200.000 individus, est en danger.
Depuis quinze ans, soit une génération pour les dauphins, ce même observatoire estime que 56.000 cétacés ont été victimes de prises accidentelles. Grand prédateur, le dauphin a un temps de reproduction lent et les décès interviennent sur des individus jeunes, qui auraient dû assurer le renouvellement de l’espèce. Pour Sea Shepherd, interdire toute méthode de pêche non sélective serait la seule solution pour protéger les dauphins. «On ne peut pas continuer à dire que le dauphin est une espèce protégée si on continue comme ça», s’insurge Lamya Essemlali.
Symbole de la biodiversité
Pour la militante, si l’on veut réduire les possibilités de pêche à des méthodes sélectives comme la pêche à la ligne avec des hameçons adaptés, «ça veut dire pêcher beaucoup moins et manger beaucoup moins de poissons,affirme-t-elle. Chacun a sa part de responsabilité: les pêcheurs, le gouvernement et les consommateurs.» Elle ajoute: «Les dauphins représentent aussi un symbole, ils permettent d’alerter sur un problème plus large.»
Car si les dauphins suscitent beaucoup de réactions, ce ne sont pas les seules captures accidentelles, qui concernent en réalité toutes sortes d’espèces comme les marsouins, les phoques, les albatros… mais aussi les animaux juvéniles des espèces ciblées, trop jeunes pour être pêchés. «Les captures accidentelles de dauphins se voient plus que d’autres, comme celles des requins qui, eux, coulent et disparaissent au fond des océans, assure Hélène Peltier, biologiste de l’Observatoire Pelagis. Et c’est une espèce charismatique, qui parle au public.» Les dauphins, par la sympathie qu’ils inspirent, sont ainsi devenus l’emblème de toutes les captures accidentelles, le symbole d’une biodiversité menacée.