Sabrina Millien a autorisé Voiles et Voiliers à publier ce récit écrit de sa main. Nous l’en remercions. Et nous n’oublierons pas cette image sur une vidéo d’arrivée de Jean Le Cam aux Sables-d’Olonne, où on la devine emmitouflée sous la pluie et qui interpelle discrètement Jean Le Cam en ces termes : « Jean, le suis la compagne de Kévin. Merci de me l’avoir ramené. »
Voici le texte de Sabrina :
15h, je reçois ce coup de fil tant redouté par toutes les femmes et maris de marins
Lundi 30 novembre.
Sabrina Millien a autorisé Voiles et Voiliers à publier ce récit écrit de sa main. Nous l’en remercions. Et nous n’oublierons pas cette image sur une vidéo d’arrivée de Jean Le Cam aux Sables-d’Olonne, où on la devine emmitouflée sous la pluie et qui interpelle discrètement Jean Le Cam en ces termes : « Jean, le suis la compagne de Kévin. Merci de me l’avoir ramené. »
Voici le texte de Sabrina :
15h, je reçois ce coup de fil tant redouté par toutes les femmes et maris de marins
Lundi 30 novembre.
Sabrina Millien a autorisé Voiles et Voiliers à publier ce récit écrit de sa main. Nous l’en remercions. Et nous n’oublierons pas cette image sur une vidéo d’arrivée de Jean Le Cam aux Sables-d’Olonne, où on la devine emmitouflée sous la pluie et qui interpelle discrètement Jean Le Cam en ces termes : « Jean, le suis la compagne de Kévin. Merci de me l’avoir ramené. »
Voici le texte de Sabrina :
15h, je reçois ce coup de fil tant redouté par toutes les femmes et maris de marins
Lundi 30 novembre.
15h : Je reçois ce coup de fil tant redouté par toutes les femmes et maris de marin : « Tu es où ? Tu es toute seule ? Sab, Kévin a déclenché sa balise détresse. Pour le moment nous n’avons pas plus d’infos. Je te rappelle. »
Tout s’effondre. Les jambes tremblent. Les larmes montent. Mais il faut se reprendre
Et là tout s’effondre. Les jambes tremblent. Les larmes montent. Mais il faut se reprendre et prévenir le reste de la famille avant que l’info sorte publiquement.
16h. Ma maman Cathy Millien et Anne-Laure Gahinet arrivent à la maison.
Et là il faut attendre. Nous n’avons pas de nouvelles, nous ne savons pas si Kévin va bien, où il est, si il est en vie, où est le bateau…
Je me raccroche à̀ des faits : il a eu le temps d’envoyer un message à̀ l’équipe, il a eu le temps de déclencher sa balise, ça veut dire qu’il est conscient et qu’il a dû avoir le temps de se préparer.
17h. Nouveau coup de fil de Jean-Jacques Laurent, le patron de PRB : « Sab Jean l’a trouvé, il est dans son radeau ». L’émotion de ce moment, je ne suis pas près de l'oublier.
On craque de nouveau, mais cette fois de soulagement. Il va bien. Il est en vie. Maintenant il faut attendre que Jean Le Cam le récupère. Je me souviens écrire à nos proches : le prochain message que je vous envoie, il est à bord du bateau de Jean. Ça va aller.
Mon téléphone commence à exploser de messages. La nouvelle est publique. Ne sachant pas combien de temps cela prendra, Anne-Laure va chercher Inès à l’école pour la sortir de la garderie avant que des gens lui en parlent.
L’heure tourne… Les minutes me paraissent des heures, je décide de ne rien dire aux enfants pour le moment
Le squad de la famille et des amis s’organise pour faire bloc autour de nous, s’occuper des enfants, me soutenir. Des amies arrivent pour dormir à la maison. Je décide de ne rien dire aux enfants pour le moment. Je ne sais pas quoi dire. On ne sait pas. Inès part dormir chez mes parents « comme d’habitude ».
20h. Toujours rien… De plus en plus de bateaux sont déroutés pour venir en aide à Jean et retrouver Kévin. Le stress monte. Et on ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé. Est-il blessé ? Le bateau a-t-il coulé ?15h : Je reçois ce coup de fil tant redouté par toutes les femmes et maris de marin : « Tu es où ? Tu es toute seule ? Sab, Kévin a déclenché sa balise détresse. Pour le moment nous n’avons pas plus d’infos. Je te rappelle. »
Tout s’effondre. Les jambes tremblent. Les larmes montent. Mais il faut se reprendre
Et là tout s’effondre. Les jambes tremblent. Les larmes montent. Mais il faut se reprendre et prévenir le reste de la famille avant que l’info sorte publiquement.
16h. Ma maman Cathy Millien et Anne-Laure Gahinet arrivent à la maison.
Et là il faut attendre. Nous n’avons pas de nouvelles, nous ne savons pas si Kévin va bien, où il est, si il est en vie, où est le bateau…
Je me raccroche à̀ des faits : il a eu le temps d’envoyer un message à̀ l’équipe, il a eu le temps de déclencher sa balise, ça veut dire qu’il est conscient et qu’il a dû avoir le temps de se préparer.
17h. Nouveau coup de fil de Jean-Jacques Laurent, le patron de PRB : « Sab Jean l’a trouvé, il est dans son radeau ». L’émotion de ce moment, je ne suis pas près de l'oublier.
On craque de nouveau, mais cette fois de soulagement. Il va bien. Il est en vie. Maintenant il faut attendre que Jean Le Cam le récupère. Je me souviens écrire à nos proches : le prochain message que je vous envoie, il est à bord du bateau de Jean. Ça va aller.
Mon téléphone commence à exploser de messages. La nouvelle est publique. Ne sachant pas combien de temps cela prendra, Anne-Laure va chercher Inès à l’école pour la sortir de la garderie avant que des gens lui en parlent.
L’heure tourne… Les minutes me paraissent des heures, je décide de ne rien dire aux enfants pour le moment
Le squad de la famille et des amis s’organise pour faire bloc autour de nous, s’occuper des enfants, me soutenir. Des amies arrivent pour dormir à la maison. Je décide de ne rien dire aux enfants pour le moment. Je ne sais pas quoi dire. On ne sait pas. Inès part dormir chez mes parents « comme d’habitude ».
20h. Toujours rien… De plus en plus de bateaux sont déroutés pour venir en aide à Jean et retrouver Kévin. Le stress monte. Et on ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé. Est-il blessé ? Le bateau a-t-il coulé ?h
Le récit du sauvetage en vidéo par Polaryse
Je pense à Jean, Yannick, Sébastien, Simon, qui cherchent Kévin
Je pense à Jean (Le Cam), à Yannick Bestaven, à Sébastien Simon, à Boris Herrmann. Je n’imagine pas ce qu’ils vivent : l’angoisse le stress de ne pas trouver Kévin, la fatigue de manœuvrer ce type de bateau pour quadriller la zone. Tout au long de ces longues heures, je tiens au courant nos familles et nos amis via le groupe WhatsApp que j’avais créé et sur lequel je donnais des nouvelles régulières du bord.
Rassurer les autres me rassurait. Ils ont le droit de savoir. Kévin est mon chéri, le père de ma fille, mais c’est aussi leur fils, leur frère, leur ami
Les tenir au courant, leur donner des infos factuelles, m’a aidé à tenir, à ne pas sombrer dans la panique, dans l’angoisse. Les rassurer me rassurait. Et ils ont le droit de savoir. Kévin est mon chéri, le père de ma fille mais c’est aussi leur fils, leur frère, leur ami. Et l’angoisse que je vis, ils la vivent aussi. Quand je vois ce que je vis, je ne peux pas les laisser dans cette angoisse.
Cette angoisse, nous apprenons, nous proches de marins, à vivre avec. Mais on l’enfoui quelque part au fond, pour pouvoir continuer de vivre et dormir normalement pendant ces temps de course.
Mais quand ce coup de fil arrive : cette angoisse remonte et explose. C’est d’une violence inouïe. Envie de vomir. Des frissons.
C’est d’une violence inouïe. Envie de vomir. Des frissons
21h : Jean ne l’a pas plus en visu. Je le sais. Je demande confirmation à l’équipe. : « Non Sab on ne va pas te mentir : il ne le voit plus » Et là la panique me gagne. Je deviens livide. Des idées atroces me traversent l’esprit.
L’attente est interminable
Je suis en train de flancher. Je confie mon téléphone à mes amies pour ne plus gérer les appels, ne plus voir les messages, je n’ai pas la place pour absorber l’angoisse de toutes les personnes qui m’écrivent.
23h : l’info m’arrive comme quoi Kévin et en combinaison de survie.
Cette info me fait « reprendre le dessus » : il est dans son radeau, il est en combinaison de survie, il a vu Jean et donc il sait que les secours sont en route. C’est un warrior. Ça va le faire.
00h30 : ma tête est au bord d’exploser, nous sommes dans le canapé chez nous avec 3 amies Ion Lmc, Nolwenn Le Cloërec et Anne-Laure qui sont restées dormir et on regarde un film. On essaye par tous les moyens de se « distraire l’esprit ». Ce film en fond occupe l’espace, apporte une présence. Elles font bloc autour de moi. Je les sens paniquées, je le vois dans leur regard, mais elles ne montrent rien pour me préserver.
Dans ma tête je dis à Kévin de s’accrocher, je n’ai pas la force d’annoncer aux enfants que papa ne rentrera pas. Je lui dis que ça va aller, que je suis avec lui
Je finis par fermer les yeux. J’ai envie de dormir. Cela paraît incroyable mais je ferme les yeux, ça me fait du bien et dans ma tête je parle à Kévin. Je lui dis de s’accrocher, que je n’ai pas la force d’annoncer aux enfants que papa ne rentrera pas, que ça va aller, que je suis avec lui.
2h13 : Mes amies se relaient pour qu’il y en ait toujours une en veille sur mon téléphone. Le téléphone sonne, on me réveille « Sab ! Sab ! »
Je prends le téléphone et j’entends : « Sab c’est bon. Il est à bord avec Jean. »
Fin du cauchemar.
ET PENDANT CE TEMPS...
Vendée Globe. Sam Davies : « Plus que deux semaines à tenir ! »
Sam Davies poursuit sa remontée de l’Atlantique, hors course. Elle devrait bientôt être accompagnée par Isabelle Joschke qui boucle elle aussi le parcours du Vendée Globe malgré son abandon. Heureuse de cette compagnie, mais inquiète pour sa quille qui montre des signes de faiblesse, Sam nous donne des nouvelles fraîches du bord.
Je suis dans une zone de l’Atlantique Sud où les conditions sont agréables. Il fait beau, il fait chaud. J’avance doucement mais dans la bonne direction. La navigation est agréable, c’est bon pour le moral et je peux récupérer. Le bateau va toujours bien même si mon vérin de quille se dévisse, il y a de plus en plus de jeu dans le système.
Je stresse en permanence de ne pas pouvoir finir
Voiles et Voiliers : Ce souci de quille est une source d’inquiétude importante pour toi ?
Sam Davies : Oui, cela gâche un peu le plaisir de la navigation. Je stresse en permanence de ne pas pouvoir finir. La quille fait un bruit permanent et très désagréable, surtout au près. Cela ne m’aide pas à oublier le souci. Il ne me reste plus que deux semaines à tenir pour arriver aux Sables-d’Olonne. Je lève le pied pour que le bateau ne tape pas trop et que le jeu dans le système de quille ne s’aggrave pas. J’espère que ça résistera jusqu’au bout. Les membres de mon équipe m’assurent que oui, alors je leur fais confiance.
Voiles et Voiliers : Tu ne trouves pas le temps long, hors course depuis Cape Town ?
Sam Davies : Ça dépend des moments. Actuellement je suis dans un endroit sympa, j’ai des belles conditions et c’est agréable de naviguer. C’est ce souci de quille qui me rend impatiente et me fait trouver le temps long. J’ai juste envie d’arriver avant que quelque chose casse. Et puis Romain [Attanasio, son compagnon] a passé la ligne d’arrivée hier. Cela me donne envie de le rejoindre et de retrouver notre fils Ruben.
Sans cette collision, je ne sais pas si j’aurais réussi à suivre la cadence du groupe de tête jusqu’au bout, en tout cas mon bateau aurait été en excellent état
Voiles et Voiliers : Justement, que t’inspire la performance de Romain, qui a terminé 14e du Vendée Globe ?
Sam Davies : Je suis super heureuse pour lui. Il a eu beaucoup de soucis techniques mais malgré tous ses handicaps, il a fait une très jolie course. J’étais fière en le voyant passer la ligne d’arrivée. C’est un soulagement de le revoir à la maison, notre fils n’est plus tout seul et mes parents vont pouvoir partir en vacances [rires]. C’est un stress de moins pour moi.
Sam Davies : J’ai suivi depuis le bateau, c’était magnifique, impressionnant. Forcément j’étais un peu frustrée de ne pas avoir pu être dans ce match. Je me sentais envieuse, d’autant que j’étais encore très loin de l’arrivée à ce moment-là. Sans cette collision, je ne sais pas si j’aurais réussi à suivre la cadence du groupe de tête jusqu’au bout, en tout cas mon bateau aurait été en excellent état. Quand je vois les dégâts sur certains Imoca à l’arrivée, je me dis que j’aurais pu jouer avec eux.
Toutes nos actualités consacrées au Vendée Globe
Voiles et Voiliers : Tu vas pouvoir terminer le parcours au contact d’Isabelle Joschke, repartie de Salvador de Bahia hors course. Bon pour le moral ?
Sam Davies : Oui, d’autant plus que nous sommes copines. Je lui ai proposé qu’on termine ensemble car c’est plus sympa et plus « safe ». Je lui ai donné mes routages et mes positions pour qu’elle puisse caler son départ en fonction. Elle a quitté Salvador de Bahia un peu plus tard que ce que je pensais. Je vais l’attendre un peu, je ne suis pas pressée. J’ai hésité à faire demi-tour pour aller la chercher, mais je vais juste ralentir et nos routes vont converger. Nous serons toutes les deux bien contentes d’avoir quelqu’un à proximité. Nous avons rencontré des problèmes similaires, avec le vérin de quille, et nous naviguons toutes les deux avec des bateaux aux potentiels diminués.
Je suis très fière de mon projet, c’est la dimension solidaire qui m’a donné la force de repartir hors course
Voiles et Voiliers : Tu étais partie des Sables-d’Olonne avec un double objectif, sportif et humanitaire. Si la dimension sportive n’a pas été au rendez-vous jusqu’au bout, l’aspect solidaire est en revanche une grande réussite…
Sam Davies : Oui, aujourd’hui 67 enfants ont déjà pu être sauvés grâce aux dons des partenaires à l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque*. Nous avons déjà dépassé notre objectif de départ qui était de sauver 60 enfants. Finalement, le fait que mon aventure prenne plus de temps que prévu a une conséquence positive, cela permet de lever davantage de fonds. Je suis très fière de mon projet, c’est la dimension solidaire qui m’a donné la force de repartir hors course. Beaucoup d’enfants sont déjà arrivés en France pour se faire opérer. Je vois que mon engagement est très concret.
Voiles et Voiliers : Tu dois aussi énormément apprendre en réalisant ce tour du monde ?
Sam Davies : Oui bien sûr j’apprends beaucoup sur moi, le mental, l’engagement, la motivation, la météo, le parcours du tour du monde… En revanche, j’ai un peu moins appris sur le bateau car je n’étais pas au contact d’autres concurrents, je n’ai pas pu me comparer en termes de vitesse. Hors course, il n’y a pas de raison de prendre des risques, de naviguer aux limites du bateau. Il me reste donc encore des choses à voir de ce côté-là.
*L’association Mécénat Chirurgie Cardiaque, dont Sam Davies est l’une des ambassadrices, œuvre pour que des enfants souffrant de malformations cardiaques puissent se faire opérer en France lorsque cela est impossible chez eux faute de moyens techniques ou financiers.