Tristes Nouvelles de Patrick Chesnay
Une publication bien triste pour vous faire part de la disparition du SM2K n* 360 « ELOYSE »…
Notre équipage se composant de mon épouse et moi-même, appareillons pour les Saintes après avoir dans les jours précédents fait réaliser des travaux de maintenance sur le moteur (test des nez d’injecteurs, changement de deux injecteurs, réglage des jeux de culbuteurs….) de la Marina Bas du Fort (Pointe à Pitre – Guadeloupe) le samedi 27 mars 2021 à 8h30, avec des conditions météorologiques très convenables. Dès la sortie du chenal de la Marina, vers 08h45, par un vent d’Est-Sud Est de 15 nœuds et une mer belle, nous établissons génois et grand-voile. Par précaution, nous n’établissons pas l’artimon, étant travers au vent et ayant une vitesse de 7 nœuds, ce qui nous paraissait très suffisant et nous coupons le moteur.
Ayant fait le trajet inverse quelques jours auparavant (le 23 mars), nous avons utilisé les points tournants identiques pour notre retour aux Saintes… Une fois les voiles hissées, nous enclenchons le pilote automatique sur les mêmes points tournants.
Vers 9h10, le vent fraîchit à 20, 25 nœuds, levant une houle d’Est estimée à plus de 1,5 m, puis rapidement à plus de 2 mètres. Nous avons décidé de réduire notre voilure, la gîte s’accentuant. Nous commençons notre manœuvre en voulant réduite en premier lieu notre grand-voile, selon notre habitude à bord. Malheureusement, la grand voile, en s’enroulant dans le mât (enrouleur électrique) fait un pli à deux-tiers du mât, à la hauteur de la bande anti-uv. Constatant ce pli, nous essayons de ressortir la grand-voile pour la rentrer correctement et ce plusieurs fois, sans succès, en testant plusieurs méthodes pour la décoincer. Durant toute cette période, nous restons au poste de pilotage et surveillons les alentours, pour éviter les casiers de pêcheur, peu visibles dans les vagues. Le sondeur affiche toujours des profondeurs de l’ordre de 50 mètres… Notre attention se focalise sur le problème de grand-voile, pour ma part restant au poste de pilotage avec les commandes électriques et mon épouse à l’écoute pour essayer par la pression du vent de débloquer l’enrouleur dans le mât...malheureusement toujours sans succès, alors que j’avais ramené le point d’écoute à mi-bôme afin de donner plus de tension sur la voile pour la faire ressortir…
Une rafale plus puissante que les autres nous déporte violemment sur tribord, concomitamment une vague déferlante claque sur toute la coque babord. C’est à ce moment précis que nous ressentons un premier choc qui ébranle la structure du bateau. Nous imaginons à cet instant avoir percuté un OFNI…Nous démarrons le moteur et enroulons le génois. Un deuxième choc survient et nous fait comprendre que nous sommes échoués. Nous mettons le moteur en marche arrière plein gaz (4.000 tours/mn) sans aucun effet… la houle nous couche petit à petit sur le banc de corail (Caye à Dupont). A 9h25, un premier message sur le canal 16 alerte le CROSS suivi d’un « MAYDAY »… Le Crossag active immédiatement une procédure d’urgence avec le concours de l’hélicoptère de la Sécurité Civile et la vedette de la SNSM de Bas du Fort, en exercice sur le plan d’eau… Le moteur s’arrête et nous constatons à ce moment une voie d’eau, le niveau dépassant les planchers et nous confirmons cette constatation au CROSS
L’hélicoptère nous survole quelques minutes à peine après l’émission du « MAYDAY » pour donner notre position précise à la vedette de la SNSM qui va arriver sur zone. Immédiatement deux plongeurs ont été mis à l’eau depuis l’hélicoptère avec pour mission de faire un état des lieux des dégâts sur la coque. Leurs conclusions étant que le navire était trop engagé sur la Caye, et que les conditions de vent et de mer rendaient toute action de désengagement impossible, ils nous préparent à l’évacuation… Nous avons juste le temps de préparer un sac étanche contenant nos passeports, porte-feuilles (malheureusement, le sac étanche s’est ouvert durant notre transfert). L’hélitreuillage ne pouvant avoir lieu depuis le bateau, à cause des mouvement violents imprimés par la houle, nous sommes invités à débarqués sur le banc de corail afin d’être hélitreuillés l’un après l’autre, puis déposé sur la vedette de la SNSM, notre état physique ne nécessitant pas une évacuation vers le CHU, même si la rapidité des évènements, la violence des chocs et l’abandon du bateau nous ont affectés psychologiquement.
La vedette de la SNSM, après nous avoir réconforté nous dépose à la Marina Bas du Fort (vers 11h30), où nous déclarons avoir des amis sur le pontons où nous étions afin de parer au plus pressé (nous étions en maillot de bain sans plus aucun effet personnel).
En conclusion, nous tenons à remercier le CROSS, la SNSM, et la Sécurité Civile (dragon) et bien sûr l’équipage du maramu de Nissos 3 pour leur réactivité, leur efficacité et le réconfort apporté.
Un livre ouvert depuis 7 ans se referme beaucoup trop rapidement…
Mais la vie continue ! Bon vent et bonne navigation à tous ! Soyez prudents !