jeudi 7 octobre 2021

BERNARD TAPIE

 

Hommage devant le stade Vélodrome, dimanche. Photo Olivier Monge. Myop

BERNARD TAPIE, FIN DE PARTIE Marseille, jusque dans ses dernières volontés. Bernard Tapie, mort dimanche des suites d’un cancer, sera enterré ce vendredi à Marseille, après une messe célébrée à 11 heures en la cathédrale de la Major. Dès l’annonce de sa mort dimanche, une centaine de Marseillais s’étaient spontanément réunis sur les marches du stade, où une photo géante de «Nanard», ballon en main, avait été installée. Tapie et ses casseroles judiciaires (la cour d’appel de Paris a décidé de reporter au 24 novembre sa décision dans l’arbitrage controversé du Crédit Lyonnais), Tapie et sa grande gueule (ses relations avec Libé n’ont jamais été simples)... C’est plutôt cette image, celle de Tapie président olympien des grandes heures, qui a offert au club sa coupe d’Europe en 1993, que les Marseillais veulent garder en mémoire. Dès aujourd’hui, son cercueil franchira une ultime fois les portes du Vélodrome pour y être exposé entre 16 heures et 20 heures, en présence de sa famille, afin que les supporteurs puissent venir rendre un ultime hommage à leur «Boss».  S.H. Notre reportage sur les marches du stade à lire ici 





Hommage à Bernard Tapie, héros de tous les Français, tué par un complot des juges


“Il faisait partie de la famille de tous les Français”, assure-t-on sur BFMTV. Un parent courageux, transgressif, exemplaire, pudique… Bernard Tapie a été comblé d’honneurs ce dimanche. Revue de détail, loin d’être exhaustive, où l’on découvre que “l’homme d’affaires” était le parfait croisement entre Gabin, James Bond et un “bon bonhomme”.

« Bernard Tapie, la mort d’un géant », titre modestement BFMTV, en « édition spéciale » tout ce dimanche. Jean-Baptiste Boursier questionne un témoin de première main, par ailleurs président du groupe LREM à l’Assemblée. « Christophe Castaner, il reste quoi de la façon de faire de la politique de Bernard Tapie ? » L’ancien ministre éborgneur – pardon, de l’Intérieur – livre le souvenir d’une campagne électorale de Tapie à Forcalquier. « Il avait un truc de dingue, il rentrait dans une boutique, il repérait tout de suite la photo de la petite fille de la boulangère, il prenait la photo, il parlait de la petite fille à la boulangère. » Quelle belle leçon de démagogie. Et ce n’est pas fini…

 

© BFMTV

« Le soir, il y avait un match Marseille-Le Havre, des gamins viennent le voir, je lui dis : “C’est bête, M. Tapie, si on avait su, vous auriez apporté quelques places pour le match.” Et là, il me dit : “Alors, tu appelles Untel, tu lui dis que dans une heure je veux cinq cents places. C’était ça, Tapie. » Le clientélisme allié à la démagogie. Un cocktail modèle pour notre démocratie. Sur LCI, Ruth Elkrief nuance : « Pour Bernard Tapie, il y avait toujours un travail de conviction à faire parce que la politique n’était pas la politique politicienne, c’était de la conviction, c’était des valeurs. » Fluctuantes, les « valeurs ». « Sur le plan politique, note Laurent Delahousse sur France 2, on retiendra son combat qu’il a gardé jusqu’à la fin contre l’extrême droite. — Ouais, enfin, nuance Franz-Olivier Giesbert, l’extrême droite, c’était moins fort qu’au démarrage. » Le journaliste nommé patron de La Provence par Tapie (racheté avec l’argent reçu de l’arbitrage du Crédit Lyonnais), est bien placé pour le savoir : il ne manque pas d’épouser les thèses de l’extrême droite dans ses éditoriaux du Point.

 

© France 2

Sur BFMTV, Christophe Castaner relève la même évolution. « Le combat contre Jean-Marie Le Pen, il devait le mener, il y a été physiquement. Est-ce qu’il ferait le même aujourd’hui, j’en suis pas sûr. J’ai eu des échanges avec lui, il était plus du tout dans la même approche parce que le temps a changé. » Aujourd’hui, on a un ministre de l’Intérieur qui juge Marine Le Pen trop « molle ».

En ouverture du 20 heures, Laurent Delahousse préfère prendre « les Français » par les sentiments. « Il avait entamé ce combat avec la maladie il y a quatre ans et il n’avait rien voulu cacher aux Français. » Ça m’avait bouleversé. Surtout sa manière de l’instrumentaliser pour servir ses intérêts judiciaires. « Même ses principaux adversaires avaient un temps baissé les armes, reconnaissant sa force et sa capacité de résilience. » Sauf les juges, ces abominables sans-cœur. « La maladie qui l’a emporté…, s’attendrit le présentateur. Jusqu’au bout, il tenait à s’adresser à ceux qui comme lui étaient en train de la combattre : “Battez-vous encore et encore.” » Les cancéreux au moral défaillant sont des mauviettes. « Il le redirait encore ce soir. » Laurent Delahousse pratique un journalisme visionnaire : il cite déjà des propos apocryphes du défunt.

 

© France 2

Un reportage à Marseille permet de perpétuer les clichés sur l’homme et la ville. Un fan éploré : « À Marseille, y a la Bonne Mère, l’OM et Tapie. » Laurent Delahousse appelle une envoyée spéciale « devant son domicile de la rue des Saints-Pères. De l’émotion déjà. — Oui, même ici, à Paris, on a vu des anonymes déposer des écharpes et des maillots de l’OM ». Sacrilège. « On a vu des personnalités, Jean-Louis Borloo, son ami de quarante ans, Jacques Séguéla, le publicitaire. » Avec des écharpes et des maillots de Valenciennes.

 

© France 2

Laurent Delahousse entreprend de retracer « ses soixante ans de vie commune avec les Français ». Ah non, pardon, je ne me suis jamais marié avec Tapie, je ne l’ai même jamais eu comme colocataire. « On y a croisé un entrepreneur, un comédien, le boss d’une équipe de foot mais aussi un détenu. » Pauvre détenu… Encore un peu et on va croire qu’il a été condamné. Franz-Olivier Giesbert livre une révélation. « Mitterrand m’avait dit, entre deux brouilles et deux mauvais livres que je faisais sur lui : “Vous devriez voir ce Bernard Tapie, il va aller loin, il a vraiment du charisme…” Et je me souviens de la phrase : “Si les petits cochons le mangent pas, ça va le faire.” » Ça me rappelle une anecdote rapportée par FOG sur BFMTV : « C’est Mitterrand, entre deux brouilles et deux mauvais articles que j’écrivais sur lui, il me dit : “Vous devriez voir Bernard Tapie, quel charisme, c’est incroyable. Je me souviens de la phrase : “Si les petits cochons le mangent pas, il va faire une carrière énorme.” » Aussi énorme que celle de Giesbert en thuriféraire.

 

© France 2

Le journaliste Jeff Wittenberg se charge de retracer le glorieux parcours. « Le succès pour ce Parisien au talent hors du commun, il va le connaître dans les affaires. Sa spécialité, racheter des sociétés pour 1 franc symbolique et les revendre au prix fort : Terraillon, La Vie Claire, Testud et les piles Wonder. » Après avoir dégraissé des effectifs pléthoriques. Sur LCI, François Lenglet livre son point de vue d’économiste : « C’est le symbole que quelqu’un qui part de bas peut réussir. On pourrait dire ça de François Pinault ou de Bernard Arnault. » De Martin Bouygues, de Vincent Bolloré. « Chez Tapie, il y a quelque chose en plus, c’est le côté Robin des Bois. » Farouchement anticapitaliste. « C’est le type modeste qui arrive chez les riches et qui redistribue. » Aux salariés de Terraillon, de Wonder, de Testut ? Presque, quoique « pas forcément monétairement, il redistribue avec le football, avec la politique, il s’intéresse à la vie de la cité ». Au point de baptiser son yacht Le Phocéa, c’est vous dire s’il aime la cité marseillaise. Olivier Mazerolle précise : « Il admirait profondément Nicolas Sarkozy pour la façon dont il avait géré… » Son contentieux avec le Crédit Lyonnais ? Non, « la crise mondiale de 2008 ». Ouf, j’ai eu peur.

 

© LCI

Laurent Delahousse sollicite Nathalie Saint-Cricq, éditorialiste maison. « Vous connaissiez Bernard Tapie depuis combien de temps ? — Depuis trente ans. — Y a une légende, c’est que si un journaliste ne s’est pas un jour embrouillé ou fâché avec Bernard Tapie, il a raté sa vie. Vous n’avez pas raté votre vie. — Ah non, j’ai jamais raté ma vie. » Ça me fait chaud au cœur. « Il m’a hurlé dessus mais, comme j’ai hurlé également, après ça s’est normalisé. » Laurent Delahousse admire : « C’était toujours un peu transgressif. » Voire illicite. « Franz-Olivier Giesbert, pour vous aussi, ç’a été des hauts et des bas avec Bernard Tapie. — J’ai travaillé avec lui à La Provence, y avait des engueulades absolument sismiques, on montait dans les tours. » Encore un journaliste qui n’a pas raté sa vie. Le présentateur lance un sujet sur les magnifiques « transgressions » de l’escroc insultant des journalistes trop curieux de ses démêlés avec la justice. « L’ancien présentateur Daniel Bilalian se souvient d’une relation très musclée avec l’homme d’affaires. » Décidément, France 2 est pleine de journalistes qui n’ont pas raté leur vie.

 

© France 2

Laurent Delahousse suggère : « Nathalie, il a cassé les codes, Bernard Tapie. » Notamment le code pénal. « Il considérait que l’argent était la preuve d’une réussite, explique Nathalie Saint-Cricq, donc il avait une relation relativement saine. » Relativement. Le présentateur propose : « Revenons sur ces affaires qui se sont accumulées au fil des années. » Curieusement, sa condamnation dans l’affaire des comptes de l’OM n’est pas évoquée (pas plus que sur les autres chaînes). Laurent Delahousse appelle une envoyée spéciale « au Palais de justice de Paris. Que va-t-il se passer ? — Bernard Tapie décédé, l’action judiciaire s’éteint ». Devant un Palais de justice désert dans la nuit d’un dimanche soir, il fallait s’y attendre.

« Beaucoup de gens se sont laissés abuser par le personnage, déplore Franz-Olivier Giesbert, citant quelques-unes de ses bonnes actions, que le journaliste a révélées à l’insu du plein gré de l’intéressé. Il est tellement pudique. » Et FOG est fin psychologue. Pierre Arditi, convié pour avoir tourné avec le héros dans un film de Lelouch, vante : « C’est un type qui n’a jamais cédé à la culture de la plainte. » Sauf pour attribuer à l’acharnement de la justice la responsabilité de son cancer. Dans 20h30 le dimanche, Laurent Delahousse rediffuse « un moment de vie partagé avec Bernard Tapie en novembre 2017 ». « J’ai été martyrisé pendant cinq ans », se lamente le repris de justice à propos de l’affaire du Crédit Lyonnais.

 

© France 2

Laurent Delahousse, qui semble ne pas tenir à réussir sa vie, cite un confrère qui n’y tient pas plus : « Un journaliste vous demande : “Vous êtes victime d’un acharnement ?” Et vous répondez : “Demandez à mon estomac.” — Oui, parce que je dis à mon cancérologue : “Mais pourquoi j’ai une tumeur aussi grave à l’estomac alors qu’en général c’est les gens qui boivent bien, qui fument bien, qui bouffent bien ?” Il m’a dit : “Vous avez entendu parler de se faire du mauvais sang ? Et l’expression populaire se faire de la bile ?” Je dis “oui”, il me dit : “Ben voilà, vous avez compris pourquoi vous avez un cancer.” Voilà. » À cause des magistrats scélérats aux ordres du gouvernement socialiste. « J’en suis à me demander si ceux [les gouvernants] d’aujourd’hui n’accélèrent pas parce que, pensant que je suis sur la fin, ils veulent profiter de ce moment où je suis très affaibli pour me porter l’estocade. C’est ça que je crois. » Le décès de Bernard Tapie est donc le funeste résultat d’un complot cancérogène.

 

© France 2

Pierre Arditi insiste : « Je ne l’ai jamais ni vu ni entendu se plaindre. » Il se contenait d’insulter les journalistes assez outrecuidants pour l’interroger sur ses affaires. Des affaires ? Que nenni. Pour le comédien, « y a eu des affaires, je veux pas savoir. Ç’a toujours été le bon bonhomme ». Le bon proxénète (dans une émission d’Ardisson, il se vante de fournir du « matos » aux joueurs de l’OM à la veille d’un match pour qu’ils fassent une « partouze géante » dans leur hôtel). Nathalie Saint-Cricq conclut : « J’ai entendu Barbelivien parler de lui [sur BFMTV] en disant : “Il a banni le principe de précaution toute sa vie.” Ça le résume super bien. » Laurent Delahousse valide : « Bannir ce principe de précaution, dans l’époque, c’est une leçon à retenir. » Surtout quand on présente une demi-heure de JT hagiographique.

Sur BFMTV, Jean-Baptiste Boursier entreprend le rédacteur en chef de L’Obs. « Serge Raffy, vous disiez : “Bernard Tapie fait partie de la famille de tous les Français.” » Comme dit la chanson, on choisit ses copains mais rarement sa famille. « Oui, admet Serge Raffy. Cette émission est incroyable. » J’en conviens. « On a l’impression de parler de notre oncle, de notre père, de quelqu’un de très, très proche. » Pardon, Serge Raffy, mais je ne vous ai pas autorisé à insulter ma famille. Le tweet de Cyril Hanouna m’a suffi : « Je suis sûr qu’un jour votre mère vous a dit : “Il faut que tu deviennes Bernard Tapie.” » Non content de dérouler le tapis rouge à l’extrême droite, l’animateur de TPMP se permet de traiter ma mère.

 

© BFMTV

Serge Raffy poursuit : « C’est un peu comme Belmondo, c’est des gens qui ont tellement pénétré l’inconscient collectif d’une manière tellement puissante, tellement joyeuse… » À chacune de ses apparitions télévisées, mon cœur bondissait d’allégresse. « Y a eu Gabin et après y a eu Belmondo et après y a eu Tapie. » Nul ne peut nier la continuité historique. Laurent Neumann approuve : « Johnny, Bébel, Tapie. Trois personnages qui parlaient au cœur de tous les Français. » Je sens que je fais de l’arythmie. Sur France 2, avant la rediffusion de son entretien sans concession avec Tapie dans 20h30 le dimanche, Laurent Delahousse présente le sommaire : « Daniel Craig nous présente ce soir le dernier opus de la saga James Bond. Avec un titre qui résonne fortement ce dimanche, Mourir peut attendre. Comment ne pas penser ce soir à la résonance de ce titre ? Cela faisait quatre ans que Bernard Tapie affirmait que la mort pouvait bien attendre. » En résumé, Bernard Tapie, c’était Gabin, Belmondo, James Bond, Robin des Bois et mon tonton réunis.

Mété🌀uragans

Orages arrosés et coups de tonnerre ont perturbé Le Marin cette nuit 🌩🌩🌩⛈⛈

Deux Ondes évoluent sur le bassin atlantique tropical. Situées aux longitudes 26°W et 51°W, elles présentent sur l'imagerie satellite, une convection modérée à forte et désorganisée. Elles se déplacent vers l'Ouest entre 30 et 40 km/h et devraient nous intéresser entre cette fin de semaine et la semaine prochaine. De fortes pluies sont normalement attendues sur nos îles même si le fort vent cisaillant en altitude entre 30 et 40 noeuds sur certaines parties des Petites-Antilles pourrait quelque peu limiter l'activité convective. Par conséquent, le risque d'une formation cyclonique sur l'arc devrait rester faible pour l'une ou l'autre de ces perturbations.




mercredi 6 octobre 2021

JAMES BOND 💥💥💥💥💥

Au début de la dernière itération en date de la saga James Bond (lire ici notre critique du film), le pourtant inoxydable espion prend sa retraite et laisse son identifiant vacant. C’est bien son double 0 (le fameux « permis de tuer ») flanqué du 7 qui est redistribué à un nouvel agent, Nomi, interprétée par Lashana Lynch – une femme noire, en l’occurrence. Rien de plus, et surtout pas un gender swap de Bond – pratique à la mode à Hollywood, consistant à changer le genre d’un protagoniste d’une histoire connue.


UN FILM TRÈS ATTENDU

Dire que nous attendions avec impatience Mourir peut attendre relève de l'euphémisme. Grands fans de la saga James Bond, nous étions très curieux de découvrir la conclusion de l'ère-Daniel Craig, qui a permis à l'agent 007 de côtoyer les sommets du box-office, notamment avec Skyfall, qui a enregistré plus d'1,1 milliard de dollars au box-office mondial. 

Mourir peut attendre fait donc immédiatement suite à 007 Spectre de Sam Mendes, sorti en 2015. On retrouve James Bond, qui a quitté ses fonctions d'agent secret au service de Sa Majesté, et qui vit d'heureux jours en compagnie de Madeleine Swann (Léa Seydoux). Mais la retraite tranquille de Bond sera de courte durée, lorsque des éléments du passé de Madeleine referont surface. 

DES SCÈNES D'ACTIONS INTENSES 

Si le légendaire Danny Boyle (Trainspotting) devait initialement succéder à son compatriote Sam Mendes (SkyfallSpectre), et réaliser ce Mourir peut attendre, le cinéaste britannique a finalement renoncé, laissant la place vacante à Cary Joji Fukunaga, que l'on a découvert avec la première saison de True Detective. Le réalisateur avait déjà montré sa capacité à signer des scènes d'action d'une grande intensité, à l'image de la fusillade clôturant l'épisode 4, filmée en un plan-séquence de sept minutes. Compte tenue de son immense réputation, il était donc tout indiqué pour la réalisation de Mourir peut attendre

Dès son introduction, Fukunaga annonce la couleur : l'introduction du personnage de Lyutsifer Safin (Rami Malek) est peut-être l'une des meilleures introductions d'antagoniste bondien, avec ce personnage évoquant le Michael Myers de la saga Halloween. Cette scène d'introduction est suivie d'une seconde, dans laquelle les jours tranquilles de James Bond sont interrompus par la résurgence de SPECTRE et des secrets enfouis de Madeleine, laissant place à une scène de poursuite particulièrement efficace, Fukunaga donnant une véritable leçon d'utilisation des décors dans les scènes d'action. Le film possède d'ailleurs d'autres fulgurances, à l'image d'une scène d'action dans une forêt, ainsi qu'un plan-séquence dans un escalier.

LE FILM LE PLUS ÉMOUVANT DE LA SAGA

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Mourir peut attendre ne manque pas d'ambition. Film le plus long de la saga, le long-métrage assume pleinement sa part de grand spectacle hollywoodien. Le film a pour mission de conclure cinq films, pensés comme un parcours. Pour ce faire, Mourir peut attendre doit montrer que James Bond, loin d'être un héros granitique, a évolué. Et il y parvient plutôt bien. 

C'est avec un immense plaisir que nous avons retrouvé Daniel Craig dans le costume de James Bond. Quinze ans après Casino Royale, l'acteur anglais le porte toujours aussi bien. D'autant plus que le film dévoile un James Bond plus émouvant que jamais, Daniel Craig brillant aussi bien dans les séquences d'action que dans celles portées par l'émotion. Si James Bond est le plus fort et le plus élégant des héros britanniques, il n'est bien évidemment pas infaillible, et Daniel Craig porte cette dimension avec brio. 

Par ailleurs, le film tente de révolutionner certains codes de la saga, bien qu'il ne s'éloigne jamais vraiment de la formule James Bond - la licence ayant besoin de cette formule pour fonctionner. L'arrivée de Lashana Lynch dans le rôle de la remplaçante de James Bond en tant 007 a été très commentée, parfois conspuée injustement, certains craignant que James Bond devienne une femme noire. Que l'on se rassure : l'arrivée de Lashana Lynch est amenée avec pertinence, et permet un dialogue méta sur le personnage de James Bond. En effet, grâce à la dynamique buddy-movie qui s'installe entre les deux personnages, Nomi (la nouvelle agent 007) peut le commentaire de James Bond. 

D'autres éléments-clé de la franchise sont pris complètement à revers. Que ce soit la scène d'introduction, qui semble finalement très peu jamesbondesque mais qui marche terriblement bien pour les raisons que nous avons évoquées plus haut, en passant par le final extrêmement osé du film. En outre, les fans de James Bond se satisferont du profond amour pour la licence qui transpire dans Mourir peut attendre. S'il y a effectivement des révolutions dans les codes de la licence, les fans ne se sentiront absolument pas trahis. 

UN MÉCHANT INCONSISTANT 

Bien évidemment, le film n'est pas sans défaut. Et sa plus grande faiblesse, c'est son méchant. Malgré une interprétation tout à fait satisfaisante de Rami Malek, on sent dans cet antagoniste que l'extrême générosité du film envers les spectateurs fans de la licence a son revers. En effet, dans une volonté d'y mettre tout ce qui fait la saga James Bond tout en allant à revers de certains codes, les scénaristes ont créé trois méchants en un. Le méchant est, comme d'habitude, très fonctionnel, mais il a trois objectifs (se venger, concurrencer James Bond, créer une arme capable de détruire le monde) alors qu'un seul aurait suffit, à combien plus forte raison qu'il réapparaît 1h20 après la scène d'introduction du film. L'antagoniste en devient insipide et caricatural. 

Le personnage de Lyutsifer Safin est un véritable gâchis, du fait de cette incapacité que les scénaristes ont eue de choisir une orientation pour cet antagoniste bondien. Ce qui est d'autant plus frustrant, vu que la scène d'introduction était suffisamment riche en idées pour les suivre jusqu'au bout : un personnage masqué, digne du slasher de John Carpenter, capable de se relever après avoir pris plusieurs balles dans le buffet ! Preuve de cette boulimie de scénariste fanatique : le retour de SPECTRE, avec des personnages qui peuvent prêter allégeance à une organisation criminelle puis à un antagoniste, sans aucune raison expliquant la versatilité de ces allégeances. 

CONCLUSION

En conclusion, Mourir peut attendre est un film aussi généreux qu'ambitieux, qui satisfera aussi bien grâce à sa mise en scène soignée, notamment sur ses scènes d'action, que par son approche novatrice des fondamentaux de la mythologie bondesque. Le film, qui ne trahit jamais son personnage, devient bancal, à cause de son méchant 3 en 1, finalement assez décevant au regard de sa magistrale introduction. Finalement, Mourir peut attendre est une très belle conclusion à l'ère-Daniel Craig, qui ne parvient néanmoins pas à égaler le film introductif, Casino Royale. On le reverra néanmoins avec plaisir ! Si cet article vous a plu, et que vous souhaitez voir ou revoir l'intégralité de la saga, on vous rappelle que les James Bond sont présents sur cette plateforme de streaming.



Mourir peut attendre” : le dernier James Bond chamboule la saga sans éblouir



Daniel Craig (James Bond) et Léa Seydoux (Madeleine Swann), héros de Mourir peut attendre, de Cary Joji Fukunaga. Leur histoire d’amour fait écho à un autre épisode de la franchise, Au service secret de Sa Majesté (1969).

Daniel Craig (James Bond) et Léa Seydoux (Madeleine Swann), héros de Mourir peut attendre, de Cary Joji Fukunaga. Leur histoire d’amour fait écho à un autre épisode de la franchise, Au service secret de Sa Majesté (1969).

Nicola Dove - 2019 DANJAQ, LLC AND MGM. ALL RIGHTS RESERVED.

C’est la dernière fois que 007 apparaît sous les traits de Daniel Craig. Clôturant un cycle entamé en 2006 avec “Casino Royale”, ce (long) nouveau film, signé Cary Joji Fukunaga, rebat les cartes mais manque de souffle. Dommage, après six ans d’attente.

Après quinze ans dans le smoking de 007, c’est donc l’heure du solde de tout compte pour Daniel Craig. Cinquième aventure de l’espion qui aimait, Mourir peut attendre clôt un cycle feuilletonnant et sentimental, entamé avec l’enthousiasmant Casino Royale (2006), en confrontant James Bond à un passé qui ne passe décidément pas.

Il faut une menace terrible, bien sûr, pour le sortir de sa retraite (dorée, en Jamaïque, avec villa d’architecte et voilier, ça cotise bien au MI6), en l’occurrence une arme biologique qui cible ses victimes selon leur ADN. Tombée entre les mains d’un méchant comme on n’en fait plus (Rami Malek, peu convaincant en psychopathe atone, pour dire les choses gentiment), cette horreur à base de nanobots sert surtout de prétexte à un scénario mi-pot pourri, mi-pot de départ, qui reprend là où Spectre nous avait laissés en 2015.

“JAMES BOND”, CLAP DE REPRISE - Il avait été le premier à reculer sa sortie face au Covid, en mars 2020. Le bien nommé Mourir peut attendre, 25e épisode de la saga James Bond, et le dernier à être incarné par Daniel Craig, sort en salles ce mercredi 6 octobre. Critique, quiz, James Bond à l'heure de MeToo, classement des meilleurs méchants... Retrouvez tout au long de la semaine notre série d'articles consacrée à ce très attendu blockbuster et à l'univers du plus célèbre agent secret.

La boursouflure du film – trois heures moins le quart pour tourner une page, on a vu plus efficace, d’autant que la mise en scène de l’Américain Cary Joji Fukunaga (Sin nombreJane EyreTrue Detective saison 1) ne produit pas d’éblouissements – s’explique peut-être par ses contradictions. Tiraillés entre les attendus de la saga et une réinvention en marche (oui, le matricule 007 a bien été attribué à une femme noire pendant que le viril quinqua pêchait le mérou), les auteurs cochent toutes les cases, quitte à empiler les chapitres, façon pièce montée, en couches étanches.

Table rase

Côté tradition, on se balade de l’Italie à la Norvège et d’aqueduc antique en palais brutaliste, au rythme des mitrailleuses déchaînées et de trahisons sans intérêt. Côté modernité, on croit sentir la plume de Phoebe Waller-Bridge (Fleabagquand un Bond vieillissant (mais drôle) se leurre sur les intentions d’une jeune consœur sexy (Ana de Armas, extra) qui a mieux à faire que de se jeter dans ses draps. Reste que la nouvelle 007 (Lashana Lynch) joue les utilités, comme la plupart des personnages secondaires.

L’essentiel est ailleurs, de toute façon. Côté cœur. C’est là, en effet, que Mourir peut attendre frappe le plus fort, réunissant James et sa Madeleine (Léa Seydoux) dans une histoire d’amour qui fait écho à un autre épisode atypique, Au service secret de Sa Majesté (1969). Ressasser le passé pour en faire table rase, voilà à la fois la limite et l’audace de cette conclusion, dont l’apothéose mélancolique confirme à quel point le cycle Craig a généré son propre ADN. Ce n’est pas si souvent, en tout cas, qu’on en reste médusé.






Filmer James Bond : les cinéastes peuvent-ils jouer avec 007 en toute franchise ?

Le réalisateur Cary Joji Fukunaga avec Daniel Craig sur le tournage de Mourir peut attendre (2021).

Le réalisateur Cary Joji Fukunaga avec Daniel Craig sur le tournage de Mourir peut attendre (2021).

Nicola Dove - 2021 DANJAQ, LLC AND MGM. ALL RIGHTS RESERVED.

Un espion, des gadgets, des James Bond girls : avec ses figures imposées, la saga traverse le temps comme si le cinéma d’action n’avait pas évolué depuis les années 1960. Un pari de plus en plus difficile à tenir. Quelle liberté ont les réalisateurs dans cette entreprise qui ne veut pas connaître la crise ?

Il est la légende d'un studio mythique, la Metro Goldwyn Mayer. 007 et la MGM, des institutions indéboulonnables. Croyait-on… Jusqu’au printemps dernier, quand Amazon s’est emparé, pour quelques milliards, de ces deux trésors. Il devint alors officiel que la rugissante MGM avait les dents bien émoussées. James Bond, lui, semblait sauver la face, puisqu’il était le premier sinon l’unique objet de cette transaction, indexée sur sa valeur marchande, encore considérable. Mais être la plus-value d’un studio poussiéreux, ce n’est plus tout à fait la même histoire…

Pris dans un coup de filet, emporté dans le tourbillon qu’ont déclenché les plateformes et le streaming, qui réécrivent l’histoire du cinéma commercial, l’invincible espion est peut-être, pour la première fois, vraiment en danger. Quelque chose a échappé à sa vigilance stratégique et à son contrôle des nouvelles puissances…

À Hollywood, les magiciens du grand écran aiment rebattre les cartes, et celle du réalisateur est devenue, depuis plusieurs années, un atout pour toutes les grandes franchises. L’univers de Batman a été formidablement boosté par un excellent metteur en scène, Christopher Nolan. Spielberg a confié Jurassic World : Fallen Kingdom au jeune Espagnol J.A. Bayona. Tom Cruise a fait monter en puissance Christopher McQuarrie pour ses Mission : Impossible. Le redémarrage de Star Wars a lancé un débat mondial sur ses metteurs en scène. Vive J.J. Abrams ! À bas Rian Johnson ! – ou l’inverse. Dune, qui joue dans cette catégorie, est aujourd’hui porté par le nom du cinéaste que l’on peut remercier pour ses visions, Denis Villeneuve. Et, pendant ce temps, la James Bond team essaie de faire passer pour un événement le fait que No Time to Die est signé par le réalisateur de la saison 1 de True Detective

Daniel Craig et Lashana Lynch sur le tournage de Mourir peut attendre (2021), de Cary Joji Fukunaga.

Daniel Craig et Lashana Lynch sur le tournage de Mourir peut attendre (2021), de Cary Joji Fukunaga.

Nicola Dove - 2021 DANJAQ, LLC AND MGM. ALL RIGHTS RESERVED.

Dans le monde de 007, les grands cinéastes dont on parle sont ceux qui ont échoué à l’entretien d’embauche. Spielberg et Tarantino sont sur la liste, comme Federico Fellini, qui a fait tout haut le rêve de prendre les commandes d’un James Bond sans jamais être entendu par les producteurs, la famille Broccoli, des Américains pourtant d’origine italienne !

Avant d’être mis en boîte par Cary FukunagaNo Time to Die avait été confié à Danny Boyle, qui a préféré se retirer pour « divergences artistiques », après quelques mois. Le film avait aussi été proposé, pas très officiellement, à Denis Villeneuve, qui, lui, avait résolu le problème en se disant d’emblée trop occupé. Job de rêve, la réalisation d’un James Bond est aussi, vraisemblablement, un cadeau empoisonné. Une mission sous contrôle, ultra réglementée, au service d’un personnage qui doit régner en majesté : la vedette est devant la caméra, pas derrière. Le respect de cette loi immuable n’a cependant pas empêché qu’au fil du temps une interrogation apparaisse sur le profil de réalisateur qui sera bon pour Bond.

Une valse de réalisateurs

De 1962 à 1989, c’est-à-dire de l’inaugural James Bond contre Dr No jusqu’à Permis de tuer, seize films sont tournés par cinq réalisateurs. Puis, de Goldeneye, en 1995, à No Time to Die, neuf films sont tournés par sept réalisateurs. On voit l’accélération, et même l’affolement : à chaque nouveau Bond, il faut reconsidérer le poste de « director ». Cet univers de légende a été mis sur des rails par de solides coureurs de fond de la mise en scène : Terence YoungGuy Hamilton, Lewis Gilbert, John Glen. Avec talent, surtout pour le premier, pas toujours avec génie, comme l’a montré le deuxième, ils ont rôdé une machine performante, qui a fini par fonctionner toute seule, avec tous ses automatismes. La séquence d’ouverture, le générique, la chanson du générique, la musique de John Barry, les gadgets, les James Bond girls…

L’inconvénient des machines qui fonctionnent très longtemps, c’est que le jour où elles tombent en panne, on ne trouve plus de pièces pour les réparer. Cela s’est produit pour 007, lorsque Roger Moore a pris sa retraite, après Dangereusement vôtre (1985), et a été remplacé par Timothy Dalton, boulon jugé très vite défaillant. Cela aboutira à l’arrivée de Pierce Brosnan et au début de la valse des réalisateurs, résultat d’une prise de conscience : si l’interprète de Bond doit changer le moins possible, un renouvellement constant des autres mécanismes est nécessaire. Mais ce renouvellement s’est opéré d’une manière très prudente, et même plutôt erratique.

Le réalisateur Sam Mendes avec Daniel Craig sur le tournage de Spectre (2015).

Le réalisateur Sam Mendes avec Daniel Craig sur le tournage de Spectre (2015).

MGM - Eon Productions - Columbia Pictures - Danjaq - United Artists

Aux commandes, on retrouve donc depuis plusieurs années des cinéastes plutôt anonymes, comme Martin Campbell, aussi talentueux (Casino Royale, 2006) qu’il peut être terne, des vieux routards respectables mais interchangeables (comme Roger Spottiswoode, qui signa Demain ne meurt jamais, 1997), des talents discrets (Lee TamahoriMeurs un autre jour, 2002) ou franchement incertains (Marc ForsterQuantum of Solace, 2008).

Le seul changement digne de ce nom fut l’arrivée de Sam Mendes pour Skyfall (2012) et Spectre (2015), mais le pari était truqué : le principal effort de ce dramaturge shakespearien porta sur la vision du personnage de Bond, lesté de problèmes psy épais comme les murs d’un manoir écossais. Sur le plan de la réalisation proprement dite, Sam Mendes n’a rien bousculé, au contraire : comme tous les autres avant lui, il n’a fait qu’assurer le spectacle et, dans son cas, sans grande efficacité. Les scènes d’action fulgurantes qu’on est en droit d’attendre, aujourd’hui, d’un James Bond, elles sont dans Mission : Impossible – Fallout (2018).

Curieusement, c’est cette dimension spectaculaire qui est la plus verrouillée par les gardiens de l’institution 007. Les Broccoli agissent, en réalité, comme les patrons d’une maison de couture qui, à la place d’un styliste haut en couleurs, continueraient à confier les collections à un habilleur. Mais Amazon arrive, avec plus qu’un mot à dire et, très certainement, des tas d’idées sur qui pourrait diriger James Bond en respectant ses codes tout en le propulsant dans le cinéma de demain. Le renouvellement de l’interprète qui s’annonce ne suffira plus : le plus grand défi de 007 se jouera, cette fois, derrière la caméra.


“JAMES BOND”, CLAP DE REPRISE - Il avait été le premier à reculer sa sortie face au Covid, en mars 2020. Le bien nommé Mourir peut attendre, 25e épisode de la saga James Bond, et le dernier à être incarné par Daniel Craig, sort en salles ce mercredi 6 octobre. Critique, quiz, James Bond à l'heure de MeToo, classement des meilleurs méchants... Retrouvez tout au long de la semaine notre série d'articles consacrée à ce très attendu blockbuster et à l'univers du plus célèbre agent secret.