Billet de blog 5 août 2024
Les dieux grecs du cyclisme étaient là
Les organisateurs n’avaient pas répertorié la rue de Belleville comme une difficulté particulière ; erreur. Quiconque a enfourché un vélib’ de 20 kg à République pour rallier Jourdain sait qu’elle ne laisse pas les mollets indifférents.
Oui mais voilà, où poser son baluchon et être sûr le moment venu d’être au point névralgique ? Compliqué. A l’instant où les coureurs n’étaient encore qu’aux alentours de la côte de Bièvres à cent vingt kilomètres de l’arrivée je descendais très en avance à la station Belleville, m’arrêtant un instant à la sortie de la bouche de métro pour humer l’ambiance électrique qui s’était installée dans ce lieu de Paris où on n’avait pas l’habitude de voir passer les stars mondiales du vélo. Le quartier est plutôt un capharnaüm sympathique de cuisine du monde où s’affrontent quotidiennement le ramen, le pad thaï, le canard laqué, le chawarma et les boulettes de kefta pour ne citer qu’eux. Ici, on peut encore becqueter pour moins de douze euros. Si mes souvenirs sont bons, en 1996 à la terrasse du restaurant Le Soleil, on pouvait se taper un couscous pour moins de 40 francs. Eh oui Madame.
Je remontais la rue sous les regards incrédules des commerçants chinois affairés sur leur portable à faire des prévisions quant à l’heure exacte de passage. Je m’arrêtai un instant pour m’alimenter à L’auberge de Belleville dont la réputation des plats à emporter de la région de Canton n’est plus à faire. Le plus grand danger dans une course cycliste de 273 kilomètres, c’est la fringale. On n’allait pas m’y prendre. Je repartais vers le sommet. Puis je rendais hommage à ce restaurant thaïlandais Lao Siam qui est là depuis toujours, une institution. Au niveau du 60, je fis de nouveau une pause. Là officie une librairie que je recommande chaudement, Le Genre Urbain. J’en ressortais quelques minutes plus tard avec un recueil de poèmes de Friedrich Hölderlin. "Alors va ! avance sans armes / Le long de la vie, ne crains rien" (Courage du poète).
Et alors que j’atteignais, tout excité, les quelques dizaines de mètres les plus raides, j’hésitai une minute entre m’installer au niveau de la boucherie Ifri (n°78) ou en face devant le « Retouches Belleville (tous vêtements tissu cuir et sacs) ». Après avoir étudié la qualité de l’asphalte, le positionnement du soleil et l’inclinaison de la pente, j’optai pour l’artisan couturier. Celui-ci d’origine Kazakh arborait un drapeau aux couleurs de son pays sur les barrières de sécurité. C’est le bleu turquoise de l’emblème qui m’attira. Je m’assis sur le trottoir satisfait, il ne me restait plus que deux heures à attendre.