Les 4 millions de Captoniens doivent encore réduire leur consommation d’eau. Les réserves d’eau de la capitale de l’Afrique du Sud étant très basses, la ville doit parvenir à passer sous la barre des 500 millions de litres d’eau consommés par jour.
La sécheresse sévit dans la région depuis au moins trois ans. Les derniers hivers ont été chauds et secs. Les pluies n’ont pas été importantes. S’ajoute à cela une population toujours plus nombreuse, ce qui fait augmenter la consommation d’eau.
Il ne faut pas non plus négliger l’héritage historique et l’apartheid concernant la gestion de l’eau au Cap, souligne David Blanchon, professeur de géographie à l’université Paris-Nanterre, interrogé par le site Vatican News. Cela ne fait que « depuis vingt ans qu’une nouvelle politique » est en place, celle « d’un peu d’eau pour tous » plutôt que « toute l’eau pour certains » privilégiée jusqu’au milieu des années 1990.
« Aujourd’hui, le département de gestion de l’eau de la ville, vieux de 100 ans, doit trouver quels leviers actionner pour que ceux qui ont l’habitude de consommer beaucoup, diminuent leur consommation d’eau » et que ceux qui n’avaient pas jusque-là pas accès à l’eau de la ville puissent en bénéficier. « C’est difficile de faire changer de mode de vie. »
« Day Zero »
Mais il le faut. Car les réserves d’eau s’amenuisent. Alors que d’autres villes d’Afrique du Sud parviennent à se faire acheminer de l’eau de pays voisins, comme Johannesbourg ou Pretoria depuis le Lesotho, Le Cap, par sa situation, ne peut pas faire de même. La ville a lancé des projets pour tenter de produire de l’eau. Usines de désalinisation, programmes de recyclage de l’eau. Objectif : 200 millions de litres d’eau supplémentaire d’ici à février, précise RFI Afrique.
La maire de la ville, Patricia de Lille, lors d’un point presse qui a eu lieu ce jeudi, sur un site dont l’aquifère (un réservoir naturel de stockage d’eau souterraine) va être foré pour que son eau puisse être exploitée. (Photo : Rodger Bosch / AFP)
Pour le moment, les barrages sont encore remplis à 35 % de leur capacité, mais les autorités craignent que dans moins de quatre mois, le niveau atteigne seulement 13,5 %. Ce sera le « Day Zero » (le « Jour Zéro »). À ce stade, il ne sera plus possible d’approvisionner la ville en eau. Les habitants devront se rendre dans un des 200 points de contrôle surveillés par l’armée et la police pour recevoir leur ration d’eau quotidienne. Les projections basées sur la consommation actuelle de la ville placent ce « Day Zero » au 29 avril 2018, s’il ne pleut pas d’ici là.
« Ce n’est pas une crise imminente, nous sommes déjà complètement submergés par cette crise, insiste auprès du New York Times, Dr Anthony Turton, professeur au Centre pour le management environnemental à l’Université de l’État-Libre (au centre du pays). La ville du Cap pourrait devenir la première grande ville du monde à manquer d’eau. Cela pourrait se produire dans les quatre prochains mois. »
Pas de glaçons dans les cocktails
Les restrictions sur l’eau de la ville sont de plus en plus lourdes. Pas plus de 87 litres d’eau par jour et par personne. L’équivalent d’une douche de deux minutes, de sept verres d’eau et d’un seul lavage de main par jour. Le remplissage des piscines est interdit, comme le lavage des voitures, l’arrosage des jardins.
Les restrictions concernant l’eau de la ville sont lourdes : pas plus de 87 litres d’eau par jour et par personne, sous peine d’amende. (Photo : Pexels / Kaboom Pics Karolina)
Même les joueurs de crickets de l’équipe nationale indienne venus disputer un match au Cap au début du mois de janvier, ont dû se plier aux douches de deux minutes ! Mais certains ne respectent pas cette limitation et dépensent plus de 10 500 litres par mois signale le site d’information locale sud-africain EyeWitness News South Africa, s’exposant à une amende de 10 000 rands (663 € environ).
Dans les hôtels, alors que la haute saison bat son plein, on prévient les touristes : évitez de tirer les chasses d’eau (« if it’s yellow, let it mellow », indique des pancartes dans les toilettes, note le New York Times dans son reportage), ne demandez pas à ce que votre linge de bain soit changé chaque jour… Certains grands établissements ferment leurs spas, proposent des réductions aux clients qui ne demandent pas de glaçons dans leur cocktail…
Même les joueurs de l’équipe nationale indienne de cricket venus disputer un match au Cap ont dû se plier à la règle : pas plus de deux minutes sous la douche ! (Photo : Marco Longari / AFP)
La ville du Cap, comme le reste du pays, ne peut pas se passer de ses touristes. Le revenu généré par les vacanciers représente 9,4 % du PIB de l’Afrique du Sud. « Les dollars des touristes sont vitaux pour l’économie. Et évidemment, nous ne voulons pas envoyer l’image d’une ville en train de s’effondrer », ajoute Dr Turton auprès du New York Times. Les professionnels du tourisme encouragent donc les pratiques « durables », pour les locaux, comme pour les visiteurs. Les hôtels envoient des explications lors de la réservation, ajoutent des pancartes demandant aux clients d’être consciencieux, changent les pommes de douche etc.
Nous avons tout intérêt à nous y habituer. Selon la WWF, deux tiers de la population mondiale seront concernés par la pénurie d’eau d’ici à 2025.