Et les millions valsaient, valsaient : ces bugs publics ou para-publics beaucoup plus coûteux que l’affaire des quais à raboter de la SNCF
L'affaire du "rabotage" des quais de gares de la SNCF a suscité colères et moqueries alors qu'elle devrait officiellement coûter 50 à 80 millions d'euros aux finances publiques. Il ne s'agit hélas que d'une goutte d'eau dans l'océan du gaspillage de l'argent de l'Etat.
Le réseau ferroviaire français a défrayé la chronique ces derniers jours suite aux révélations du Canard Enchaîné. Les rames de TER récemment commandées par la SNCF sont effet trop larges et nécessitent un "rabotage" de 1300 quais de gares afin de réussir à les faire passer. Un coût qui oscillerait entre 50 et 80 millions d'euros d'après les déclarations de Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF. L'affaire scandalise, à juste titre, mais il est bon de rappeler que les pouvois publics ont provoqué des "bugs" de gestion autrement plus coûteux pour le contribuable.
Les investissements d'Areva (87% de participation publique)
Etienne Douat : La Cour des comptes a publié un rapport concernant la gestion de la société AREVA pour les années 2006-2012.
Selon ce rapport extrêmement sérieux et argumenté, les Finances publiques seront affectées d’un supplément de dépenses de 3,5 milliards d’euros. Cette somme semble minime comparée au volume total du projet (5,3 milliards d’euros), mais les retards dans la mise en œuvre d’un projet se chiffrent en milliards d’euros. Selon la cour des comptes, le retard coûtera 3,5 milliards d’euros. Il faut savoir que le projet de premier réacteur EPR de 3ème génération localisé en Finlande a été lancé en 2004 et ne sera opérationnel au plus tôt qu’en 2016. Et ce n’est pas tout ! Areva a racheté en 2007 des mines d’uranium à un prix trop élevé et comme le cours de l’uranium a baissé depuis la date d’achat des mines d’Afrique du Sud, le contribuable devra payer 1,8 milliard d’euros ce qui porte l’ardoise à 5,3 milliards d’euros.
La Cour des comptes dénonce chaque année des gaspillages considérables et en informe les pouvoirs publics dans ses rapports mais aucune sanction n’est prise. Tout se passe comme si certaines sociétés profitaient de la garantie de l’Etat pour ne pas évaluer correctement les risques. La cour des comptes est compétente pour contrôler les entreprises à partir du moment où elles appartiennent au secteur public ce qui est le cas d’AREVA. On se trouve dans une situation où les études d’impacts ne sont quasiment pas faites et la Cour ne se prive pas de poser des questions à la présidente du directoire d’AREVA. La cour doit donner sa réponse dans un rapport définitif fin mai 2014 afin d’établir l’étendue des dégâts après réponse de la direction du groupe AREVA. Il est clair que ce type de cas montre bien que la cour des comptes a un rôle à jouer, sauf que les conséquences concrètes de ce rapport sont entre les mains du gouvernement qui n’a pas trop intérêt à ébruiter ces gaspillages à l’heure où il demande d’économiser 50 milliards d’euros. D’un côté 50 milliards d’économies à faire et de l’autre 5,3 milliards d’euros de pertes du groupe AREVA.
Le régime social des indépendants (RSI)
Etienne Douat : On connaît mal la sécurité sociale hormis son régime général des travailleurs salariés. A côté du régime général, existent d’autres régimes de base, les régimes spéciaux, les régimes agricoles et les régimes des non salariés non agricoles. Ces derniers sont réservés aux professions indépendantes. Pour mettre un peu d’ordre dans cette mosaïque de petits régimes de professions indépendantes, il a été décidé en 2005 de créer le régime social des indépendants en 2006 pour simplifier les démarches des 5,6 millions d’assurés sociaux de ce régime. Cette réforme qui touche des chefs d’entreprises qui ont un rôle à jouer dans l’économie, devait générer des économies et plus de performance pour les usagers. La cour des comptes fait le point de ce qui s’est passé dans son rapport de septembre 2012 et dresse un constat implacable. Le nouveau système est devenu totalement kafkaïen avec des aberrations en cascade et le résultat est sans appel : le nouveau système est à la fois plus coûteux et moins efficace. Un simple exemple : le 28 novembre 2007, tous les fichiers des URSSAF ont été écrasés par les services du RSI sans expérimentation préalable ni phase de test ni retour en arrière possible. La cour des comptes signale que les restes à recouvrer étaient à la fin 2007 de 6 milliards d’euros, fin 2011, ils sont passés à plus de 14 milliards d’euros. Après le rapport de la cour des comptes, le RSI et l’URSSAF ont publié un communiqué de presse pour dire qu’ils avaient fait des efforts pour s’améliorer et parmi les améliorations, ils sont signalé que désormais le taux de décroché de téléphone était de 85%.
Pendant la mauvaise période, on ne répondait même plus au téléphone et les assurés avaient intérêt à se comporter de manière prudente et en cas de contestation à aller devant le tribunal. Sur un total de 16 milliards d’euros de prestations, les assurés avaient des difficultés correspondant à un quart des sommes ce qui correspond à 4 milliards d’euros pour 5,6 millions d’assurés. Le désordre administratif a été tellement grave que les entrepreneurs se sont organisés en une association dénommée « sauvons nos entreprises » avec un site internet pour partager les information afin d’assister les assurés ne recevant pas leurs prestations mais à qui le RSI prélève des cotisations sociales en utilisant des prérogatives exorbitantes. Face à cette situation, et malgré le constat dressé par la cours des comptes en 2012, ce régime social est le plus mal géré de toute la sécurité sociale. On avait voulu moderniser les services mais comme aucune étude préalable n’avait été faite, la situation est pire qu’avant. Il serait intéressant de calculer ce que ces dysfonctionnements coûtent aux assurés sociaux. Les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale nous enseignent que le RSI est scindé en deux régimes : le régime d’assurance maladie qui était déficitaire jusqu’en 2011 avec un déficit de -1,6 million d’euros, puis des excédents depuis 2012. Le régime d’assurance vieillesse qui est structurellement déséquilibré avec un déficit de -1,7 milliard en 2011, puis -1,9 milliard en 2012, -1,3 milliard en 2013 et -1,6 milliard prévu pour 2014. Là aussi, il serait intéressant de vérifier dans quelle mesure le déficit n’est pas alourdi par la mauvaise gestion.
Les coûts cachés de la Révision générale des politiques publiques (RGPP)
Eric Verhaeghe : Cette fameuse révision générale des politiques publiques inspirée d'une pratique qui avait permis au Canada de diminuer ses dépenses publiques a été très vite parasitée par la haute fonction publique, qui a décidé de la réduire à des coupes à la serpe, sans repenser les politiques proprement dites. Résultat : la RGPP a produit un profond malaise, une profonde démotivation, sans qu'aucun cap d'avenir ne soit montré aux fonctionnaires. Parallèlement, on estime que la RGPP a rapporté 300 millions d'euros aux cabinets de conseil (dont des cabinets étrangers) qui ont sauvé leur chiffre d'affaires en période de crise, en recyclant les powerpoints qu'ils utilisaient quinze auparavant dans les entreprises.
Balardgone, ou l'addition très salée du Pentagone français
Etienne Douat : De très nombreux bâtiments de l’Etat ont été vendus afin de désendetter l’Etat, mais comme les administrations ont besoin de se loger, il faut payer des loyers mais c’est toujours plus cher de payer des loyers que d’être propriétaire. Cette règle logique pour les ménages n’est pas toujours appliquée par les services de l’Etat qui n’hésitent pas à payer des loyers considérables pour des locaux qui devraient être la propriété de l’Etat non seulement pour des raisons financières mais aussi de confidentialité. Le pentagone français de Balardgone coûte entre 100 et 154 millions de loyer annuel pour 27 ans soit la bagatelle de 4,158 milliards d’euros ! cette opération doit être très intéressante pour le propriétaire qui encaisse de forts loyers versés par l’Etat. Ces exemples sont nombreux et mal connus. Un conseil général est locataire d’un fonds de pension anglais qui possède le bâtiment et comme le fonds est détenu par beaucoup d’écossais, le fonds ne veut pas faire les réparations ce qui oblige le conseil général à assumer des dépenses à la place du propriétaire. Voilà pourquoi une règle simple devrait être appliquée : les services publics ne devraient jamais être locataires plus de 3 ans le temps que les bâtiments soient achetés.
Le scandale des livraisons d'Airbus
Jacques Bichot : Les délits d'initiés sont des manquements à l'honneur, une notion qui n'a hélas pas un cours très élevé sur les places financières et dans le monde des affaires. Il revient aux juges d'instruction de faire apparaître la vérité dans l'affaire EADS puis, si la culpabilité de certaines personnes est établie, à leurs collègues de rendre un jugement adéquat. Ces personnes s'étant vraisemblablement enrichies, à moins qu'elles n'aient dilapidé leurs fortunes mal acquises, il est possible de prélever sur les dites fortunes de quoi dédommager les États et quelques gros actionnaires s'ils ont effectivement été spoliés. En revanche, il sera sans douter bien difficile d'estimer les dommages infligés aux autres actionnaires : ce sont eux qui risquent le plus d'être les dindons de cette mauvaise farce.
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