vendredi 30 mai 2014

LE VALLSISME







ManuelValls, "le bodyguard"

a été nommé à Matignon "pour faire du Valls". Deux mois plus tard, un premier bilan du "vallsisme".

Manuel Valls, Premier ministre. 



Manuel Valls. Ce nom que François Hollande a lancé en riposte à la claque. Dimanche 30 mars, la gauche encaisse une défaite magistrale aux municipales. Avec près de 160 villes perdues, il faut que le président livre un coupable. Ce sera le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. "C'était intenable de ne pas changer", analyse après coup celui qui le remplace dès le 31 mars. Manuel Valls, ou l'histoire improbable d'un député-maire (Évry) isolé dans son parti, devenu le patron d'un gouvernement "de combat". Chef d'une majorité qui, il y a trois ans à peine, n'aurait pas parié un centime sur ce scénario-là.
Depuis 2011 et sa candidature à la primaire présidentielle, cet élève des écoles Rocard-Jospin-DSK a tracé un chemin presque sans fautes, qui a poussé François Hollande à lui livrer une simple feuille de route : "Il a nommé Valls pour qu'il fasse du Valls", dixit l'entourage du président. Une formule qui pousse à se demander : "Qu'est-ce que le vallsisme ?" À 51 ans, Manuel Valls est à Matignon depuis deux mois... Deux mois qui livrent quelques pistes, surprenantes.

Valls, homme de "la synthèse" !

Catalogué à droite du PS, ex-ministre de l'Intérieur revendiquant la fermeté, crispant la majorité en polémiquant sur les Roms après l'avoir braquée dans l'opposition en voulant déverrouiller les 35 heures, Manuel Valls est en quête d'apaisement, de consensus... "de synthèse", lâche même le député de Paris Christophe Caresche. "Ce n'est plus le même Manuel Valls qu'il y a trois mois. Il fait parler tout le monde et tient compte des uns et des autres. Il est dans un état d'esprit où il n'élude pas les questions, il les traite."
Même ses détracteurs lui reconnaissent de bonnes initiatives. Comme lorsqu'il impose, le 13 mai, à une grande partie des membres du gouvernement de se rendre à la réunion du groupe PS à l'Assemblée nationale. "Sur la méthode, c'est pas mal. C'est une façon de prendre les ministres à témoin que les parlementaires doivent être inclus dans les décisions", se félicite alors le député de l'Ardèche Olivier Dussopt, proche de Martine Aubry, et donc peu suspect de "vallsisme"...

"Les débats ne me posent aucun problème"

Si Manuel Valls fait de la majorité parlementaire une de ses premières missions, c'est qu'il la sait éruptive. Le 15 mai dernier, dans un TGV qui l'emmenait à Lille pour un meeting, il confiait : "Les débats ne me posent aucun problème. Le problème, c'est quand les votes ne suivent pas, comme lors du pacte de stabilité budgétaire." Quarante et un députés socialistes se sont abstenus sur ce texte majeur, qui prévoit cinquante milliards d'euros d'économies d'ici la fin du quinquennat.
Alors que l'examen du projet de loi de finances rectificative du mois de juin s'annonce comme un nouvel affrontement avec les députés de gauche qui réclament une inflexion sociale plus forte, le Premier ministre tente par le dialogue d'éviter un nouveau revers.
Il peut compter sur des élus dévoués pour relayer sa parole au Parlement. Luc Carvounas au Sénat et Carlos Da Silva à l'Assemblée nationale. Ce dernier explique d'ailleurs : "Faire du Valls, c'est assumer, aller au-devant des difficultés, dire la vérité, avancer, être sérieux, être dans les clous." Fidèle, le Premier ministre s'est entouré d'autres proches à Matignon. Son chef de cabinet Sébastien Gros et son directeur de la communication Harold Hauzy le suivent depuis la mairie d'Évry. Son conseiller politique Yves Colmou est un ancien rocardien, ancien jospiniste. Sa directrice de cabinet Valérie Bédague-Hamilius, une ex de Bercy et du FMI, doit consolider un Premier ministre qui n'a jamais été spécialiste des questions économiques.

"Il gère la com' et l'ordre"

En réalité, le directeur de la communication du candidat François Hollande pendant la campagne présidentielle s'applique surtout à faire ce qu'il sait faire le mieux. "Il gère la com' et l'ordre, résume un député socialiste. C'est un full time job." Un ancien ministre de Jean-Marc Ayrault à qui on demande ce qu'est le vallsisme répond : "Peut-être de l'organisation, de la coordination, de la com'. Ce n'est pas négligeable, une politique coordonnée." La ministre de la Santé Marisol Touraine se félicite du mode de fonctionnement entre Matignon et les ministres. "Quand on lui pose une question, la réponse est claire. C'est oui ou c'est non. Il n'est pas dans l'hésitation." Entendre : contrairement à Jean-Marc Ayrault, avec qui tant de ministres avaient du mal à communiquer.
Tout n'est pas si rose, le tableau a ses nuances. "Manuel est quelqu'un de très nerveux,qui s'emballe vite. Il n'est pas dans la séduction, mais dans la création d'un lien de connivence. En réunion, il peut être assez dur, voire désagréable", assure un pilier du gouvernement.
Avec Hollande en "tandem"
Avec François Hollande, le Premier ministre fonctionne en "tandem" : "C'est lui le pilote et moi le copilote." Et si les rôles s'inversaient ? La cote de popularité du président est au plus bas, la majorité semble abattue. "Valls apparaît aujourd'hui comme une bouée de sauvetage, un recours même chez ceux qui ne partagent pas ses idées", explique Christophe Caresche. "Valls, c'est le bodyguard ", décrypte un important député, façon de qualifier ce rôle de rempart entre le président mal-aimé et les Français désabusés.
Les proches du François Hollande veulent croire à la loyauté de Manuel Valls, qui n'a jamais caché ses ambitions élyséennes. "Les sous-apparatchiks de Solférino ont soutenu Valls en pensant qu'il tuerait Hollande. C'est une erreur", analyse un observateur. Manuel Valls sait trop bien que l'échec de François Hollande serait aussi le sien.