Attention, vous entrez dans une zone de glace |
J'ai toujours cru qu'il avait était découvert par Mike Horn Mike Horn 🤣🤣🤣 😜 #caphorn
S’il est un site parmi les plus connus du Chili, c’est bien le cap Horn. Et c’est à des Tournaisiens qu’il le doit : Jacob et Isaac Lemaire. C’est en effet ce dernier, protestant hainuyer émigré à Amsterdam où il a créé une petite compagnie maritime, qui a l’idée de chercher un nouveau passage pour rejoindre les Indes. Il y est d’ailleurs obligé, la toute-puissante Compagnie néerlandaise des Indes orientales ayant obtenu, le 20 mars 1602, le monopole de navigation et de trafic commercial dans toutes les mers accessibles par la route du cap de Bonne Espérance à l’ouest et par le détroit de Magellan à l’est. Il y a donc lieu de trouver de nouvelles routes. À force d’étudier les cartes ou les journaux de bord des capitaines, Isaac Lemaire est quasi sûr de pouvoir trouver une voie permettant de se rendre aux Indes sans passer par le détroit de Magellan. Et c’est à son fils Jacob qu’il confie une mission exploratoire, mettant à sa disposition deux solides navires, l’Eendracht et le Hoorne, une vingtaine de canons, 87 matelots, ainsi qu’un marin d’expérience, Willem Cornelitz Schouten. Le tout est financé par quelques bourgeois de la ville de Hoorne, nombreux à se trouver sur le port de Texel, le 14 juin 1615, pour assister au départ de l’expédition. Grâce au journal de bord conservé, on sait que les deux vaisseaux passèrent par l’île de Wight pour recruter un charpentier qu’ils ne trouvèrent pas, par le port de Plymouth, par les îles du Cap Vert, les côtes du Sierra Leone et Port Désiré, l’actuel Port Deseado, en Patagonie argentine. C’est là que, le 19 décembre 1615, l’un des deux navires, le Hoorne, aurait pris feu.
En l’honneur de sa ville sponsor
Jacob Lemaire va toutefois décider de poursuivre sa route, rassemblant les deux équipages sur l’Eendracht. L’idée n’est peut-être pas la meilleure qu’il ait eue. Très vite se posent des problèmes de promiscuité, des doutes également. Heureusement, Isaac Lemaire avait vu juste. À cinq jours du détroit de Magellan, son fils va découvrir, plus au sud, un passage étroit, entre une île inconnue et une terre surplombée par de hautes montagnes. Il va les nommer "Terre des États" et "Terre Maurice de Nassau". Plus loin, alors que la mer est déchaînée, il passe devant un cap impressionnant à qui il donnera le nom de Hoorne, en hommage à la ville de ses sponsors. Et le 12 février 1616, il pénètre enfin dans les mers du Sud. Il a donc trouvé "la" route, différente de celle de Magellan. La suite est moins joyeuse. L’équipage et Jacob Lemaire vont d’abord être victimes du scorbut. Plusieurs marins vont y laisser la vie. Ils vont ensuite découvrir des îles totalement inconnues, habitées par des populations belliqueuses, guerrières, que Lemaire va décrire avec beaucoup de précisions. Poursuivant sa route, plus au nord, l’Eendracht va rencontrer un autre navire hollandais, le Rotterdam, piloté par le capitaine Van Spielberghen. Et c’est ensemble qu’ils pénètrent, le 29 octobre 1616, dans le port de Batavia, objectif du voyage.
Mis aux fers !
L’accueil y est inimaginable. À peine ont-ils mis un pied à terre que Jacob Lemaire et ses officiers se voient convoqués par le nouveau gouverneur général, le très autoritaire Jan Coen. Ils pensent qu’ils vont être fêtés. Que du contraire. Entouré de tout son conseil, le précité va leur annoncer que, au nom de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, ils sont faits prisonniers pour avoir violé le monopole de la compagnie sur le détroit de Magellan. Lemaire a beau protester, expliquer qu’il a découvert un nouveau passage, qu’il n’a donc pas violé le monopole, rien n’y fait ! Il est même mis aux fers et embarqué, prisonnier, dès le 14 décembre, sur un bateau en partance vers les Pays-Bas. Huit jours plus tard, le 22 décembre 1616, il est emporté par une mort subite et jeté à la mer. Et ce n’est que le 1er juillet 1616, alors que son navire, rebaptisé "Le Meridionale Eendracht", est de retour à Amsterdam qu’Isaac Lemaire va apprendre à la fois la mort de son fils, les circonstances de celle-ci et le passage qu'il a mis au jour.
Le 27 juillet suivant, meurtri, il se présente à l’Assemblée des États Généraux. Son apparition fait sensation. Dans un silence monacal, il annonce l’importante découverte géographique due à son fils, mais dénonce aussi la mort humiliante de celui-ci et la conduite scandaleuse du gouverneur Jan Coen. La vérité éclate. La gloire posthume de Jacob Lemaire grandit de jour en jour. Un peu trop d’ailleurs aux yeux de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, mise à mal et qui va contre-attaquer en s’abouchant la complicité de Schouten, le fameux adjoint de Lemaire. Contre monnaies sonnantes et trébuchantes, celui-ci a reçu pour mission, au travers de son témoignage, de réduire le rôle de Lemaire dans la découverte du fameux passage. Et il se prend au jeu, s’attribuant le leadership de l’expédition, faisant publier ses Mémoires. Il faut attendre le mois de novembre 1619 pour que l’imposture soit dénoncée par un autre grand capitaine, l’amiral Van Spielberghen, qui avait croisé Jacob Lemaire dans les mers du Sud. La Compagnie est finalement condamnée à restituer l’Eendracht, sa cargaison et ses papiers, ainsi qu’à payer les frais et les intérêts depuis le jour de la confiscation du bateau. Une fameuse somme ! Isaac Lemaire meurt, apaisé, cinq ans plus tard, le 20 septembre 1624. Il a consacré ses derniers jours à imprimer et à diffuser en français, en latin et en néerlandais, le véritable journal de bord de son fils, offrant ainsi à l’Histoire une nouvelle aventure aux racines bien belges. Quant au passage, il porte toujours, quatre siècles plus tard, le nom de Jacob Lemaire sur toutes les cartes maritimes.
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