Napoléon, de l’officier jacobin au monarque guerrier
Entretien avec Natalie Petiteau, spécialiste du Premier Empire et biographe de Napoléon. Elle décrit comment un fils de notables corses, épris des Lumières, a clôturé la Révolution au moyen d’un régime autoritaire, qui s’est abîmé dans un engrenage militaire sans fin.
Le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte est l’occasion d’une véritable joute mémorielle. Certains pensent qu’une commémoration ne peut qu’aboutir à un hommage, lequel s’avèrerait particulièrement choquant s’agissant d’un homme ayant renversé la République par un coup d’État et rétabli l’esclavage aboli par les révolutionnaires en 1794.
C’est la crainte exprimée par le député insoumis Alexis Corbière, ou encore le militant Louis-Georges Tin et l’historien Olivier Le Cour Grandmaison dans une tribune appelant le chef de l’État à s’abstenir d’un tel geste. Un point de vue qui ne peut être que conforté par l’exaltation du personnage à laquelle se livrent d’autres protagonistes du débat public, à l’instar de Thierry Lentz. Dans une rhétorique toute réactionnaire, le directeur de la Fondation Napoléon interprète leurs préventions comme une volonté de « défaire notre passé, nos traditions et nos croyances pour mieux les remplacer par leur amertume, leur détestation de tout ce qui est national ».
Notre invitée dans « Écrire l’histoire », la professeure des universités Natalie Petiteau, cherche à échapper à ces polarités. L’historienne veut croire qu’une commémoration peut éviter la célébration, en étant l’occasion d’un exercice de pédagogie sur une période fondatrice de la modernité politique française. Dans son propre ouvrage consacré à Napoléon Bonaparte, elle rend d’ailleurs compte, sans complaisance, du caractère de plus en plus liberticide du régime napoléonien et de son aveuglement face à un engrenage guerrier auquel il sacrifiera tout, plutôt que d’obtenir une paix ne correspondant pas à ses préférences.
Dans le même temps, elle rappelle l’importance de l’imaginaire des Lumières, à travers la figure du dirigeant corse Pascal Paoli, sur ce jeune homme issu d’une famille de notables ajacciens. Suivant le jeune Bonaparte pas à pas, elle décrypte les occasions à travers lesquelles cet officier jacobin a édifié et légué « le modèle d’un nouveau type de monarchie, […] synthèse inédite entre l’affirmation des talents et les valeurs culturelles de l’Ancien Régime.
> Cette émission peut aussi s’écouter en version audio.
> Retrouvez tous les grands entretiens du Studio.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire