Cinquante ans après la mort de Jim Morrison, l’immortelle aura des Doors 


François Gorin,

 

Hugo Cassavetti,

 

Laurent Rigoulet,

 

Odile de Plas,

 

Anne Berthod,

 

Louis-Julien Nicolaou

Publié le 03/07/21

The Doors en 1967, de gauche à droite et de haut en bas : Ray Manzarek, Jim Morrison, John Densmore et Robby Krieger.

The Doors en 1967, de gauche à droite et de haut en bas : Ray Manzarek, Jim Morrison, John Densmore et Robby Krieger. 

Michael Ochs Archives/Getty Images

Le 3 juillet 1971 mourait Jim Morrison, à 27 ans. Un demi-siècle plus tard, le legs musical du quartet de Los Angeles reste intact. Le service musique de Telerama.fr s’est mis en six, mêlant le souvenir à l’analyse, pour une opération Doors ouvertes qui tiendra lieu de pense-bête… ou d’initiation.

Break on Through (to the Other Side) (The Doors, 1967)

Ça se secoue d'abord comme une bossa prise de spasmes. Il y a toujours eu l'élément latin chez les Doors — et le succès dans les pays du même nom. Mais là il s'agit de basculer vers ailleurs. L'autre côté. À San Francisco, il y a l'invitation du Lapin blanc du Jefferson Airplane. Ici, à L.A., Morrison en mode hurleur menace et déchire. Surfant à la crête il explose et c'est moins une chanson qu'un appel, un cri de ralliement. Comme C'mon Everybody, d’Eddie Cochran, ou plus tard London Calling. Comme Gloria, des Them, que les Doors jouaient en concert. Une déflagration. — F.G.

Light my Fire (Live at Hollywood Bowl, 1968)

Un aveu encore gênant : j’ai véritablement découvert les Doors avec le biopic d’Oliver Stone (1991). À 15 ans, le premier qui m’embrasa fut donc Jim-Val Kilmer… Pour expier ce retard à l’allumage, retour aux fondamentaux et à Light my Fire. Pas le radio edit de janvier 1967, amputé des longs solos de Manzarek et Krieger et vidé de sa substance psychédélique, mais le morceau original et notamment ce live de 1968 : une version tenue par un Manzarek en transe impeccable, un Krieger sage et un Morrison plus sobre que nature qui n’avait pas encore débordé de lui-même. Exit Val, place à Jim, autrement magnétique, avec son visage impassible et son regard absent, mais sans cesse comme sur le point de vriller, qui fait jaillir le feu par une voix de mage noir goudronnée dans les entrailles : le shoot ! — A.B.

End of the Night (The Doors, 1967)




Au pays des surfeurs, des starlettes tout sourire et des enfants de l’amour, les Doors incarnent, dès leur premier album, la nuit. Une nuit épaisse, lasse, où passent fous et meurtriers, les fantômes de Sunset Boulevard et les esprits implorants du désert. End of the Night condense cet imaginaire avec la plus grande économie de moyens. Les sombres lamentations de Morrison s’y perdent entre les défigurations de Manzarek et Krieger, distorsions du son, plaintes, amollissements de la tonalité qui ne cesse de fondre en figures tournoyantes pour désenchanter la nuit hantée. En 1967, bien avant David Lynch ou Nick Cave, les Doors seuls savaient faire cela. — L.J.N.

The End (The Doors, 1967)

Dernier morceau d’un premier album hors norme, The End est peut-être, au fond, celui par lequel tout a commencé, celui qui annonce tous les délires à venir. De ce big bang introspectif nourri de poésie mystique et d’explosions telluriques, l’improvisation est la clé. Ce qui devait être un chant de rupture amoureuse se transforme ainsi, au fil des live, en règlement de comptes œdipien (« Father ? — Yes, son. — I want to kill you ! »), en récit chamanique d’un Jim Morrison jamais totalement revenu de son trip sous mezcaline dans la vallée de la Mort, voire en dénonciation de la guerre de Vietnam. Entre les sifflements de serpent à sonnettes, les rifs orientalisants et la batterie au napalm, ce chaos intime fait ainsi échos au fracas du monde, à jamais immortalisé par la scène d’ouverture du film Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola. — A.B.

You’re Lost Little Girl (Strange Days, 1967)
La guitare claire de Robby Krieger pourrait accompagner une berceuse et Jim Morrison prend sa voix de chat pour s’adresser à une enfant. « You’re lost little girl, tell me who are you ? » La chanson, qui succède à Strange Days dans l’album du même nom, rassure et inquiète à la fois. La guitare reste douce, enchaîne sur un break enjôleur et soudain les claviers deviennent insistants. « I think that you know what to do. » La batterie s’affole tandis que l’orgue s’assombrit encore et encore « Sure that you know what to do… » prévient le chat, devenu gros matou. Qu’est devenue l’enfant, se demande-t-on à chaque écoute. — O.d.P.