La pieuvre de Macron
Cet appareil destinĂ© Ă rĂ©aliser des audioconfĂ©rences, barrĂ© de la mention «communication sĂ©curisĂ©e», est posĂ© sur son bureau de l’ElysĂ©e. Depuis l’invasion de l’Ukraine, Emmanuel Macron est accaparĂ© par ces coups de fil avec les dirigeants du monde. Fait rare, l’ElysĂ©e n’hĂ©site pas Ă informer la presse de ces Ă©changes, voire Ă en laisser filtrer des bribes – «tu te racontes des histoires», aurait balancĂ© Macron Ă Poutine. Cette version 2022 du tĂ©lĂ©phone rouge est devenue un objet de communication vouĂ© Ă peaufiner sa stature internationale, et immortalisĂ© par sa photographe officielle dans une mise en scĂšne gratinĂ©e – gros plans sur le chef de l’Etat, traits tirĂ©s, Ă cran au-dessus de sa pieuvre, nimbĂ© dans un Ă©clairage de studio. C’est aussi un symbole de la charge prĂ©sidentielle qui a pesĂ© sur le candidat, en ligne avec le prĂ©sident amĂ©ricain, Joe Biden, avant d’Ă©changer avec des habitants de Poissy (Yvelines), enchaĂźnant sa confĂ©rence de presse par un «call» au Canadien Justin Trudeau. Il ne peut pas appeler le dictateur russe matin et soir, et dĂ©battre avec le candidat du NPA, a invoquĂ© son entourage pour justifier son refus de confrontation tĂ©lĂ©visĂ©e avec ses adversaires. Peut-ĂȘtre eut-il fallu doser : moins de Poutine, plus de Poutou.
Le pingouin Jadot
Quand quelque chose ne marche pas comme on aurait aimĂ©, on cherche toujours Ă le justifier. En cette fin de campagne, les Ă©colos se demandent en se grattant la tĂȘte : cette cravate, Ă©tait-ce une bonne idĂ©e ? Un bout de tissu qui rĂ©sume un grand questionnement des Ă©colos : faut-il montrer son sĂ©rieux pour rassurer les Ă©lecteurs au point d’en perdre son originalitĂ© ? Chez les Verts, on ne porte pas de cravate. Leurs Ă©lus ne portent pas ces pulls qui grattent qu’on voit sur les photos de militants Ă©colos dans le Larzac ou sur les champs d’OGM, mais il reste une rĂ©sistance Ă adopter tout Ă fait le costume de pingouin des hommes politiques. Pendant la campagne, Yannick Jadot s’y est pourtant rĂ©solu. Le 25 janvier, sur France Inter, un auditeur interpelle le candidat : «Porterez-vous, un jour, la cravate si vous ĂȘtes prĂ©sident de la RĂ©publique ? Vous pourriez porter une cravate verte, par exemple.» «La question se pose… Je vais vous le dire trĂšs honnĂȘtement : Ă un moment donnĂ©, je sortirais la cravate», rĂ©pond Jadot. Cinq jours plus tard, au 20 heures de TF1, l’ancien directeur des campagnes de Greenpeace a le cou nouĂ©. Pour ses dĂ©tracteurs au sein du camp Ă©colo, dont la finaliste malheureuse de la primaire Sandrine Rousseau, c’est la preuve que le candidat fait une campagne trop lisse.
Les Ă©lĂ©phants d’Hidalgo
Anne Hidalgo a commencĂ© sa campagne en disant qu’elle Ă©tait une candidate Ă©colo. Ses camarades socialistes ? S’ils la soutenaient, tant mieux. Sinon… Comme Ă Paris, elle entendait incarner Ă elle seule le rassemblement. L’automne a passĂ© et il a bien fallu constater que la vie municipale ne se rĂ©pliquait pas si facilement au niveau national : chacun Ă gauche continuait dans son couloir et, dans le sien, la socialiste Ă©tait bien Ă la peine. C’est ainsi que, peu Ă peu, Ă force de dĂ©valer la pente des sondages, des Ă©lĂ©phants, comme on appelle les anciens cadres roses, sont apparus autour d’Anne Hidalgo. Elle s’Ă©tait lancĂ©e avec les jeunes Ă©lus PS de son «Ă©quipe de France des maires», elle finit entourĂ©e d’anciens du parti qui vivent encore au temps de son hĂ©gĂ©monie. De meeting en interview, elle a louĂ© la «social-dĂ©mocratie», seul horizon possible de la gauche au pouvoir. Deux personnes rĂ©sument Ă elles seules ce changement de casting et de ligne. Olivier Faure, le patron du PS partisan de l’union devenu soutien appuyĂ© de la maire, a disparu au moment oĂč François Hollande est devenu plus prĂ©sent. Fin mars, l’ancien prĂ©sident Ă©tait Ă Limoges pour la soutenir. En rĂ©alitĂ©, il a exposĂ© ses plans pour le PS. Les anciens veulent encore avoir un futur.
Le bĆuf de Roussel
De quoi est faite la notoriĂ©tĂ© ? Pour Fabien Roussel, de viande. Le candidat communiste Ă l’Ă©lection prĂ©sidentielle a Ă©tĂ© propulsĂ© du statut de quasi inconnu Ă celui de sujet de curiositĂ© voire d’objet de quelques convoitises en parlant de steak. Le 9 janvier, Ă la fin de l’Ă©mission de France 3 Dimanche en politique, le candidat communiste affirme : «Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, pour moi, c’est la gastronomie française. Mais pour avoir accĂšs Ă ce bon, Ă cette bonne gastronomie, il faut avoir des moyens. Donc le meilleur moyen de dĂ©fendre le bon vin, la bonne gastronomie, c’est de permettre aux Français d’y avoir accĂšs.» Sur les rĂ©seaux, l’Ă©cologiste Sandrine Rousseau riposte dans la foulĂ©e : «Le couscous, plat prĂ©fĂ©rĂ© des Français.» Le dĂ©bat politique culinaire Ă gauche est lancĂ©… «On ne savait pas que ça partirait comme ça, c’est Rousseau qui a fait partir le truc en fusĂ©e», admettra plus tard Ian Brossat, directeur de campagne du communiste. Roussel ne s’arrĂȘtera plus. A chaque occasion, il parlera de viande pour dire son projet pour la France : une alimentation de qualitĂ© pour tous, y compris carnĂ©e, n’en dĂ©plaise aux promoteurs du quinoa.
Le chien de PĂ©cresse
Les responsables Les RĂ©publicains Ă©taient loin de se douter qu’un canidĂ© allait faire dĂ©railler davantage leur campagne. Juste avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, LibĂ©ration rĂ©vĂšle le 23 fĂ©vrier que de nombreux adhĂ©rents inscrits pour participer Ă la primaire ayant sacrĂ© ValĂ©rie PĂ©cresse dĂ©but dĂ©cembre Ă©taient tout sauf de vrais membres LR intĂ©ressĂ©s par les questions – retraite Ă 65 ans, arrĂȘt ou rĂ©fĂ©rendum sur l’immigration… – qui ont animĂ© cette campagne interne. Ayant eu accĂšs au fichier trĂšs convoitĂ© des adhĂ©rents du parti, LibĂ©ration y a dĂ©nichĂ© des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es, des Ă©trangers non francophones n’ayant aucune idĂ©e de qui est ValĂ©rie PĂ©cresse ou Eric Ciotti. Dans ce document, on retrouve aussi… un chien. Nous l’avons – pour protĂ©ger l’anonymat de son propriĂ©taire – prĂ©nommĂ© Douglas. Et sitĂŽt notre article rendu public, il a Ă©tĂ© l’objet d’existences numĂ©riques en tout genre – un compte Twitter par exemple – qui ont participĂ© au discrĂ©dit et moqueries de la campagne de PĂ©cresse, dĂ©jĂ mise Ă mal par sa prestation ratĂ©e au ZĂ©nith de Paris. La guerre en Ukraine est venue en quelque sorte «sauver» PĂ©cresse, qui n’a plus Ă©tĂ© embarrassĂ©e par la lĂ©gitimitĂ© issue de cette primaire finalement bidon.
La tortue de MĂ©lenchon
La tortue «sagace» est nĂ©e en janvier Ă Nantes. Jean-Luc MĂ©lenchon est sur scĂšne. Il arrive Ă la conclusion de son meeting immersif. La mer l’entoure. Le candidat de l’Union populaire pose son coude sur la petite table posĂ©e au milieu de l’arĂšne. Il lĂąche Ă voix basse : «C’est bizarre, mĂȘme le Figaro s’inquiĂšte de l’union de la gauche. Nous n’avons rien Ă voir avec ça. Faites confiance Ă une tortue Ă©lectorale comme moi : rien ne sert de courir, il faut partir Ă point. J’ai dĂ©jĂ Ă©puisĂ© quelques liĂšvres, au milieu des menteurs, des sarcasmes et des sondeurs. Si vous me donnez la mĂȘme force que la derniĂšre fois, alors vous mettez de l’ordre, vous mettez un terme Ă la confusion et ne vous laissez pas dĂ©primer.» La salle se gondole. Dans la foulĂ©e, les militants insoumis postent l’Ă©moji de la tortue sur les rĂ©seaux sociaux. Elle fait Ă©galement son apparition dans tous les meetings de Jean-Luc MĂ©lenchon : des affiches Ă l’effigie de la tortue «sagace». C’est vrai que Jean-Luc MĂ©lenchon grimpe lentement depuis des semaines dans les sondages. Il a fait le trou avec tous ceux qui Ă©taient derriĂšre lui. Mais la tortue «sagace» parviendra-t-elle Ă rattraper les liĂšvres Macron et Le Pen ? Il ne lui reste que quelques heures pour accĂ©lĂ©rer.
Les chats de Marine Le Pen
Le nom de Marine Le Pen est en passe d’ĂȘtre associĂ© aux chats comme les pommes l’ont Ă©tĂ© Ă celui de Jacques Chirac. Un motif de raillerie douce et, au fond, un trait de caractĂšre rassurant voire attachant. Rien de fortuit : la candidate d’extrĂȘme droite a depuis longtemps thĂ©orisĂ© sa stratĂ©gie de campagne, calquĂ©e sur celle de l’ancien prĂ©sident de la RĂ©publique, en 1995. Son Ă©quipe parle de «chiraquisation». Sur ses rĂ©seaux sociaux, elle poste donc des photos et vidĂ©os de ses nombreux fĂ©lins, les Ă©voque dans ses interviews, s’en sert mĂȘme pour se faire de nouveaux amis politiques. Exemple : c’est leur passion commune pour les matous qui aurait, raconte-t-on, rapprochĂ© l’ex-LR Thierry Mariani et Marine Le Pen. Les deux s’envoyaient des photos de leurs chats avant de se rendre compte qu’ils partageaient aussi quelques idĂ©es xĂ©nophobes. La patronne du Rassemblement national prend sa passion au sĂ©rieux : elle a mĂȘme passĂ© un diplĂŽme d’Ă©leveuse professionnelle de chats pendant le confinement. Son concurrent d’extrĂȘme droite, Eric Zemmour, a cru judicieux de moquer ce penchant. «Moi, c’est les livres, elle, c’est les chats», a-t-il persiflĂ©, en marge d’un dĂ©placement Ă l’automne. RĂ©ussissant le tour de force, bien malgrĂ© lui, de rendre une Le Pen plus sympathique en se rendant lui-mĂȘme toujours plus dĂ©testable.
Le fusil de Zemmour
Ce mardi 20 octobre, il n’est pas encore candidat mais c’est tout comme. Dans les allĂ©es du salon Milipol, qui expose ce que l’industrie de l’armement sait faire de plus moderne pour les policiers et les armĂ©es, Eric Zemmour se balade avec une nuĂ©e de micros et camĂ©ras Ă ses trousses. Avant de partir Ă la «reconquĂȘte» de «l’identitĂ© française», comme il s’est prĂ©sentĂ© dans cette prĂ©sidentielle, l’ancien chroniqueur de CNews, condamnĂ© pour «provocation Ă la discrimination raciale», est rigolard : il s’empare d’un long fusil de guerre et le pointe en direction des journalistes qui accompagnent le «phĂ©nomĂšne» de cette prĂ©campagne Ă©lectorale. «Ăa rigole plus lĂ , hein… Reculez !» Grosse poilade pour lui et ses fans. Symbole de l’extrĂȘme droite qui menace la presse pour d’autres (dont LibĂ©). La scĂšne annonce surtout la sĂ©rie de dĂ©rapages jamais contrĂŽlĂ©s de sa campagne Ă©lectorale, que ce soit Ă propos des enfants handicapĂ©s ou de son refus initial d’accueillir des rĂ©fugiĂ©s ukrainiens.
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