samedi 16 décembre 2023

 

« La Martinique aux Américains ! » : forte inquiétude après la Grande Guerre

André-Marc Belvon


Ce n'est qu'à la mi-février, après trois semaines d'incertitude, qu'un démenti émanant du ministre des Colonies Louis Franck va dissiper les craintes des Martiniquais.
Ce n'est qu'à la mi-février, après trois semaines d'incertitude, qu'un démenti émanant du ministre des Colonies Louis Franck va dissiper les craintes des Martiniquais. • ARCHIVES TERRITORIALES DE MARTINIQUE

Pour rembourser en partie sa dette contractée auprès des États-Unis durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), la France a-t-elle voulu céder la Martinique à Washington ? La rumeur s'est répandue à la Martinique, à la fin du mois de janvier 1919, depuis l'ouverture à Paris le 18 janvier de la Conférence de la Paix, chargée de jeter les bases d'un nouvel ordre européen, voire mondial. Le scénario d'une vente aurait bel et bien été étudié au plus haut niveau même si très peu de documents en font état. Nous avons parcouru la presse de l'époque qui dénonçait « cette colossale prétention de MM. les Yankees de nous américaniser malgré nous ».

«Nous apprenons par un entrefilet du journal américain The World que le pavillon étoilé flottera bientôt sur les édifices publics en Martinique. L'information est reprise par un journal de Caracas selon laquelle la Martinique va devenir américaine. Cette cession a pour but de régler partiellement la dette de la France d'après-guerre ».

Ces quelques lignes publiées le 27 janvier 1919 dans le journal foyalais La Démocratie Coloniale, dont le directeur politique est Joseph Lagrosillière, va soulever dans la colonie une vague d'inquiétude mêlée d'indignation et de vive protestation. Celle-ci ne va s'apaiser que trois semaines plus tard, quand un démenti formel du ministre des colonies Louis Franck sera adressé au gouverneur de la Martinique Camille Guy, « prié de rassurer au plus vite la population ». Mais en réalité, le soufflé ne va retomber qu'en 1923 après une nouvelle révélation cette fois du Chicago Tribune selon laquelle un sénateur démocrate du Missouri, James Reed, travaillait sur une proposition de rachat des colonies de Martinique et de Guadeloupe par les États-Unis. Suit une protestation officielle du nouveau ministre des Colonies Albert Sarraut rappelant qu'en juin 1922, le gouvernement de Raymond Poincaré (après son mandat de président de la République) avait démenti avec vigueur tout projet de cession. Lors d'un voyage à Saint-Pierre-et-Miquelon, Albert Sarraut, dans une déclaration solennelle, va dissiper définitivement les inquiétudes des habitants des colonies visées en leur rappelant que « toute prétendue cession est à enterrer ».

Toujours en 1923, le sénateur martiniquais Henry Lémery, tout comme en 1919 lorsqu'il était député, tente de « sanctuariser », notamment la Martinique, et ainsi protéger nos colonies des convoitises américaines, en déposant une proposition de loi « tendant à transformer en départements...

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