mardi 31 juillet 2007

AUX ILES DU VENEZUELA



Les Roques sont un mythe, c’est le rêve de beaucoup de marins, un avant goût de la Polynésie … mais une navigation ne laissant que peu de place à l’erreur. Les cartes sont fausses, les récifs omniprésents et seule une bonne lumière bien haute dans le ciel et un peu en arrière de la route permet de voir à temps les patates de corail. Bleu foncé ça doit passer, clair ça peut toucher et marron … c’est l’échouage assuré !
Le phare des bouches de Sébastopol est devant nous et pas de passe ! Isabelle surveille à l’avant de Pro’s Per Aim et je suis prêt à battre en arrière toute au cas où … Le nuage qui cachait le soleil se déplace et l'entrée apparaît, il faut tourner tout de suite à droite et ne pas dépasser le récif du milieu ... Nous restons dans le bleu foncé entre les deux barrières de corail et, poussés par le courant, nous filons à 6 noeuds plein nord. Voilà, nous sommes entrés dans les Roques ! Buchiyaco, Grand Roque, Nordisqui, Sarqui, Carenero, Cayo de Agua, une multitude de mouillages plus beaux les uns que les autres ...

Nous allons passer une dizaine de jours aux Roques, sentiment mitigé ! De nombreux yachts à moteur bruyants et malodorants troublent la paix de beaucoup de ces lagons.

Puis nous appareillons pour Barlovento le premier des deux Aves, un archipel inhabité à 35 milles vers l’ouest. Et là nous découvrons un paradis où les oiseaux ("aves" en espagnol !) ne craignent pas l’homme, où l’on nage avec les tortues, où la nature semble intacte. Du concentré de bonheur ! La colonie de fous à pattes roug
es est très importante et nous avons la chance d'arriver en pleine période de nidification.
Le temps passe trop vite 
Nous partons pour le second Aves (l'Aves de Sotavento)

mercredi 11 juillet 2007

Grenade, Los Testigos, Margarita

Grenade, Los Testigos, Margarita

En fin de journée, nous quittons Grenade pour les Testigos, les îles par lesquelles nous ferons notre entrée sur le territoire vénézuélien.
2010

Arrivée aux Iles Testigos

Après une traversée calme, vent arrière crevante, nous arrivons aux îles Testigos mercredi 8 septembre vers 10h30 soit notre plus longue navigation: 90 miles de nuit.
Les îles Testigos sont complètement isolées, et la scène de sites naturels extraordinaires avec une nature de matin du monde.
Habitée par quelques pêcheurs, ses eaux regorgent de crustacés et de poissons. 1/4 d'heure de chasse sous-marine pour récolter un seau de 10 litres de poissons divers: poissons chirurgiens, balistes, rougets, perroquets, dorades et autres carangues.
Nous mouillons en face d'une plage en forme d'isthme, bornée par des dunes superbes.
Le temps et l'eau sont nettement plus frais et agréable.
Rencontre avec Casimir, Claudine et Charly, routards de la mer des Caraïbes depuis des années.
Le premier soir, nous nous faisons surprendre par un grain et le vent monte jusqu'à 25 noeuds, ce qui n'est finalement pas grand chose. En revanche, le grain a monté au large, une très forte houle qui vient déferler sur nous par train successifs. Résultat, la poulie qui supporte l'annexe sur les bossoirs arrières, casse net, laissant tomber l'annexe à l'eau, restant suspendue par la poulie restante. Nous larguons l'autre poulie et l'annexe, poursuivant, attachée par son amarre sa sarabande infernale, manque à plusieurs reprises d’atterrir sur sur les panneaux solaires implantés à deux mètres de hauteur.
Heureusement, nous avons mouillé toute la chaîne d'ancre, Kakao ne bougera pas pendant cette longue soirée.
Sur le rivage, c'est le branle-bas de combat, les Pinetas locales, mal ancrées ou simplement posées sur le rivage, prennent la houle de plein fouet et doivent être déplacées d'urgence sous peines d'être mises en pièce. Plusieurs d'entre elles seront noyées et mises provisoirement hors d'usage.

Nous quittons la belle Grenade pour une navigation de 95 miles vers « Los Testigos ». Nous quittons l’arc des Caraïbes pour le Venezuela, pays immense dont nous ne visiterons que certaines îles et une partie de la côte. J’avoue que nous avons un peu d’appréhension à aborder ce pays. Il est précédé d’une réputation de danger et d’insécurité. Les actes de piratage existent et sont beaucoup relatés à bord des bateaux qui font route vers ces latitudes dont l’avantage est d’être à l’abri des cyclônes. Dès juin/juillet, il est en effet plus prudent de descendre en dessous du 12° degré de latitude nord, et même jusqu’au 10°. Venant de la zone sud Antilles, la terre la plus proche est les Testigos, points minuscules, à environ 80 miles du continent.
Nous quittons donc St George’s vers 18H30, sous de grosses averses. Lorsque la nuit tombe, la pluie se calme, le vent aussi. Le ciel reste nuageux et la lune est cachée. La navigation est vent arrière, de 15 à 20 nœuds. C’est inconfortable. Je me repose un peu et je prends mon quart à 23H30. La navigation est meilleure. Nous filons à 6-7 nœuds sous la pleine lune. Nous croisons un seul gros cargo pendant mes 2H30 de quart. Jean prend le relais de 2HOO à 5H30. A mon réveil, il fait clair mais frisquet. Dès 8H00 nous sommes en vue des Testigos. La vigilance est recommandée car il y a des courants de 2 à 3 nœuds dans cette zone. Nous contournons les premiers îlots par le sud, pour aller vers Isla Iguana et Testigos Grande, les deux îles habitées.
Nous ancrons à 10H30 en face d’Isla Iguana et nous allons nous présenter aux autorités, représentées par une dizaine de militaires. Leur petit groupe est relayé chaque mois. L’accueil est des plus sympathiques. Poignée de mains, présentation, paroles de bienvenue, décontraction et amabilité. On en veut bien encore des militaires comme ceux-là. Eduardo, celui qui remplit notre formulaire d’entrée, est de plus assez cultivé, et beau garçon avec ça ! Le tour du petit village est vite fait, il se limite à une vingtaine de petites baraques et quelques barques de pêcheurs.
Nous allons ensuite nous amarrer en face, à Testigos Grande, où un autre bateau est au mouillage.
Ici, une dizaine de maisons sur la plage, dont une se prolonge par une terrasse avec quelques tables et chaises. L’enseigne est insolite en ce lieu : « Erotika té ». C’est un petit bar et restaurant, plutôt sommaire, ni propre ni bien tenu, mais nous allons y passer des moments inoubliables.
L’endroit est perdu, beau, sauvage et tranquille. Ce sont les vacances scolaires et la plupart des 300 habitants passe une bonne partie de cette période sur le continent, dans la famille ou chez des amis. Seuls restent quelques pêcheurs. Ils s’activent tôt le matin sur leurs barques à gros moteur dont le nez remonte très haut sur l’eau pour pouvoir affronter les courants forts.
Rapidement, nous faisons la connaissance de Chucha, la patronne d’Erotika Té.
Elle nous explique que les pêcheurs sont en train de remonter une prise exceptionnelle dans la baie à côté ; ils ont emprisonné dans leurs filets plus de 40 tonnes de thon. Ils en remontent environ 10 tonnes tous les deux ou trois jours, ce qui représente la capacité de charge du bateau avec glacière qui fait la navette depuis Carupano, sur le continent. Les habitants conservent aussi une petite quantité de poisson pour eux. Le lendemain, les pêcheurs amènent sur la plage des centaines de thons frais remontés des filets. Tout le village est là, femmes et enfants compris. Les hommes s’installent sur la plage avec leurs couteaux. Les femmes montent des tréteaux et préparent de grands sacs de sel. Les hommes commencent à couper les poissons à même le sable. Ils jettent têtes et tripes à la mer qui devient vite rouge de sang. Cela n’empêche pas les enfants de s’y baigner, avec les chiens, au milieu des dizaines, des centaines de têtes de poissons qui flottent. Les femmes salent les poissons tranchés que les hommes leur apportent. Elles les empilent en gros tas. Ensuite, les poissons seront étalés à plat au soleil et sécheront quelques jours. Nous observons de près le travail des équipes. Nous les aidons comme nous pouvons, en amenant le poisson nettoyé auprès des femmes. Les hommes boivent beaucoup de bières légères qui sont stockées dans des frigos box. Julio, l’un des anciens, m’explique les opérations. Il me dépose au creux des mains des grappes d’œufs de poisson, en me certifiant que c’est meilleur que le caviar. Je demande à Chucha de me les garder au frais pendant qu’on prend un verre à Erotika Té. Sans rien dire, elle nous cuisine les œufs avec un peu de polenta. Dé-li-ci-eux.
Deux jours plus tard, grâce à Chucha, nous avons l’occasion de vivre avec le village la dernière remontée des filets, sur les barques de pêche. La dernière levée est la plus périlleuse.
Les barques se rapprochent de plus en plus, jusqu’à se toucher, pour soulever le fonds des filets où grouillent et se débattent des thons d’une dizaine de kilos. Ils sont remontés un par un dans les barques, à la main. Les pêcheurs nous mettent en garde : il ne faut surtout pas tomber à l’intérieur des filets car on se ferait déchiqueter par les nageoires coupantes des milliers de thons, maintenant serrés les uns sur les autres, à s’étouffer. L’ambiance est très gaie, euphorique même. On fait partie de la fête, c’est extra.

Nous trouvons aux Testigos ce qui nous a manqué jusqu’ici dans les Antilles : de l’authenticité, de la simplicité, de la sympathie gratuite. Ici nous vivons calmement, sobrement, au milieu d’une population qui préserve son mode de vie loin de la société de consommation. Ici on se rend service, on échange un ou deux poissons contre quelques cigarettes ou un sachet de soupe. Pas question d’argent. J sort un jour son petit générateur et sa scie sauteuse pour aider un pêcheur à réparer sa barque. Nous sommes définitivement admis dans la petite communauté. Nous mangeons beaucoup de poisson. De toute façon, il n’y a rien d’autre ici. Aucun magasin à moins d’un jour de navigation. Nous nous approvisionnons directement auprès des pêcheurs, ou de Chucha. Pas question pour eux de se faire payer pour quelque chose qui ne leur a rien coûté. Chucha nous prête sa petite installation, son barbecue, ses plats et couverts, ses chaises, pour de petites fêtes que nous organisons sur la plage. Car plusieurs bateaux sont arrivés entre-temps, la plupart francophones. Tous semblent séduits par la beauté, la simplicité et la convivialité des lieux. Nous avons sympathisé. L’ambiance au mouillage devient festive ; on fête ensequitter les Testigos, Chucha, les pêcheurs, les plages sauvages et magnifiques, les militaires sympas qui viennent un soir fêter avec nous la promotion de l’un d’eux. Il y a une belle entente et une belle solidarité entre les bateaux de ce mouillage. Tous sont des voiliers de voyage. Fini ici les gros charters et catamarans de luxe qui ne s’arrêtent qu’aux mouillages où ils pourront trouver leur confort habituel, prêts pour cela à payer le prix fort.
La réglementation n’autorise que 3 jours de séjour aux Testigos. Mais Eduardo, notre militaire préféré et compréhensif est sensible à notre attrait pour l’île et, de prolongation en prolongation, nous y passons 2 semaines entières. Il faut pourtant bien poursuivre le voyage.
Après avois passé une petite semaine aux Testigos, traversée sur 60 miles vers Margarita, l'île Vénézuellienne où nous pourrons accomplir les formalités administratives d'entrée (le 'Clearance') au Venezuela.

Traversée empreinte d'une certaine appréhension: nous passons à travers une zone parfois frappée par des actes de piraterie.
En plein milieu, nous rencontrons des pêcheurs (?) encapuchonnés comme des rebeus de banlieue, qui veulent nous proposer du poisson. Les enfants font des grands signes (stratégie du bouclier humain et du caractère sacré de notre bondissante progéniture), nous déclinons l'offre à distance respectable.
Pas d'autre incident, navigation moitié à la voile, puis, le vent molissant de 8 à 2 noeuds, au moteur.
Arrivée à l'île de Margharita en fin d'après-midi
Nous faisons nos adieux à Chucha et aux pêcheurs.  Nous sommes 7 bateaux à quitter les Testigos à l’aube vers Margarita. Il y a peu de vent. Nous naviguons un moment tous dans un mouchoir de poche. 
Après quelques heures, le vent baisse, change complètement de direction, passe au SO, puis plus de vent du tout. Vers 13H, on remballe le gennaker. On n’a pas d’autre solution que de poursuivre au moteur jusque Margarita. Nous arrivons à Porlamar à 16H. Le mouillage est immense. Il y a au moins une centaine de bateaux. L’environnement est urbain et assez agressif. De hauts bâtiments pas très jolis ont poussé partout, puis se sont délabré, fissuré. Beaucoup sont abandonnés. Entre les immeubles, il y a de vastes zones de terrains vagues, sales et réputés dangereux. Lorsqu’on quitte la marina, il est recommandé de circuler uniquement en taxi. Les histoires de vols et agressions en tous genres circulent au mouillage. C’est gai !
En fin de journée, nos compagnons
des Testigos arrivent les uns après les autres. C’est chouette de les voir mouiller tout autour de nous.
Le lendemain, chacun a retrouvé l’un ou l’autre bateau ami et chacun a recueilli son lot d’informations, parfois contradictoires. Les deux sujets d’intérêt essentiels sont la sécurité et les formalités d’entrée. Pour ces dernières, il y a un agent, Juan, qui peut s’en charger pour nous, moyennant finances. Nous avons déjà beaucoup entendu parler de Juan ; une aide précieuse selon les uns, un escroc selon d’autres. Nous choisissons de nous débrouiller tout seuls. Nous mettrons deux jours pour boucler l’ensemble des démarches pour nos six bateaux. Nous nous déplaçons d’un bout à l’autre de la ville ; 1) Immigration 2) File durant des heures à la banque Banesco pour payer une taxe sur un compte courant. 3) Photocopies de documents et recherche d’une banque internationale permettant d’obtenir du cash. Ceci se révèle très compliqué si l’on n’a pas de liquidités en devises, ce qui est le cas pour la moitié d’entre nous. 4) Ministère de l’Environnement et du Transport pour acheter des timbres fiscaux. Pas de chance, c’est fermé, il faut y retourner le lendemain. 5) Douanes. Le taximan a bien du mal à trouver le minuscule bâtiment caché en bord de mer. 6) Capitainerie. Là, aïe, aïe, caramba ! Capitaine Bolivar nous explique qu’on a commis deux erreurs. Il faudrait retourner à la banque Banesco et au Ministère SENIAT. Nous sommes dégoûtés. Face à notre moral en berne, Bolivar se montre arrangeant. Il compensera le trop versé sur le compte bancaire et le manque de timbres fiscaux avec les six prochains bateaux entrants qui choisiront comme nous la « filière libre ». Rares sont ceux qui osent se passer des services de Juan… Il nous faudra donc attendre quelques jours. Nous les mettons à profit pour faire l’avitaillementet pour faire quelques excursions sur l’île. La petite capitale administartive, Asuncion, est pittoresque et a un charme assez ... provincial. Sortis de la grande ville de Porlamar, l’île est assez jolie, avec des plages magnifiques sur la côte est. Mais elles sont surexploitées, on n’y trouve guère un mètre carré sans un transat, ou une boutique ou un bar. Et les marchands du temple sont partout, avec leurs bricoles et gadgets de toutes sortes. Margarita est une île en port- franc, hors taxes, et les Vénézuéliens un tant soit peu nantis viennent y goûter aux délices de la société d’hyperconsommation. On y côtoie le plus grand luxe des beaux hôtels et des complexes de boutiques chics, avec la plus grande misère. D’où la grande délinquance et l’insécurité.
Bref, cette île manque cruellement de charme et d’intérêt à mes yeux.

jeudi 5 juillet 2007

LE VENEZUELA CONTINENTAL

 
 
 
 
 
 
C'est à Puerto la Cruz que nous décidons d'aborder le continent

Puerto la Cruz est une grande ville moderne dont la zone résidentielle est bâtie en partie sur pilotis dans la lagune de El Morro. Ses maisons sont très colorées et le contraste est grand avec les villages indiens du delta de l'Orénoque ou de la Gran Sabana. Villages que nous découvrons grâce à un voyage à l’intérieur du Venezuela.
L’immensité de l’Orénoque et de son delta nous stupéfie. Tout nous paraît immense, gigantesque. La marée se fait sentir jusqu’à 150 km à l’intérieur des terres et la forêt vierge est omniprésente dans ce que nous avons pu voir. Les villages indiens que nous traversons sont bâtis au dessus de l’eau et leur organisation sociale est différente de ce que nous connaissons. C’est l’homme qui va habiter chez sa femme. La structure est matriarcale et l’atmosphère semble paisible, calme, sereine. Le moyen de locomotion est toujours la pirogue taillée dans un tronc d’arbre.

A l'opposé, la Gran Sabana présente un paysage de savane où les indiens habitent dans des maisons en torchis. C’est le royaume des cascades, des montagnes tabulaires appelées « Tepuyes », où le véhicule 4x4 est indispensable.

Nous poussons jusqu’au Brésil avant de revenir sur nos pas et prendre l’avion pour Canaima puis une pirogue pour remonter les rapides du Rio Churún, un affluent du Rio Carrao, vers le Salto Angel, la plus haute cascade du monde avec chute d’eau de 979 m, soit 15 fois la hauteur des chutes du Niagara !

Bien sûr il n’y a pas d’hôtels dans ces coins reculés et nous dormons en plein air dans des hamacs accrochés parfois sous des abris sommaires sans murs. La route est longue : 3000 km au compteur ! Nous rentrons fatigués mais enchantés

samedi 30 juin 2007

LES GRENADINES ET GRENADE

Nous partons vers Mayreau, une autre île des Grenadines dépendant de St Vincent. C’est tout petit. Il y a deux mouillages. Nous choisissons celui de Salt Whistle Bay, assez fréquenté, magnifique. L’eau est transparente, la plage de sable blond se prolonge sur un isthme étroit qui relie la presqu’île du nord de l’île. De l’autre côté de l’isthme, à travers quelques cocotiers, on voit la mer qui se fracasse en grosses vagues sur la façade nord-est. Notre mouillage, bien abrité, est lui au calme. Nous n’avions pas prévu de rester là mais nous y passerons 5 jours. C’est tellement beau et tranquille. Pas de magasins, pas de maisons, juste un petit bar sur la plage.













Après Mayreau, nous faisons une courte escale à Union, qui n’est qu’à 5 miles nautiques. Le mouillage y est venteux et agité, au milieu de récifs. Beaucoup de bateaux sont sur un corps-mort. Nous préférons notre ancre, par 10 mètres de profondeur. La nuit est mauvaise, très rouleuse et nous décidons d’appareiller le lendemain. Non sans mal. Il remonte l’ancre mais, comme bien souvent, la chaîne fait un paquet dans la baille à mouillage et il faut descendre dans la cabine avant pour tirer dessus avec un crochet. Le vent nous fait reculer, mais de travers avec nos deux voiles hissées. Je mets plus de puissance pour nous dégager du bateau voisin dont on se rapproche à bâbord. Je veux passer entre le catamaran mouillé au corps-mort sur notre tribord et le récif proche. Un nouvel enseignement : ne pas hisser les voiles quand on quitte un mouillage venteux et étroit et ne jamais laisser traîner l’ancre dans l’eau. Mieux vaut remonter la chaîne sur le pont.
On se prend un sérieux grain sitôt sortis de « Grand Coi », long récif au large de Palm Island.
On n’y voit plus rien, on n’a plus aucun repère visuel alors qu’il y a alentour beaucoup de cailloux et de récifs. Ne nous reste que le compas pour nous diriger. Heureusement, cela ne dure pas longtemps.

Nous poursuivons la route jusque Cariacou. Nous sommes toujours dans les Grenadines, mais Cariacou fait partie du territoire de Grenade. Nous changeons donc de pavillon. Les règles d’entrée sont contraignantes et fastidieuses. Il faut faire la « clearance » d’entrée à Hillsborough, la capitale, dans les deux heures de l’arrivée au mouillage. Celui-ci n’est guère attractif, ni confortable et les bateaux poursuivent généralement jusque Tyrell Bay, au sud-ouest de l’île. C’est ce que nous faisons aussi. Cette immense baie est bien abritée et offre un mouillage sûr et confortable, à défaut d’être joli et agréable.
Nous restons là une semaine. C’est plus que souhaité mais nous avons un problème technique au guindeau qu’il nous faut absolument réparer. Nous avons de la chance, nous mouillons à côté du work shop flottant d’un spécialiste des pièces en alu et inox. De plus, il est Français, ça facilite les explications techniques.
Nous sommes immobilisés un jour de plus par une onde tropicale. Elle résulte du passage d’Alberto plus au nord, la première tempête tropicale de la saison. Le vent souffle à plus de 35 nœuds, le tonnerre gronde et s’accompagne d’éclairs et de pluies violentes et abondantes. Cela dure une journée entière. Je prends mon ciré et je vais en bus à Hillsborouh faire quelques courses. 
J'admire au passage la campagne et les constructions en bois colorées.




nous naviguons vent arrière vers Grenade. Nous allongeons un peu la route pour le plaisir de passer au travers de petites îles aux noms plaisants : « Diamand’s Rocks », « Les Tantes », « Ile Ronde », « Les Cailles ». Là on ramasse un grain. On bifurque vers « London’s Bridge » (ce petit caillou a vraiment la forme du pont anglais), puis vers la côte NO de Grenade. La houle est assez marquée et les creux atteignent 2 mètres mais on avance bien.Nous arrivons à St Georges’s, capitale de Grenade, et nous avons bien du mal à trouver un ancrage dans le petit lagon très fermé et très fréquenté. Par 3 fois nous changeons d’endroit car nos voisins américains nous trouvent trop proches d’eux et nous demandent de dégager. C’est très déplaisant cette manie qu’ont les Américains de vouloir toujours disposer d’un grand rayon d’évitage. L’habitude des grands espaces sans doute… Mais ici, il s’agit de partager un mouillage exigu et chacun doit être à même de calculer son cercle d’évitage au plus précis.
Nous restons 10 jours à St George’s et nous sillonnons l’île à bord des taxis collectifs, les bus locaux. Grenade nous plaît beaucoup, les gens y sont avenants, souriants, accueillants, et la nature est verte et contrastée.
L’île a cependant beaucoup souffert du passage du cyclone « Yvan » en 2004. La marina de St George’s a été détruite ainsi que de nombreuses maisons et bâtiments. La ville est toute en collines et sur les hauteurs, les églises et autres édifices élevés sont toujours décapités. Les forêts du centre de l’île portent aussi les traces de la fureur des vents. Les villages de pêcheurs ont subi de nombreux dégâts. L’économie de l’île ne se remettra pas facilement de la catastrophe. Elle repose essentiellement sur l’agriculture. Les exportations principales sont la noix de muscade, les bananes, le cacao. Grenade est appelée « l’île aux épices ». Elle était le deuxième exportateur mondial de noix de muscade avant le passage d’Yvan, qui a détruit 90% des plantations. Il faudra des décennies pour atteindre l’ancien niveau de production.
Nous montons dans les bus, descendons, remontons dans un autre, et dans un autre encore. J’adore ces transports locaux. On grimpe en saluant cordialement à la cantonade. L’ambiance est garantie. Ca discute, ça rigole, ça chante. La musique va très fort. On paie l’équivalent de quelques centimes au chauffeur ou au jeune garçon chargé d’ouvrir et de fermer la portière coulissante. Quand il n’y a plus de place, on en crée en installant un strapontin à côté de la banquette, chacun se serre, le contact avec votre grosse voisine (la majorité des femmes sont très volumineuses) se fait plus direct encore, on colle, on transpire, mais quelle bonne humeur. Et quand on veut descendre, il suffit de faire toc-toc sur le toit ou sur un bout de carrosserie.
On visite les villages de pêcheurs, une fabrique de noix de muscade (au chômage technique), une fabrique artisanale de chocolat,
une distillerie de rhum tout aussi artisanale. Dégustation du « feu » à 75° ! Comme le degré maximum autorisé pour l’exportation est à 70°, ils font aussi un rhum plus doux, à 69° ! On se promène dans les marchés, dans les campagnes.
on s’offre un extra ; on va assister à la ponte des tortues luth. Moment magique, inoubliable. Ces énormes tortues de mer sont protégées et tout est strictement organisé. La « visite » ne peut se faire qu’en petits groupes.  L’expédition a lieu la nuit. Les mois de mai et juin sont idéaux mais il n’y a bien sûr aucune garantie de voir les tortues. Il faut se rendre à Levera Point, sur une plage à l’extrême NE de l’île, à 2 heures de route. C’est paraît-il l’un des 3 endroits des Caraïbes où viennent pondre les tortues luth. On emmène sandwiches et équipements pour passer la nuit sur la plage. Il fait nuit déjà quand nous arrivons. Cameron, notre guide, nous attend. Trois jeunes filles sont là aussi, et un jeune garçon, déjà aux aguets avec tout leur matériel de monitoring. Ils sont tous bénévoles et passionnés, membres d’une association anglaise de protection des tortues de mer. Ils viennent chaque nuit pendant la période de ponte et d’éclosion, pour observer, mesurer, baguer, répertorier, protéger les œufs et aussi éduquer les populations locales à la sauvegarde des espèces menacées. Les œufs sont ici particulièrement appréciés. Or les tortues luth font partie des espèces en danger. Elles existent depuis plus de 165 millions d’années (elles ont survécu aux dinosaures) mais atteignent aujourd’hui un seuil critique. Les scientifiques estiment que en 15 ans, le nombre annuel de nids est passé de 120.000 à 25.000. Et un seul individu sur 2.500 naissances arrive à l’âge adulte, soit environ 20 ans.
Nous nous installons sur la plage et nous écoutons les recommandations et les enseignements de nos guides. Nous avons pour abri une vieille barque de pêche retournée. Nos guides s’affairent d’un bout à l’autre de la très longue plage. Ils sont reliés par téléphone portable. Nous admirons les étoiles en espérant avoir la chance de voir au moins une tortue. Vers 22H30 nous sommes informés qu’une tortue vient de sortir de l’eau, à plusieurs centaines de mètres. Nous ne serons autorisés à approcher que lorsque la tortue aura terminé de creuser son nid et qu’elle sera prête à pondre. Sinon nous risquerions de la déranger et elle retournerait alors tout simplement dans l’eau. L’excitation nous gagne. Ces animaux d’un autre âge fournissent un tel effort pour faire une si longue et difficile migration du Canada ou de Grande Bretagne. Nous avons hâte de les approcher. Enfin, le guide nous propose de nous mettre en route. Il nous a bien briefé et nous respecterons scrupuleusement les consignes. Lorsque nous arrivons, la tortue termine son nid. Nous nous agenouillons juste derrière elle. Elle est énorme ! On dirait une barque retournée. Elle mesure près de 2 mètres de long, sans compter la tête et les puissantes nageoires. Ces tortues peuvent peser de 800 à 900 kilos. Leur carapace est faite d’une sorte de cuir (d’où leur nom anglais « leather back turtles »), intégré à leur dos. Elles ne peuvent donc pas replier tête et pattes sous la carapace comme les tortues terrestres.
Seules les lampes frontales à lumière rouges sont autorisées. Et pas de photos au flash. Notre tortue ne semble pas percevoir note présence. Elle termine de creuser son nid avec ses nageoires postérieures, avec d’amples gestes lents et tranquilles. Ensuite commence la ponte. Environ cent œufs de la taille d’une balle de tennis. Une des guides a glissé doucement le bras sous une nageoire et fait glisser un à un les œufs dans le creux de sa main pour les compter avant de les laisser tomber au fond du nid. Nous nous tenons accroupis ou couchés juste derrière la tortue, à la toucher. Nous avons le souffle coupé. Lorsqu’elle a fini de pondre, elle rebouche son nid, toujours avec ses nageoires postérieures. Il faut s’écarter un peu pour ne pas ramasser un coup de nageoire. Ensuite elle tasse le nid consciencieusement, puis le camoufle en traînant son corps lourd tout autour pour effacer les traces et enfin se remet en route lentement, pesamment, vers la mer où elle disparaît. Le tout sans rien voir, sans rien sentir, rien qu’à l’instinct. Elle sera restée sur terre environ deux heures.
Sorry, nous n'avons aucune photo de qualité !

Pendant que la première terminait son travail de camouflage, une seconde tortue est sortie de l’eau. Elle commence son nid sur un terrain inadéquat, où il y a des cailloux et de la glaise qui l’empêchent de creuser. Cette même tortue était déjà venue la veille (elle est baguée) et avait dû repartir bredouille car elle avait choisi un trou d’eau. Elle repart aujourd’hui encore vers la mer avec sa cargaison intacte. Elle reviendra peut-être avec la prochaine marée ou le prochain courant favorable.
L’équipe de nos guides prend un relevé précis de la position des nids pour pouvoir suivre d’ici environ 3 mois l’éclosion des œufs. Ils parachèvent aussi le travail de camouflage car si les tortues cachent l’emplacement de leur nid, elles ignorent que les traces de leur corps et de leurs nageoires restent visibles pour l’homme et offrent un jeu de piste facile pour les amateurs d’omelettes fraîches.
Nous repartons vers notre « base » sur la plage où nous somnolons. Vers 1H30 une autre tortue sort de l’eau, tout près de nous cette fois. Nous aurons tout le loisir d’observer son lent et patient travail avec la lumière des étoiles. La nature fut merveilleuse cette nuit-là.

vendredi 29 juin 2007

AUX ILES VENEZUELIENNES


 
 

Grands dauphins à l'approche des Roques



De Martinique une  longue navigation nous emmène à Blanquilla, au Vénézuela.. La Blanquilla nous plaît mais la météo est maussade et le mouillage rouleur. Nous décidons de partir sans tarder vers l'archipel des Roques, ceinturé par une des plus grandes barrières de corail du monde.

Los Roques - des bleus comme dans un rêve


Nous voguons de mouillages en mouillages plus somptueux les uns que les autres, très sauvages et déserts dans cet immense espace de jeu des Roques, grand comme les Grenadines. Ici, plus question de se fier au GPS, tout est faux en raison du mauvais géo-référencement des cartes marines.
Il s'agit donc de naviguer à vue, le matin, quand le soleil permet de saisir toutes les nuances de couleurs afin de jauger la profondeur de l'eau et ne pas s'échouer lamentablement sur une patate de corail.