mardi 25 juin 2013

Né UN 26 JUIN

Né un 26 juin : Aimé Césaire


 


Aimé Césaire, poète et homme politique martiniquais est né à Basse pointe le 26 juin 1913. Professeur de lettres adulé au Lycée Schoelcher, il fût Maire de Fort-de-France, chef lieu de la Martinique, de 1945 à 2001. Député de la Martinique de 1945 à 1993, il fût également le principal rapporteur de la loi de Départementalisation adoptée en 1946, qui fit des anciennes colonies des départements français presque comme les autres. Après sa rupture tonitruante avec le Parti Communiste, symbolisée par sa ‘Lettre à (…)

Aimé Césaire et le questionnaire de Proust

par René Hénane

René Hénane, médecin, écrivain-essayiste, a vécu, exercé en Martinique et rencontré Aimé Césaire. Il est membre du Centre césairien d’études et de recherches de Fort-de-France et l’auteur des titres suivants : - Aimé Césaire, Le chant blessé – Biologie et poétique, Éditions J.M. Place, 1999. - Les jardins d’Aimé Césaire, Éditions de L’harmattan, 2003. - Glossaire des termes rares dans l’œuvre d’Aimé Césaire, Éditions J.M. Place, 2004. - Dossier Césaire, L’Autre Sud, n°29, juin 2005 - Césaire et Lautréamont, Éditions de l’Harmattan, 2006. - : Les armes miraculeuses d’Aimé Césaire – Une lecture critique, Éditions de L’Harmattan, 2008. - Introduction à MOI, LAMINAIRE, D'Aimé Césaire, L'Harmattan 2012, avec Mamadou Ba et Lilyan Kesteloot - René Hénane est consultant UNESCO pour le programme Rabindranath Tagore, Pablo Neruda, Aimé Césaire, l'Universel réconcilié.

E
n 2003, j’écrivis une longue lettre à Aimé Césaire en lui proposant de bien vouloir se soumettre au questionnaire de Proust. Les semaines se suivirent – Aucune réponse. J’en pris mon parti et me dis, dépité, que mon projet n’éveillait aucun écho ni intérêt auprès du grand poète.
Interrogeant, néanmoins, sa fidèle dame de compagnie Joëlle Jules-Rosette – à ma grande stupéfaction – celle-ci me révéla les abîmes de perplexité dans lesquels fut plongé le poète à la suite de ma proposition – profond embarras, doutes, inquiétude et même… angoisse, peur, clairement exprimées sur papier. Joëlle Jules-Rosette me révéla qu’Aimé Césaire revenait sans cesse, méditatif, sur mon papier, partant même, pour sa promenade quotidienne avec son fidèle chauffeur, le questionnaire de Proust sur les genoux.
N’imaginant pas tant d’embarras, cette situation me rendit confus et coupable.
Je m’apprêtai à m’excuser de cette initiative que je jugeai inopportune quand je reçus de la main d’Aimé Césaire, une lettre aussi rassurante que touchante qui me délivra de mes scrupules.
Ma première surprise fut qu’Aimé Césaire ignorait tout de ce questionnaire à propos duquel il me questionna sur ses origines, ses sources, ses intentions et le rôle joué par Marcel Proust.
En fait, le poète dont on connaît la profondeur d’esprit et l’étroit souci dans l’analyse introspective, fut effaré devant l’étendue de la réflexion qu’appelaient les questions posées. Évoquant ma démarche, il fit part, à ce propos, de son trouble et de sa perplexité lors de l’entretien qu’il eut avec Françoise Vergès[1] :
F.V. : Nous avons beaucoup évoqué vos activités politiques, mais vous vous êtes toujours et d’abord présenté comme poète. Comment aves-vous fait cohabiter ces deux activités ?
A.C. : je ne sais pas comment j’ai fait pour lier ces deux activités. Je m’étonne moi-même. On ne peut pas dire que j’ai réussi. Récemment on m’a envoyé le questionnaire de Proust en me demandant d’y répondre. Quelles questions ! Il faudrait un livre, ou, ce qui revient au même, une vie pour y répondre. Qu’est-ce que je pense des hommes ? qu’est-ce que je pense des femmes ? qu’est-ce que je pense de moi-même et de mon caractère, etc. ? À vrai dire, je ne sais que répondre. C’est dans mes poèmes, les plus obscurs sans doute, que je me découvre et me retrouve… Et qui peut le découvrir sinon vous qui me lisez, me relisez, me faisant l’honneur de me traquer, si j’ose dire, depuis des années ? C’est dans ma poésie que se trouvent mes réponses. La poésie m’intéresse, et je me relis et j’y tiens. C’est là que je suis. La poésie révèle l’homme à lui-même. Ce qui est au plus profond de moi-même se trouve certainement dans ma poésie. Parce que ce « moi-même », je ne le connais pas. C’est le poème qui me le révèle et même l’image poétique.
Dans la lettre qu’il m’adressa, Aimé Césaire m’invita à puiser moi-même dans son œuvre la réponse au questionnaire proustien. Ce que je fis après une relecture longue et minutieuse de tous ses écrits et discours.
Le choix que je proposai au poète fut, pour chaque question, multiple : extraits de ses écrits divers, discours, entretiens et surtout de ses poèmes. Aimé Césaire fit son choix dans la panoplie de mes propositions, en supprima beaucoup et me retourna le document en y ajoutant des notes personnelles.
Mais qu’est donc le Questionnaire de Proust ?
Il s’agit d’un célèbre questionnaire de personnalité dérivé de la devise de Socrate : Connais-toi toi-même (gnothi seauton), questionnaire-jeu qui connut une vogue étourdissante à la belle Époque et continue encore à être soumis aux beaux esprits. Il est même devenu un jeu de société. Marcel Proust répondit de bonne grâce à son questionnaire et la plupart des grands esprits de notre temps se plièrent au jeu de cette exigeante introspection.
Ce questionnaire dérive d’un jeu anglais datant de 1860, intitulé Confessions que Proust découvrit auprès de son amie Antoinette, fille de Félix Faure, futur président de la République.
Le manuscrit original de Proust répondant à ces questions fut découvert en 1923. Il fut rédigé en 1824, à l’époque où le jeune écrivain effectuait son volontariat au 76ème régiment d’infanterie, à Orléans, manuscrit intitulé Marcel Proust, par lui-même.
Voici les 31 questions du document anglais, Confessions :
1 – Le principal trait de mon caractère
2 – La qualité que je désire chez un homme
3 – La qualité que je désire chez une femme
4 – Ce que j’apprécie le plus chez mes amis
5 – Mon principal défaut
6 – Mon occupation préférée
7 – Mon rêve de bonheur
8 – Quel serait mon plus grand malheur
9 – Ce que je voudrais être
10 – Le pays où je désirerais vivre
11 – La couleur que je préfère
12 – La fleur que j’aime
13 – L’oiseau que je préfère
14 – Mes auteurs favoris en prose
15 – Mes poètes préférés
16 – Mes héros préférés dans la fiction
17 – Mes héroïnes préférées dans la fiction
18 – Mes compositeurs préférés
19 – Mes peintres favoris
20 – Mes héros dans la vie réelle
21 – Mes héroïnes dans l’Histoire
22 – Mes noms favoris
23 – Ce que je déteste par-dessus tout
24 – Caractères historiques que je méprise le plus
25 – Le fait militaire que j’admire le plus
26 – La réforme que j’estime le plus
27 – Le don de la nature que je voudrais avoir
28 – Comment j’aimerais mourir
29 – L’état présent de mon esprit
30 – Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence
31 – Ma devise

Voici les questions et réponses de Marcel Proust :

1 – Ma vertu préférée :
Le besoin d’être aimé et pour préciser, le besoin d’être caressé et gâté bien plus que le besoin d’être admiré.
2La qualité que je préfère chez un homme :
Des charmes féminins.
3 - La qualité que je préfère chez une femme :
Des vertus d’homme et la franchise dans la camaraderie.
4 - Ce que j’apprécie le plus chez mes amis :
D’être tendre pour moi, si leur personne est assez exquise pour donner un grand prix à leur tendresse.
5 - Mon principal défaut :
Ne pas savoir, ne pas pouvoir « vouloir ».
6 Mon occupation préférée :
Aimer.
7 - Mon rêve de bonheur.
J’ai peur qu’il ne soit pas assez élevé, je n’ose pas le dire, j’ai peur de le détruire en le disant.
8 - Quel serait mon plus grand malheur ?
Ne pas avoir connu ma mère ni ma grand-mère.
9 - Ce que je voudrais être :
Moi, comme les gens que j’admire me voudraient.
10 - Le pays où je désirerais vivre :
Celui où certaines choses que je voudrais se réaliseraient comme par un enchantement et où les tendresses seraient toujours partagées.
11 - La couleur que je préfère :
La beauté n’est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie
12 - La fleur que j’aime :
La sienne – et après, toutes.
13 - L’oiseau que je préfère :
L’hirondelle.
14 - Mes auteurs favoris, en prose :
Aujourd’hui, Anatole France et Pierre Loti.
15 - Mes poètes préférés :
Baudelaire et Alfred de Vigny.
16 - Mes héros dans la fiction :
Hamlet.
17 - Mes héroïnes favorites dans la fiction :
Bérénice.
18 - Mes compositeurs préférés :
Beethoven Wagner, Schumann.
19 – Mes peintres favoris :
Léonard de Vinci, Rembrandt.
20 - Mes héros dans la vie réelle :
M. Darlu, M. Boutroux.
21 - Mes héroïnes dans l’histoire :
Cléopâtre.
22 - Mes noms favoris :
Je n’en ai qu’un à la fois.
23 - Ce que je déteste par-dessus tout :
Ce qu’il y a de mal en moi.
24 - Personnages historiques que je méprise le plus :
Je ne suis pas assez instruit.
25 - Le fait militaire que j’admire le plus :
Mon volontariat.
26 - La réforme que j’admire le plus :
(sans réponse)
27 - Le don de la nature que je voudrais avoir :
La volonté et ses séductions.
28 - Comment j’aimerais mourir :
Meilleur – et aimé.
29 - État d’esprit actuel :
L’ennui d’avoir pensé à moi pour répondre à toutes ces questions.
30 - Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence :
Celles que je comprends.
31 - Ma devise :
J’aurais trop peur qu’elle ne me porte malheur.


Réponses d’Aimé Césaire au questionnaire de Marcel Proust :
 
Telles furent les questions et les réponses d’Aimé Césaire aux textes et poèmes que je soumis à son choix et à son attention :
 
1 – Le principal trait de mon caractère
Je suis volontariste… Je ne subis pas mon destin. C’est l’Homme qui fait l’Histoire. Mon destin, je le change en Histoire. Je me forge un chemin dans la boue de l’histoire. Il y a chez moi un côté extrêmement violent, extrêmement déchaîné. Il y a chez moi un côté volcan. je suis péléen.(1)
… Je crois à la priorité du vouloir. Le salut viendra de nous-mêmes(2)
Moi qui Krakatoa…
je me lèverai un cri et si violent
que tout entier j’éclabousserai le ciel
et par mes branches déchiquetées
et par le jet insolent de mon fût blessé et solennel
je commanderai aux îles d’exister
(Corps perdu)
Je suis fidèle. Dans mon esprit, il n’y a pas de place pour le reniement. Où que je sois, je suis toujours accroché à mon rocher (3)… je crois être bon… je n’ai jamais eu de haine ni de vindicte (4)
2 – La qualité que je désire chez un homme
La bonté. Je ne veux de mal à personne. J’ai toutes les peines du monde à imaginer un être méchant et cruel. Un tel être me révolte profondément.
L’amitié : c’est une des rares choses qui valent la peine d’être vécues (1)
3 – La qualité que je désire chez une femme
La bonté, l’amour, la fidélité : la femme dans sa lumière et sa glorieuse fécondité.
… et toi veuille astre dans ton lumineux fondement tirer lémurien du sperme insondable de l’homme la forme non osée que le ventre tremblant de la femme porte tel un minerai (Cahier d’un retour au pays natal)
… dors doucement au tronc méticuleux de mon étreinte / ma femme / ma citadelle
(Chevelure, Soleil cou coupé)
Un morceau de lumière qui descend la source d’un regard
l’ombre jumelle du cil et de l’arc-en-ciel sur le visage…
femme / tu es un dragon dont la belle couleur s’éparpille et s’assombrit jusqu’à former l’inévitable teneur des choses
(La Femme et la Flamme, Soleil cou coupé)
4 – Ce que j’apprécie le plus chez mes amis
La fidélité, l’amitié, en leurs manifestations simples. Je veux être un simple mortel, accueilli en tant qu’homme, avec le droit de dire des bêtises, de me tromper, avec le sentiment que je ne suis pas un obstacle, avec le sentiment d’être de plain-pied avec mes amis, avec les gens (1)
5 – Mon principal défaut
Je suis timide, très timide. Je suis bien avec mes amis mais la seule idée d’aller dans le monde avec des gens que je ne connais pas, c’est épouvantable pour moi.
Je suis orgueilleux. Je ne me crois pas vaniteux. Je n’aime pas le cursus honorum. Je suis orgueilleux, c’est pour cela que je n’ai jamais pu tolérer l’humiliation. Les choses qui m’ont humilié – je ne pardonne jamais ! Il m’arrive la nuit d’être éveillé par le souvenir d’une humiliation que j’ai subie il y a trente ans et peut-être la personne qui m’a humilié ne le sait même pas. La blessure ne se referme pas.
J’ai horreur du paternalisme : les gens qui me tapent dans le dos, j’ai ça en horreur. Je n’ai pas un caractère facile. Je suis l’homme des contradictions : j’allie orgueil et modestie. Je me sens très sauvage, je me sens très nègre marron. J’ai horreur de la suggestion, de la contrainte. J’ai horreur de me conformer. Je supporte ça très mal. J’encaisse, j’accepte, je subis, je me domine. Je me dis : be cool, baby, be cool ! – brusquement le volcan se réveille et explose… toute ma vie ç’a a été comme ça : les impulsions extrêmement brusques et les gens superficiels pensent que c’est inattendu. C’est peut-être les réactions de mon peuple : s’en aller, foutre le camp… Et puis zut ! c’est fini… !(1)
6 – Mon occupation préférée
La lecture, mon contact avec les livres. Quand j’étais enfant, je lisais tout ce qui me tombait sous la main (1)
7 – Mon rêve de bonheur
Être toujours en fraternité totale, en fraternité charnelle avec mon Île
Le Rebelle : je démêle avec mes mains mes pensées qui sont des lianes sans contractures, et je salue ma fraternité totale
les fleuves enfoncent dans ma chair leur museau de sagouin
des forêts poussent aux mangles de mes muscles
les vagues de mon sang chantent aux cayes
je ferme les yeux
toutes mes richesses sous mes mains
tous mes marécages
tous mes volcans
mes rivières pendent à mon cou comme des serpents et des chaînes précieuses…
(Et les chiens se taisaient)
Mon rêve de bonheur ? Vivre dans un monde de justice et de fraternité. Oui, c’est bien ce qu’il nous faut au sortir de notre enfer : une société de liberté vraie, de justice vraie, de fraternité vraie où dans la jubilation des cieux profonds et de son cœur insondable, l’homme enfin conquis à lui-même salue le grand dégel de la promesse et de la joie … (5)
Mon rêve de bonheur ? L’Universel. L’Homme universel qui transcende les différences, un monde poétique. J’aime cette pensée de Hegel : « Le principe de la particularité, précisément par le fait de se développer pour soi jusqu’à la totalité, passe dans l’universel. » Vous avez bien entendu : c’est le voyage jusqu’au bout de soi qui nous fait découvrir l’ailleurs, le tout.(6)
8 – Quel serait mon plus grand malheur
- ne plus avoir la force de regarder demain
- être un souvenir qui n’atteint pas le seuil
et erre dans les limbes où le reflet d’absinthe
quand le cœur de la nuit souffle par ses évents
bouge l’étoile tombée où nous nous contemplons (Le griffon, Soleil cou coupé)
9 – Ce que je voudrais être
Que voudrais-je être ? Mon Dieu ! j’ai la vocation panthéiste. Je voudrais être Tout (1)
Je veux être le parakimomène[2] de la Martinique, celui qui la protège et la défend corps et âme.
10 – Le pays où je désirerais vivre
Je vis mon désir : j’aime vivre à la Martinique.
ma terre où tout est libre et fraternel… ma terre
(Cahier d’un retour au pays natal)
11 – La couleur que je préfère
Les couleurs : vert comme l’arbre, rouge comme le feu du volcan.
Ce sont les couleurs du balisier, la fleur que j’aime le plus, ma fleur emblématique :
Ça et là un dépoitraillement jusqu’au sang
D’impassibles balisiers
(Espace-rapace, Comme un malentendu de salut)
Ce sont aussi les couleurs emblématiques de l’Afrique :
Vertes et rouges, je vous salue
bannières, gorges du vent ancien,
Mali, Guinée, Ghana
(Pour saluer le Tiers-Monde, Ferrements)
12 – La fleur que j’aime
Madinina, mon Île-fleur
13 – L’oiseau que je préfère
Mes oiseaux : la colombe et le colibri
… monte, Colombe / monte / monte / monte…
(Cahier d’un retour au pays natal)
… je me souviens des soirs, le crépuscule était un colibri bleu-vert jouissant dans l’hibiscus rouge… (Et les chiens se taisaient)
… que les quelques gouttes de rosée qui rendent plus émouvante d’avoir traversé l’orage, l’aigrette du colibri… (Une saison au Congo)
14 – Mes auteurs favoris en prose
Les classiques grecs : Sophocle, Eschyle. Les philosophes : Nietzsche (avec notamment, La naissance de la tragédie), Hegel, Heidegger. Les écrivains noirs américains du groupe Harlem Renaissance… En 1938-39, Senghor et moi, nous fréquentions Langston Hughes, Country Cullen, Claude MacKay dont le roman Banjo avait paru dès 1936. Ils faisaient partie de nos bagages personnels… Important le texte écrit par Frobenius, l’homme qui a écrit l’Histoire des civilisations africaines (7)
Miguel Angel Asturias :
Miguel Angel immergea sa peau d’homme
et revêtit sa peau de dauphin
Miguel Angel dévêtit sa peau de dauphin
et se changea en arc-en-ciel
Miguel Angel rejetant sa peau d’eau bleue
revêtit sa peau de volcan
et s’installa montagne toujours verte
à l’horizon de tous les hommes
(Quand Miguel Angel Asturias disparut)
Lafcadio Hearn
Ô questionneur étrange
je te tends ma cruche comparse
le noir verbe mémorant
Moi moi moi
car de toi je connus que la patience fut faite
de la cabine de commandement d’un corsaire démâté
par l’orage et léché d’orchidées
(Ferrements)
15 – Mes poètes préférés
Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Mallarmé, Tête d’Or de Claudel. J’ai beaucoup aimé La Divine Comédie de Dante.
Mes amis poètes. Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas :
Si Damas est poète authentique, il l’est d’abord par la lucidité… Que Damas, par-delà la tombe, se rassure : lui aussi, il a droit de survivre à la mort comme ceux qui ont beaucoup aimé, beaucoup souffert, beaucoup lutté… ceux dont les souffrances, les luttes et l’espérance rejoignent les souffrances, les luttes et l’espérance de leurs frères, de leur peuple (8)
René Char. René Depestre :
Depestre / bombaïa bombala / crois-m’en comme jadis bats-nous le bon tam-tam / éclaboussant leur nuit rance / d’un rut sommaire / d’astres moudangs.
(Le verbe marronner, Noria)
Paul Éluard :
Éluard
pour conserver ton corps
grimpeur de nul rituel
sur le jade de tes propres mots que l’on t’étende simple
conjuré par la chaleur de la vie triomphante
selon la bouche operculée de ton silence
et l’amnistie haute des coquillages
(Tombeau de Paul Éluard, Ferrements)
16 – Mes héros préférés dans la fiction
Les héros mythiques : Orphée, Prométhée le voleur de feu, le Rebelle. Le mythe de Gaïa, la Terre, les mythes d’Isis et Osiris, les mythes africains Bambara et Dogon.
Christophe devient une sorte d’Atlas porteur du monde… Lumumba… est un Prométhée, porteur de feu… une sorte de Christ souffrant… C’est ça le mythe, un dépassement de l’anecdote historique pour arriver à une volonté plus large, à une volonté universelle et compréhensible par tous les hommes (3)
17 – Mes héroïnes préférées dans la fiction
La Femme, au sens archétypal.
La Femme est moins soumise à la tyrannie de la logique parce qu’elle est plus fidèle au cosmos, qu’elle a moins de méthode parce qu’elle a plus de nostalgie ; que la Femme (mémoire de l’espèce) a conservé, intact, le souvenir des merveilleux saisissements qui ont marqué les premières expériences de l’humanité, du temps que le soleil était jeune et que la terre était molle, et qu’à tout prendre, ce qu’on appelle “l’idéalisme de la femme” n’est que la volonté de rendre à la pensée sa force démentielle, bien sûr, sa force aberrante, je le concède, mais aussi sa force de propulsion, de création et de renouvellement (5)
18 – Mes compositeurs préférés
Non, je n’écoute pas la musique. C’est une grosse lacune, je l’avoue humblement. Peut-être écouter un peu de jazz, la musique noire américaine (1) Le jazz, c’est la musique surgie de la douleur d’un peuple réduit en esclavage (4)
19 – Mes peintres favoris
Mon grand ami, Wifredo Lam
Alors vint un homme qui jetait comme cauris
ses couleurs
et faisait revivre la flamme des palimpsestes
alors vint un homme dont la défense lisse était un masque goli
et le verbe un poignard acéré
alors vint un homme qui se levait contre la nuit du temps…
… je veux dire un homme rabordaille…
(Rabordaille, Wifredo Lam, Moi, Laminaire…)
Wifredo Lam, le premier aux Antilles, a su saluer la liberté…
Wifredo Lam ne regarde pas, il sent. Il sent le long de son corps maigres et de ses branches vibrantes, passer, riche de défis, la grande sève tropicale. Nourri de sel marin, de soleil, de pluie, de lunes merveilleuses et sinistres, Wifredo Lam est celui qui rappelle le monde moderne à la terreur et à la ferveur premières (9).
René Louise, dont j’aime beaucoup l’éclat d’or de son œuvre, peintre martiniquais, diplômé des Beaux-Arts de Paris, membre fondateur du groupe Fwomagé, créations acryliques sur métal, notamment Éboulis et Moi, laminaire…
20 – Mes héros dans la vie réelle
Toussaint-Louverture : en me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines parce qu’elles sont profondes et nombreuses (10)
c’est un homme seul qui fascine l’épervier blanc de la mort blanche…
… la splendeur de ce sang n’éclatera-t-elle point ?
(Cahier d’un retour au pays natal)
 
Louis Delgrès :
… Louis Delgrès je te nomme…
…je te clame à tout vent futur toi buccinateur d’une lointaine vendange
(Mémorial de Louis, Delgrès, Ferrements)
 
Nelson Mandela, Martin Luther King.
 
Victor Schœlcher : Un de ces grands honnêtes hommes que l’on rencontre de loin en loin dans les allées de l’Histoire. Un homme de culture, de probité scrupuleuse, de courage tranquille, qui eut une sorte de génie : celui de la conscience morale. Précisons sa singularité : que, rationaliste égaré parmi les romantiques, cet homme fut le plus efficace, le seul absolu, le seul conséquent des abolitionnistes (11)
Il a apporté aux Noirs des Antilles la liberté politique. S’il n’a pu la compléter par leur accès à la propriété et à la sécurité économique, du moins a-t-il créé une contradiction saisissante qui ne peut ne pas faire éclater le vieil ordre des choses : celle qui fait du moderne colonisé à la fois un citoyen total et un prolétaire intégral
Désormais sur les bords de la mer Caraïbe aussi, le moteur de l’Histoire ronfle (12)
21 – Mes héroïnes dans l’Histoire
Je les trouve dans ma propre histoire :
Ma grand-mère… naturellement reine, petite, noire, pétillante d’intelligence, malicieuse. Elle était toujours le chef de quelque chose, Maman Nini, un rayonnement prodigieux. J’ai rencontré, en Casamance, la reine Sebeth. Malraux qui l’a vue, a dit d’elle : « C’est une reine, et ce n’est pas la moindre reine de toutes les reines. » Ma grand’mère Nini ressemblait à la reine Sebeth (1)
Ma mère, Éléonore, fondatrice de la dynastie, morte à 92 ans
… grande ombre tendre
hagarde d’un dernier et tutélaire regard
(Tutélaire)
22 – Mes noms favoris
J’aime beaucoup les noms de lieux, les noms de pays, ce qu’on appelle savamment la toponymie. Tous ces noms ont une histoire, racontent notre histoire. J’aime leur parfum.
Le Macouba, l’Ajoupa, le Maniba, ce sont les Caraïbes. Balata, Ajoupa, Génipa, ce sont des végétaux – bassin Zombi, au Diamant, Fond Zombi, Trou au Diable, Fond d’Enfer, Fond Saint Jacques…
23 – Ce que je déteste par-dessus tout
Je déteste l’injustice, l’imbécillité de l’âme.
Je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance…
(Cahier d’un retour au pays natal)
Vous ne partirez point que vous n’ayez senti la morsure de mes mots sur vos âmes imbéciles.
(Le Rebelle : Et les chiens se taisaient)
24 – Caractère historique que je méprise le plus
Le régime de Vichy et le pouvoir de son représentant en Martinique, l’amiral Robert :
Fort de France le 12 mai 1943
À M. le lieutenant de vaisseau Bayle
Monsieur,
Nous avons reçu votre réquisitoire contre « Tropiques »
« racistes », « sectaires », « révolutionnaires », « ingrats et traîtres à la patrie », « empoisonneurs d’âmes », aucune de ces épithète ne nous répugne essentiellement.
« Empoisonneurs d’âmes » comme Racine, aux dires de Messieurs de Port-Royal.
« Ingrats et traîtres à notre si bonne patrie », comme Zola au dire de la presse réactionnaire.
« révolutionnaires », comme le Hugo des « Châtiments ».
« Sectaires », passionnément comme Rimbaud et Lautréamont.
« Racistes », oui. Du racisme de Toussaint Louverture, de Claude MacKay, de Langston Hughes – contre celui de Drumont et de Hitler.
Pour ce qui est du reste, n’attendez de nous ni plaidoyer, ni vaines récriminations, ni discussion même.
Nous ne parlons pas le même langage.
Signé : Aimé Césaire, Suzanne Césaire, Georges Gratiant, Aristide Maugée, René Ménil, Lucie Thésée (13)
25 – Le fait militaire que j’admire le plus
Je ne me connais pas d’admiration pour le fait militaire.
Assurément, le fait militaire que je déteste le plus est la prise de Matouba, en Guadeloupe, le 28 mai 1802, avec sa sanglante répression par le général Richepanse, envoyé de Napoléon Bonaparte afin de rétablir l’esclavage – la mort héroïque de Louis Delgrès.
Je n’aime pas les guerres coloniales, toutes les guerres.
C’est un peuple de cris sous le talon de fer
Cris serpents
Cris crotales
Cris lézards attendant le soleil
Cris phasmes desséchés (Fantasmes)
Oui ou non, créerons-nous une conscience si délicate que la guerre ne lui semblera pas
seulement la nécessité cruelle d’un monde imparfait, mais une pensée inconcevable ? (5)
26 – La réforme que j’estime le plus
Celle dont je rêve : retrouver la source vive de l’imagination et rendre à l’homme toutes ses raisons d’être et d’espérer.
Ma conviction personnelle est que la plupart des catastrophes humaines (individuelles ou collectives) viennent de ce que, à un certain moment, les sources de l’imagination individuelle ou collective n’ont pas pu ou n’ont pas su fonctionner à la hauteur du besoin et du péril.
Alors je dis qu’il faut refaire le monde. Dans l’œuvre maîtresse de Rimbaud, Une saison en Enfer, il y a un moment magnifique… mélodieux, un moment où les blasphèmes se modèrent, où les grincements de dents s’apaisent, où les sifflements de feu et les soupirs empestés s’éteignent, et alors monte de cette œuvre cruelle pleine de tous nos crimes et de toutes nos révoltes, monte un chant merveilleusement limpide… le voilà dans sa force ingénue et terrible :
« Quand irons nous par-delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, de la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer, les premiers ! Noël sur la terre ? Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves ne maudissons pas la vie. »
Oui, c’est bien ce qu’il nous faut au sortir de notre enfer : une société de liberté vraie, de justice vraie, de fraternité vraie où dans la jubilation des cieux profonds et de son cœur insondable, l’homme enfin conquis à lui-même salue le grand dégel de la promesse de la joie (5).
27 – Le don de la nature que je voudrais avoir
Le don de la métamorphose pour devenir un arbre ou une graine.
… à force de regarder les arbres je suis devenu un arbre et mes longs pieds d’arbre ont creusé dans le sol de larges sacs à venin des hautes villes d’ossements
à force de penser au Congo
je suis devenu un Congo bruissant de forêts et de fleurs
où le fouet claque comme un grand étendard…
(Cahier d’un retour au pays natal)
Je suis obsédé par la végétation, par la fleur, par la racine. Rien de tout cela ne m’est gratuit, tout est lié à ma situation d’homme exilé de son sol originel… L’arbre profondément enraciné dans le sol, c’est pour moi le symbole de l’Homme lié à la Nature, la nostalgie d’un paradis perdu (14)
28 – Comment j’aimerais mourir
Meilleur et aimé (c’est la réponse donnée par Marcel Proust lui-même)
… comme une matrice calcinée par les grands soleils de l’amour
(Batouque)
29 – L’état présent de mon esprit
Voir la vie en face… toujours avancer…
… l’inégale lutte de la vie et de la mort, de la ferveur et de la lucidité, fût-ce celle du désespoir et de la retombée, la force aussi toujours de regarder demain (Prologue, Moi, laminaire…)
… c’est du vent qu’il s’agit
de l’élan de poumon accompagne-le longtemps
avance
en chemin
sans écarter les chiens
le vent par toi vivant par toi-même les acharne
de tout ce que de montagne il s’est bâti en toi
construis chaque pas déconcertant
la pierraille sommeilleuse
ne dépare pas le pur visage de l’avenir
bâtisseur d’un insolite demain
que ton fil se noue
que ta voix ne s’éraille
que ne se confinent tes voies
avance
30 – Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence
Celles qui sont commises de bonne foi. J’ai horreur de la mauvaise foi et de l’hypocrisie.
31 – Ma devise
Ma vie est toujours en avance d’un ouragan
(La femme et la flamme, Soleil cou coupé)
* * *
Certains points me surprirent : Aimé Césaire n’aima pas du tout l’expression « Papa Aimé » que j’avais insérée dans la rubrique “Mes noms favoris” et qu’il supprima d’un trait décisif – expression d’affection filiale par laquelle toute la foule martiniquaise le désignait.
Notons aussi l’absence du mot Négritude qui lui fut cependant présenté dans diverses formulations.
Les questions qui me parurent l’ébranler, ce que me confirma le témoignage de Joëlle Jules-Rosette, furent celles relatives à la femme : la qualité que je désire chez une femme – Mes héroïnes favorites dans la fiction – Mes héroïnes dans l’histoire. Ce trouble apparaît dans ses lettres : … j’en suis effrayé… la peur…
À la dernière minute, à la rubrique Mes peintres favoris, il me demanda d’ajouter, son ami René Louise, célèbre peintre martiniquais.
Ma devise : interrogation majeure sur laquelle s’achève le questionnaire de Proust. Le choix d’Aimé Césaire se détourna de toutes les superbes formules qui émaillent son œuvre et que nous ressassons avec une gourmande volupté. D’emblée, son choix me ravit et se porta sur le sublime alexandrin, du poème La femme et la flamme (Soleil cou coupé) auquel je suis tant attaché, et qui résume, à lui seul, l’élan prophétique de la vie d’Aimé Césaire :
Ma vie est toujours en avance d’un ouragan
Références :
(1) Entretien avec Édouard Maunick, France-Culture, 1976.
(2)Aimé Césaire, poète de l’universelle fraternité, Vidéo C.R.D.P. Antilles-Guyane, R.F.O. Martinique, R.F.O. Guyane, 1994.
(3) Entretien avec Jacqueline Leiner, Le terreau primordial, Études littéraires françaises, Gunter Narr, Tübingen, 1993.
(4) Euzhan Palcy et Annick Thébia-Melsan, Aimé Césaire, Une voix pour l’Histoire, Vidéo 1998.
(5) Aimé Césaire, Discours de distribution des prix, Pensionnat colonial, Fort-de-France, juillet 1945, in : ouvrage collectif Aimé Césaire : Une pensée pour le XXIème siècle, Présence africaine, 2003, p.567.
(6) Aimé Césaire, Discours sur l’art africain, Genève, 2 juin 1978, in : Annick Thébia-Melsan, Pour regarder le siècle en face, Maisonneuve et Larose, 2000, p.29.
(7) Entretiens avec Jacqueline Leiner, 1975, 1982, in : Terreau primordial, op.cit., pp. 111 et 129.
(8) Aimé Césaire, postface Hommage à Léon-Gontran Damas, Fort-de-France, 31 août 1978, in : Daniel Racine, Léon-Gontran damas. L’homme et l’œuvre, Présence africaine, 1983, pp229-236.
(9) Aimé Césaire, Lam et les Antilles, Revue XXème siècle, n° 52, 1979.
(10) Aimé Césaire, Toussaint-Louverture, Présence africaine, 1962.
(11) Aimé Césaire, Discours à la Sorbonne pour le centenaire de l’abolition de l’esclavage, 1948.
(12) Aimé Césaire, Victor Schœlcher et l’abolition de l’esclavage, Le Capucin, 2004.
(13) Aimé Césaire, Tropiques, Réponse au lieutenant de vaisseau Bayle, éd. Jean-Michel Place, 1978, p.XXXVIV.
(14) Aimé Césaire, Disque R.F.I, Entretien avec Jacqueline Leiner, 1996.



Annexes : Lettres d’Aimé Césaire à René Hénane (2004)
(Manuscrits et transcriptions dactylographiques)


Ci après : Lettre n°1 :





Cher Hénane
Je suis confus
Je ne vois pas comment répondre
au questionnaire de Proust
Pour vous dire la vérité, je crois
que l’essentiel est contenu dans
mes poèmes.
C’est dans mes poèmes que que
je me découvre moi-même
un tant soi peu
À vrai dire je ne connais pas
de meilleur lecteur de mon œuvre que vous
Hénane.
Si vous me révélez à moi-même,
Croyez-moi ce sera un grand service.
Si vous voulez bien,
nous en reparlerons


Lettre n°2:




Lettre n° 3 :






[1] Aimé Césaire. Nègre je suis, nègre je resterai. Entretien avec Françoise Vergès. Albin Michel, 2005, p.47.
Il faut noter le fait que cette opération soumise à Aimé Césaire fut citée et soulignée par le président de la République, Nicolas Sarkozy, lors de l’hommage national rendu au Panthéon : « Un jour, on lui envoya le questionnaire de Proust. Il le retourna avec cette réponse : “ A vrai dire je ne sais que répondre. C’est dans mes poèmes les plus obscurs sans doute que je me découvre et me retrouve… Et qui peut le découvrir sinon vous qui me lisez” » (mercredi 6 avril 2011)
[2] Parakimomène (Soleil safre, Moi, laminaire…) du grec parakoïmomenos, celui qui couche à côté. À la cour des empereurs byzantins et ottomans, le parakimomène était le grand vizir, officier grand chambellan qui se couchait en travers du pas de la porte de l’empereur, honneur très convoité à la Cour (Communication personnelle d’Aimé Césaire en réponse à notre interrogation : « Je suis le parakimomène de la Martinique »)

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IL PLEUT ? RECOLTEZ L'EAU DE PLUIE !

 
 
 


 
 
La réserve de 1000 litres d'eau d'Eolis est partagée en deux réservoirs inox de 50O litres chacun. L'un d'eux ne délivre son eau que par l'action d'une pompe à pied (le débit est beaucoup moins important que lorsque nous tirons l'eau de l'autre réservoir au moyen d'une pompe électrique). A la base du robinet nous avons placé un filtre afin de pouvoir boire l'eau du réservoir. Une autre pompe à pied tire de l'eau de mer. Ainsi je fais toujours la vaisselle avec l'eau de Neptune ! une simple rincette à l'eau douce préserve ensuite les couverts d'un goût salé (surtout quà bord on a de l'argenterie, si, si ; signée USN pour U.S.Navy ou CGT (pour Compagnie Générale Transatlantique) ...
Chaque évier est muni d'une bassinette : grâce  à elle, l'eau de rinçage de vaisselle peut être réemployée,  pour se laver les mains par exemple ou pour rincer les éponges, laver les panneaux de pont etc, etc... Ces petites bassines sont un des éléments importants qui facilitent l'économie de l'eau. On n'imagine pas combien de litres partent à la mer alors qu'ils peuvent encore servir...
 
Sous les tropiques les grains sont de courtes durée et parfois violents. Il pleut souvent abondamment. Ils sont donc nos pourvoyeurs privilégiés en eau douce. La skippette de Eolis  utilise des  techniques différentes et simultanées pour récolter l'eau de pluie. Il faut en effet faire vite avant que le soleil ne revienne.
  * placer judicieusement des récipients pour récolter l'eau d'écoulement des tauds, capotes, bimini et autres panneaux solaires.
  *  les rails de fargue peuvent aussi servir : cela signifie que tout le pont est ceinturé d'un minuscule « muret » le long duquel l'eau circule comme dans une rigole : les nables sont placées sur ce parcours. Ainsi, il suffit d'obturer les espaces libres du rail de fargue (chaumards) par des serpillières afin que l'eau ne tombe pas dans la mer ! A l'arrière de chaque nable la skippette place une autre serpillière qui permet de faire barrage à l'eau juste à l'aplomb du réservoir ( à la période des pluies on peut ainsi remplir l'intégralité des réservoirs !).
  *  entre l'arrière du bateau et le dernier nable il reste un ou deux mètres de rail de fargue où l'eau continue de circuler : afin qu'elle ne soit pas perdue dans la meren en se jetant du haut de la jupe arrière on peut établir un second barrage pour récupèrer l'eau à l'aide d'une pompe à main. Cette eau est consignée dans des bidons.
 
 
la douche solaire
Toujours dans le cadre de l'économie de l'eau, nous avons installé sous le portique une douche solaire c'est une poche en plastique qui contient 15 litres d'eau. Celle-ci devrait suffir à 4 voire 5 douches (la poche est transparente d'un côté ce qui permet de visualiser la consommation à tout moment). Pour utiliser moins d'eau, nous nous savonnons à l'eau de mer, cheveux y compris. Rien de tel qu'un bain à une température comprise entre 26 et 29 degrés : une salle de bain immense où nous invitent les petits poissons...  revenus sur la plage arrière de Eolis nous nous rinçons à l'eau douce que le soleil aura réchauffé tout au long de la journée dans la grande poche (la face noire conserve la chaleur de l'eau).
 
 
sinon vous pouvez faire comme certains locaux...
 

jeudi 20 juin 2013



   

C'EST L'ETE !






                               




 

lundi 17 juin 2013

BAC PHILO 2013


 
 
Les épreuves du bac général commencent ce matin, avec l'épreuve de philosophie. Les candidats au bac pro passeront, eux, l'épreuve de français.
 

Sujet Bac philo 2013 : science, morale, travail et un clin d'oeil à Jérôme Cahuzac ; les scientifiques auront eu le choix de s'agiter les méninges sur la morale liée à la politique ou sur le travail : "Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ?" (coucou Cahuzac) et "Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?".

En série littéraire

Les littéraires devront disserter sur la science et le langage : "La science se limite-t-elle à constater les faits ?" et "Le langage n'est-il qu'un outil". S'ils séchent, ils pourront toujours se rabattre sur le commentaire de texte, un extrait de La Lettre à Elisabeth de Descartes. Et ils auront plutôt intérêt à assurer avec une épreuve de philo de coefficient 7.

En série économique

Les ES auront quatre heures pour plancher sur un des deux sujets de dissertation : "Que devons-nous à l'Etat ?" et "Interprète-t-on à défaut de connaître ?". Ils pourront également opter pour l'explication de texte, un extrait de De La Concorde, de Saint-Anselme.

En série scientifique

Les scientifiques auront eu le choix de s'agiter les méninges sur la morale liée à la politique ou sur le travail : "Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ?" (coucou Cahuzac) et "Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?". Côté commentaire de texte, ils pouvaient se lancer sur un extrait de La Pensée et le mouvant de Bergson.
Si cet après-midi, les lycées en bac général pourront continuer à plancher sur l'épreuve d'histoire-géo qui se tiendra demain matin. Et ils auront tout intérêt à se passer d'anti-sèches, vu que le plan anti-fraude a été renforcé cette année. Espérons pour eux qu'ils soient plus au fait que Nabilla sur l'histoire de France. Petit rappel : la "guerre mondiale de 78" n'existe pas.


Le philosophe Luc Ferry décrypte pour le Figaro Étudiant ,les sujets du bac philo 2013. Il a choisi la dissertation sur le travail, le langage et la morale.
Pour réussir la dissertation de philosophie au baccalauréat ,l’ancien ministre de l’Éducation, Luc Ferry encourage à prendre le sujet au sérieux. La dissertation ne doit pas sortir des sentiers battus, elle doit rester relativement classique. D’abord il faut identifier le sens du sujet, c’est l’introduction. Dans l’exercice de la dissertation, exprimer ses opinions ne suffit pas, il faut les argumenter les positions qui ne sont pas les siennes.
Au 19ème siècle, l’épreuve de philosophie a été instaurée pour aider à former des citoyens. Il faut donc s’interroger sur le sens profond du sujet, le sens pour soi, le sens pour la société. Il est indispensable de s’inspirer de l’opinion publique, générale, pour ensuite la dépasser. Mais attention aux exemples dans l’actualité, ils sont dangereux selon Luc Ferry. On peut les mobiliser au début de la dissertation, car il faut partir des opinions courantes. Mais on part de l’apparence et on va au-delà, pour essayer de voir ce qu’il y a derrière…
Parmi les nombreux sujets tombés ce lundi matin pour l’épreuve de philosophie, l’ancien ministre a d’abord choisi de s’exprimer sur le travail, une notion qu’il juge «intéressante».

Le travail permet-il de prendre conscience de soi? (Bac S)


Il est possible de commencer par une première partie dans laquelle il faut expliquer l’étymologie du mot travail, «tripalium», un instrument de torture inventé au Moyen Âge. On peut élaborer une première partie où vous êtes l’ennemi du travail, le travail est ennuyeux, pénible, il est une torture, et ne sert qu’à gagner sa vie… Cette partie est donc hostile au travail.

La seconde est plus intelligente, éloignée des opinions courantes traditionnelles à la première partie… Il faut rappeler que dans l’histoire du travail, des siècles durant l’aristocrate s’est défini comme celui qui ne travaillait pas. À partir du 17ème siècle, on a eu contraire, l’idée que le travail est un vecteur d’émancipation de soi. On prend conscience de ses limites, de ses capacités… Cette seconde partie fait donc l’apologie du travail.

En conclusion, vous pouvez conclure en évoquant Baudelaire: travailler est plus amusant que s’amuser.»

Le langage n’est-il qu’un outil? (Bac L)


Comme il faut toujours commencer par les opinions courantes… il est judicieux de dire que le langage est avant tout un instrument de communication. Dans cette perspective là, il semble bien que l’on peut traduire tous les outils dans toutes les langues. Ce qui importe c’est le contenu de ce qui est transmis, la traduction est un signe que le langage est un outil. Je ferais donc une première partie avec Nicolas Boileau ,et l’Art poétique Rien n’est beau que le vrai: le vrai seul est aimable. Il doit régner partout, et même dans la fable… Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément». Donc je ferais une première partie sur le langage comme instrument de communication. Le langage est l’inessentiel, l’essentiel est le contenu. L’essentiel c’est le message, et pas le messager.

Je partirais de Nietzsche dans une seconde partie. Selon lui il y a deux types de langage. Le langage de la vérité, inspiré du modèle socratique, est un langage outil. Gorgias, expliquait que le «vrai sophiste parle pour ne rien dire». Qu’est-ce que cela veut dire qu’un langage qui ne dit rien? Cela veut dire que le langage peut avoir une fonction de séduction, il peut avoir une fonction poétique… par exemple le langage amoureux n’est pas un langage de vérité, mais un langage qui vise à charmer, à persuader, à convaincre,…Dans le poème l’Albatros de Baudelaire, est racontée l’histoire d’un oiseau qui essaie de décoller, qui est lourd. Mais une fois dans le ciel il est d’une élégance magnifique. Dans le sens du langage outil c’est l’histoire d’un oiseau qui n’arrive pas à décoller. Il ne reste rien du poème quand il s’agit juste de transmettre du contenu… Donc on voit bien qu’il y a une fonction du langage qui est toute autre que celle d’être un outil.

Enfin, dans une troisième partie on peut s’interroger sur le langage séducteur. Est-ce que finalement ce n’est pas un outil de séduction? Même s’il ne s’agit pas de transmettre un contenu… Quand on utilise le langage pour séduire, comme le discours amoureux (qui est plein de mensonges. On peut prendre l’exemple d’Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté qui ment tout le temps et qui est décrite par Hésiode comme une déesse des apparences), est-ce que ça ne reste pas finalement un outil? La séduction reste quand même l’objectif…

Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique?

(bac S)


Encore un coup de Cahuzac !(rires, ndlr) C’est un sujet qui porte sur ce qu’Hegel appelait la «belle-âme». Il y a un certain nombres de moralistes qui considèrent que la politique est une chose sale. Ce sera ma première partie .Pour agir moralement il ne faut pas s’engager en politique. S’engager en politique c’est s’engager dans la «real politique», donc s’engager dans le cynisme, donc dans des aventures qui sont forcément impures. Le modèle est inévitablement Gandhi ,celui qui a les mains pures parce qu’il n’a pas mis les mains dans le cambouis. C’est la distinction que fait Max Weber entre deux éthiques. L’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité. L’éthique de la conviction c’est la «belle âme,» c’est Gandhi, celui qui est dans la pureté morale, parce qu’il ne s’est pas engagé. Puis il y a l’éthique de la responsabilité, du militaire ou du politique, de celui qui s’est engagé dans des réalités qui sont impures (qu’il y a t’il de moins pur que la guerre?) Est-ce que l’éthique de la responsabilité c’est le cynisme?

Je ferais une deuxième partie sur le fait que la «real politique», ou l’éthique de la responsabilité comme le dit Max Weber, n’est pas du tout l’impureté. Cette vision des choses est absurde. L’éthique de la responsabilité consiste à maintenir les objectifs moraux, mais en tenant compte de la réalité, elle n’abandonne pas les principes éthiques. Elle essaie de les appliquer autant qu’il est possible. Est-ce qu’en 1935 (un exemple que prenait souvent Raymond Aron )on avait raison de ne pas intervenir contre Hitler, d’être pacifistes? Oui, du point de vue moral. Des intellectuels comme Alain ou Malraux étaient pacifistes car ils disaient que la guerre c’est mal. Mais si on avait plongé les mains dans le cambouis en intervenant contre Hitler… on se serait engagé contre quelque chose d’ignoble en empêchant la Seconde Guerre Mondiale. On aurait eu une attitude plus morale que celle des pacifistes.


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