jeudi 27 mars 2014

Van Gogh




Van Gogh

Bouton de lecture

On pourrait dire que c'est un pauvre type, raté atrabilaire, exalté et intransigeant, syphilitique et alcoolique, assez détraqué pour ingurgiter, quand il est interné, la pâte à couleur de ses tubes de peinture. Ce serait un diagnostic apparemment exact.

Autoportrait -Vincent van Gogh - 1889© domaine public - 2013 / Musée d'Orsay
Comme le serait un autre qui, à l'inverse, en ferait un bœuf de labour progressant jour après jour dans son sillon. C'était un halluciné regardant le soleil en face mais aussi bien un technicien les godillots plantés dans la terre !
Il n'a cesse dé faire son portrait mais c'était le portrait de qui ?
D'un homme toujours déplacé par son exigence, hors de place au milieu de ses contemporains. Un mécontemporain, Antonin Artaud, qui s'est si bien identifié à lui, disait : "Ce n'est pas pour ce monde-ci que nous avons lutté, bramé d'horreur, de faim, de misère et de dégoût. Ce n'est pas pour ces terres-ci que nous avons travaillé."
Évidemment, il n'a pas œuvré non plus pour les spéculateurs d'aujourd'hui qui conservent ses toiles dans un coffre. Dans ses autoportraits, il plante ses yeux bien droits dans les nôtres, il attend sans ciller notre regard et le fait vaciller.







Cette émission remarquable fait une large mais juste place au passage de Vincent en Hainaut belge. L'occasion d'évoquer l'exposition qui se tiendra à Mons, dans le cadre de Mons 2015, Capitale Européenne de la Culture.

Connaissez vous le dernier livre sur van Gogh ? Il s'agit d'un inédit du célèbre éditeur Robert Morel, édité chez équinoxe : Enquête sur la mort de Vincent van Gogh
Toute sa vie, Robert Morel a été passionné par la personnalité de Vincent van Gogh. Dès les années 1950, il lui consacre de nombreux travaux (Plon, le Figaro littéraire, Le Club du Livre Chrétien…) et même, en 1953, un drame radiophonique « La passion de Vincent Van Gogh Peintre et Martyr » (rediffusé en 2002 par la radio de Brême).
En 1989, il avait le projet de publier les résultats d’une enquête sur la mort de van Gogh. Durant des années, il avait recoupé, regroupé, étudié, une documentation énorme. Il avait été en relation suivie avec Vincent Wilhem van Gogh, le fils de Théo, mais aussi avec le fils du Dr Gachet et Adeline Ravoux, témoins directs des derniers jours de Vincent. Le 18 août 1954, cette dernière lui a d’ailleurs adressé, à sa demande, un long témoignage inédit. Robert Morel devait malheureusement décéder avant d’avoir pu mener cette publication à son terme.

Le temps a passé et aujourd’hui il n’y a plus une certitude mais plutôt deux hypothèses sur les circonstances du coup de feu fatal.
Avant propos de l'éditeur :
En avril 1989, Robert Morel, auteur et éditeur réputé, m’apporta le projet d’un livre consacré à la mort de Vincent van Gogh, qui selon les conclusions de ses recherches ne se serait pas suicidé.
Il travaillait à l’élaboration de cette hypothèse depuis de nombreuses années et ne se sentait plus en mesure de mener seul à son terme, cette étude. Il me proposa donc de l’éditer, ce que j’acceptais à la lecture des pages de ce manuscrit.
Malheureusement, Robert Morel devait décéder quelques mois plus tard, en 1990, avant d’avoir pu mener à bien cette édition.
Les révélations de cette enquête bouleversaient radicalement la version alors unanimement admise du suicide du peintre.
Et puis, le temps a passé…
La parution, en novembre 2011 aux États-Unis de « Van Gogh the life » par Steven Naifeh et Gregory White Smith provoqua une telle tempête médiatique que peu de personnes n’ignorent aujourd’hui la remise en cause de la version du suicide du peintre maudit.
La crédibilité de ces deux auteurs, déjà prix Pulitzer pour leur biographie de Pollock, a été renforcée par l’imprimatur que leur a accordé M. Leo Jansen fondateur et directeur du Van Gogh Museum à Amsterdam.
Une évidence s’impose désormais : Robert Morel avait raison et ce qui pouvait sembler il y a 23 ans une théorie fantaisiste apparaît aujourd’hui, comme un nouvelle réalité sur la mort de van Gogh.
Avec Odette Ducarre, sa femme, qui travaillait à ses côtés et ses enfants François, Ève et Marie, nous sommes heureux de rendre enfin publique cette enquête qui tout en décrivant les derniers jours de Vincent, magnifie sa générosité et son sens du partage qui furent la quête permanente de toute son existence.


Joann Sfar
l'émission
Un dessin, un récit pour entrer dans une oeuvre
Une séquence à retrouver sà l'antenne et sur le site

aux micros, aux manettes...

http://www.franceinter.fr/emission-vous-voyez-le-tableau-van-gogh-ecrivain-0

Van Gogh écrivain



mardi 18 mars 2014

LE " SAUVE QUI PEUT ! "




 

Sète

Rénové, l’un des bateaux de Georges Brassens a été remis à l’eau








Construite en 1954 par le charpentier de marine sétois André Aversa, cette embarcation ordinaire de 5,70 mètres servait à Georges Brassens pour aller pêcher sur l’étang de Thau.
Construite en 1954 par le charpentier de marine sétois André Aversa, cette embarcation ordinaire de 5,70 mètres servait à Georges Brassens pour aller pêcher sur l’étang de Thau.
 
Le "Sauve-qui-peut", l’un des deux bateaux mythiques de Georges Brassens, a été remis à l’eau à La Plagette à Sète, devant quelque deux cents personnes. Restauré par l’association Voile latine grâce à une subvention octroyée par la Banque populaire (45 000  €), il rejoint enfin l’eau après plusieurs tentatives infructueuses.
Construite en 1954 par le charpentier de marine sétois André Aversa, cette embarcation ordinaire de 5,70 mètres servait à Georges Brassens pour aller pêcher sur l’étang de Thau et se baigner au phare de Roquerols. L’artiste avait pensé un temps la baptiser "Putain de toi"...
 
 
 Brassens : le « Sauve qui peut » d’abord…


 


1953. La gloire de Brassens s’envole. A Sète, passant par hasard chez René Aversa, charpentier de marine, il voit un bateau qui lui plaît. Ce n’est pas tout à fait un bateau typique de la région, comme le prouve son tableau arrière, mais il a une jolie frimousse qui n’échappe pas au poète. Il demande qu’on lui fasse le même.
Voici donc Celui qui a mal tourné patron d’une embarcation qu’en pays catalan on appelle une barque ; elle n’est pas grande, 5,70 m de long, sur 2 de large et 50 cm de tirant d’eau, mais suffisante pour la ballade et la baignade. Georges l’aurait bien baptisé Putain de toi mais la légende dit que les Affaires maritimes auraient refusé. Il s’appellera donc Sauve qui peut ce qui revient au même ! Un nom qui a du sens précise son propriétaire moustachu.
Georges ne le gardera que deux ans, le succès venant il s’en fera construire un plus grand.
Sauve qui peut connaîtra alors le destin des bateaux abandonnés, oublié en des lieux improbables. Il est pourtant récupéré par l’association Voile latine qui charge le Chantier Navi-Bois de le remettre en état. Avec passion, avec patience, ce petit chantier de 8 personnes, emmenées par Guillaume Chirié, refait les bordés (en pin) et tient ses délais. L’homme de l’art ne cache pas les problèmes On a eu du souci avec un satané retour de galbord, plutôt délicat, déclare-t-il, à Escales Maritimes ; et pour conclure mais on aime tellement le bois…
Le bateau, aujourd’hui propriété de l’Espace Brassens à Sète, vient d’être remis à l’eau pour la plus grande joie des amateurs de bateaux et des inconditionnels (dont nous) du génial gorille.
• Une belle histoire, qui cache pourtant une incertitude : que faire de cette pièce de musée ? Rien n’est décidé.

M. D.
• Images – Les trois étapes d’une restauration réussie. (Photos G. Chirié)
www.sete.fr/brassens/


Le bateau de Brassens veut conquérir l’Espace


La restauration du 5,70 m avait bénéficié d’une aide de 45 000 € de la Banque Populaire.(V. D.)


Il avait été remis à l’eau en grande pompe le 7 avril, voir ici après une restauration aux petits oignons menée au chantier de La Plagette.
Mais en l’absence de son capitaine, le Sauve-qui-peut, premier bateau de Brassens, s’ennuyait ferme sur les flots.
D’autant plus regrettable qu’à quelques brasses de là, du côté de l’Espace Brassens, il faisait cruellement défaut à la “panoplie” que chacun s’attend à y trouver.
C’est en tout cas le sentiment de la directrice des lieux qui, forcément, connaît bien les inconditionnels du poète : "Brassens, c’est la moustache, la pipe, la guitare et le bateau…", explique-t-elle.
Et celui-ci, avec sa part de rêve, manquait aux visiteurs. D’autant que c’est le bateau que chacun a pu observer sur les images d’époque accompagnant La Supplique…
Qu’à cela ne tienne : le Sauve-qui-peut a été conduit jeudi 08/09/2011, vers sa - dernière ? - demeure, et posé sur ber. Traitement bien adapté pour un bateau de bois ? "Je me suis rapprochée de charpentiers de marine qui m’ont garanti qu’ainsi verni, il suffira de le traiter tous les cinq ans. Pensez bien que l’on n’aurait pas fait n’importe quoi avec le bateau de Brassens."
Ce sont en tout cas les 50 000 visiteurs annuels de l’Espace qui vont être contents : ils pourront s’adosser à la coque du bateau qui a nourri l’inspiration du poète. Et montrer la photo à leurs amis.
 

Sète - La Plagette

Le bateau de Brassens à flot

Bateau Brassens Sauve qui Peut
Restauré, le "Sauve-qui-Peut" a finalement été remis à l'eau
 
 
 
  • Bateau Brassens Sauve qui Peut
Dans le cadre de l'année Brassens, son bateau, le Sauve-qui-peut, récemment restauré, a été mis à l'eau mardi 5 avril, à Sète.
Plus de 200 amoureux du patrimoine maritime sétois étaient présentes sur le chantier de La Plagette pour une petite coquille de noix de 5,70 m ! C'est là, en effet, que l'association de sauvegarde Voile Latine a pris à « bras le cœur » la restauration du Sauve-qui-peut, un des deux mythiques esquifs de Georges Brassens.

Construit en 1954 par le charpentier de marine André Aversa, le Sauve-qui-peut est un petit bateau que le poète avait un temps imaginé appeler le Putain de toi...

Une embarcation sans charme particulier, avouons-le, dont Brassens se servait pour aller pêcher sur l'étang et se baigner au phare de Roquerols.

Après plusieurs tentatives avortées de résurrection, le Sauve-qui-peutavait entre autres joué les jardinières devant le musée Paul Valéry. Relégué au fond du hangar du chantier de La Plagette, transvasé à l'extérieur, puis posé sur des tonneaux, il aura fallu attendre 2011, l'année du 30ème anniversaire de la mort de Brassens pour que la Banque Populaire subventionne l'association Voile Latine à hauteur de 45 000 € et que l'embarcation sauve enfin sa peau de bois.

Reste à espérer que dans le sillage de l'émotion iodée qui émanait mardi de cette mise à l'eau, les élus offriront au bateau un quai plutôt qu'un rond-point...

*L'Espace Brassens bien sûr
 
Ça peut vous plaire... ou pas
 
 
 

PLEIN SOLEIL


Trois raisons de (re)voir “Plein Soleil”

Cinéma | C'est dans “Plein Soleil” que René Clément a inventé Delon. La version restaurée du film est  ressorti en salles le mercredi 10 juillet, et si on allait le (re)voir ?

    
 Alain Delon dans  Plein Soleil . © DR
Alain Delon dans Plein Soleil. © DR

Il est sorti en salles une version restaurée de Plein Soleil, de René Clément. Voici trois raisons de voir ou de revoir ce film qui a notamment donné naissance à un monstre du cinéma, Alain Delon.

Ripley au top

Patricia Highsmith n'a pas vécu assez longtemps pour voir Matt Damon incarner son héros ambigu, Tom Ripley, dans le film qu'Anthony Minghella a tiré de son roman, Le Talentueux Monsieur Ripley, en 1998. Mais elle avouait volontiers un faible prononcé pour l'adaptation réalisée en 1960 par René Clément, Full Sun, Blazing Sun ou Purple Noon en anglais, Plein Soleil pour la version originale. Pour la romancière, Alain Delon incarnait à la perfection l'élégant et troublant usurpateur de son livre et le réalisateur de Jeux interdits et de Monsieur Ripois signait la meilleur mise en scène d'une de ses œuvres, coiffant même haut la main Hitchcock et sa version de L'Inconnu du Nord-Express.
Parmi les étiquettes mal ajustées qui collèrent à la carrière de René Clément, il y a d'ailleurs celle d'« Hitchcock français », maître du thriller et de la stylisation à qui Hollywood faisait les yeux doux. Quand Martin Scorsese a orchestré la restauration et la redécouverte de Plein Soleil aux Etats-Unis en 1996, la critique s'est emballée pour la noirceur et l'ambiguïté d'une mise en scène « que n'aurait pas renié Hitchcok », relevant un goût pour la perversion qui met le spectateur au défi de ne pas s'attendrir pour le beau Delon, « placide psychopathe ».
« Un chef-d'œuvre de thriller psychologique, du genre à donner la chair de poule », écrivait le Washington Post. Les Américains s'entendaient cependant sur un point : ils regrettaient que René Clément n'ait pas eu l'aplomb de suivre Patricia Highsmith jusqu'au bout de son ambivalence morale et qu'il se soit permis d'inventer un épilogue à sa manière.



Alain Delon, dans le rôle de Mr Ripley. © DR
Alain Delon, dans le rôle de Mr Ripley. © DR

La naissance d’Alain Delon, monstre de cinéma

C'est René Clément qui a inventé Delon. L'acteur est formel sur ce point. La beauté qui irradie l'écran de Plein Soleil, les yeux clairs, la peau satinée, l'élégance désinvolte n'avaient pas d'existence reconnue avant ce film. « Les gens pensent souvent que j'ai joué dans Rocco et ses frères avant de tourner Plein Soleil. Faux ! C'est justement parce Visconti avait vu Plein Soleil qu'il m'a choisi pour le rôle de Rocco. »
Pour Delon qui n'avait que 25 ans à l'époque du tournage, René Clément, avec qui il tournera quatre films, est comme un père, un « maître absolu », celui qui lui a tout appris, avant Melville, Visconti ou Losey. « Il était à la fois le plus grand cadreur et le plus grand directeur d'acteurs que j'aie jamais connu, confia Delon à Denitza Bancheva. Je le comparais à Karajan, il dirigeait comme un vrai chef d'orchestre, avec toutes les nuances de moderato, piano, presto… Il adorait me faire bouger dans un décor. Il m'y faisait entrer et il disait : “Va où tu veux, bouge comme tu veux, sens les choses comme tu veux, mais je veux que tu occupes ton décor, que tu le remplisses…”
Dans Plein Soleil, Delon ne s'en prive pas, bougeant comme un félin sous le ciel italien, dans l'espace confiné et chancelant du bateau où se joue la tragédie. René Clément l'a inventé, mais l'acteur n'y est pas pour rien. Non sans fierté, Delon raconte qu'il n'avait pas été convoqué pour le premier rôle, mais qu'il l'a demandé lui-même face à « Monsieur » Clément, hérissant le poil des producteurs. « Il y a eu un silence, raconte Delon. Et dans ce silence, on a entendu Bella, la compagne du cinéaste, dire depuis l'autre bout du salon : “Rrrené chéri, le pétit a rraison !” C'était gagné. J'allais jouer Ripley. Jamais de ma vie, je n'oublierai cela. »

Maurice Ronet et Marie Laforêt dans Plein Soleil de Re
Maurice Ronet et Marie Laforêt dans Plein Soleil de René Clément, 1960. © DR

Un classique moderne

En 1960, René Clément divise sérieusement. Après La Bataille du rail, primé lors du premier Festival de Cannes et Jeux interdits, récompensé d'un Oscar, il a acquis une réputation de novateur, de « Rossellini français » qui n'empêche pas la génération de la nouvelle vague de le rejetter du côté des classiques et du cinéma poussiéreux qu'il faudrait déserter. Les audaces de Monsieur Ripois, tourné à la sauvette (en 1953) dans les rues de Londres, sont oubliées.
« René Clément doit être fatigué de lire à son sujet toujours la même antienne, écrit Gilles Jacob. Technicien, pas d'âme, trop parfait… » Le cinéaste fait mine de s'en moquer : « La véritable avant-garde s'ignore, dit-il, ça n'est jamais celle des manifestes. »Pour lui, un cinéaste se doit d’être un « explorateur », et il ne voit pas d’antinomie entre lui et ses jeunes confrères de la nouvelle vague. Sur Plein Soleil, il fait appel au scénariste de Chabrol, Paul Guegauff, et à son chef opérateur, Henri Decaë qui est aussi celui des Quatre Cents Coups. Celui-ci est impressionné par la rigueur et la témérité du cinéaste qui embarque tout son monde pour des scènes en pleine mer où il fait la part belle à l’improvisation.
Ce n’est rien de le dire pour la séquence qui suit l’assassinat de Philippe. La mer se déchaîne ? Clément décide d’en profiter : à toute vitesse, il descend du voilier, saute sur une chaloupe avec son chef opérateur Henri Decaë et laisse Alain Delon se débrouiller seul à la barre ! Il le filme de loin, luttant pour de vrai, et avec rage, contre les éléments. Voilà comment on boucle en quelques minutes une scène qui devait nécessiter une semaine de tournage, et que l’on en fait un sommet de tension !

Sortie en DVD et Blu-ray Studio Canal.
Sur le même thème
Personnalités
 
Le Talentueux Mr Ripley
Affiche Le Talentueux Mr Ripley

Notes et critiques

Synopsis

 
Tom Ripley n'a jamais eu la belle vie. Ce n'est pas le cas de Dickie Greenleaf et de sa compagne Marge qui vivent de façon insouciante sur la Riviera italienne. Quand le père de Dickie demande à Tom de lui ramener au bercail son fils dépensier et frivole, le jeune homme y voit une possibilité d'entrer dans un monde qui l'a toujours fait rêver.

Bandes-annonces et photos de Le Talentueux Mr Ripley



Mis à jour le 30/07/13 16:47

Beaux ... mais dangereux, ces acteurs sexy qui ont joué les méchants Matt Damon : Tom Ripley dans "Le Talentueux M. Ripley"



matt damon dans 'le talentueux m. ripley'
Matt Damon dans "Le Talentueux M. Ripley" © Bac Films
Beau... :
Matt Damon, c'est le gendre idéal. Celui qui porte le sac des jeunes filles au retour des courses (photo), se révèle fidèle à ses amis (Will Hunting) et à sa patrie (Il faut sauver le soldat Ryan).

...mais dangereux : Tom Ripley dans Le Talentueux M. Ripley.
Derrière son petit air innocent se cache pourtant un jeune homme qui ira jusqu'au meurtre pour continuer à mener la dolce vita dans ce remake de Plein Soleil. Et l'acteur ne démérite pas dans cette reprise du rôle tenu dans la version originale par Alain Delon.

Le talentueux Mr Ripley

Un film d'Anthony Minghella


Le jeu du chat et de la souris

Previous imageNext image

Avec ce thriller chic extrêmement bien ficelé, Anthony Minghella a prouvé qu’il maîtrisait les règles du jeu du genre. Il manipule les clichés, tord et re-tord son intrigue et brouille les pistes : qui est le chat, qui est la souris ? La police, Dickie Greenleaf, Tom Ripley ou son amant ? La réponse n’est pas si évidente. Tout le monde perd au jeu : la vie parfois, l’âme surtout. Ripley compris.

Au départ, un roman, « The Talented Mr Ripley » dont le film reprend le titre original. A l’exception du générique qui fait défiler les adjectifs en foule avant de se fixer sur « Talented ». En forme de charade, ce titre ludique à rallonge donne approximativement :
« The Mysterious Yearning Secretive Sad Lonely Troubled Confused Loving Musical Gifted Intelligent Beautiful Tender Sensitive Haunted Passionate Talented Mr. Ripley ». (En traduction : Le mystérieux ardent secret triste solitaire dérangé perdu amoureux musicien doué intelligent beau tendre sensible hanté passionné talentueux Mr Ripley). Et en effet, Minghella tient cette (longue) promesse dans le film, ajoutant une certaine humanité, parfois même une conscience, au Ripley original, le Machiavel froid du roman.

La naissance de Ripley


Écrit en 1955 par Patricia Highsmith, l’intrigue joue en virtuose sur les accords majeurs les plus sombres de la psyché humaine : la cruauté, l’intelligence, le détachement, la sexualité (ici l’homosexualité, encore taboue à l’époque), l’envie, les rapports de soumission et de domination entre les classes sociales… Cette histoire de manipulation tordue ressemble d’ailleurs beaucoup à son premier roman, adapté à l’écran en 1951 par Alfred Hitchcock, « L’Inconnu du Nord Express ». Le talentueux Ripley du titre, personnage fascinant, fait du livre un best-seller et donne à Patricia Highsmith un point départ pour une collection de cinq aventures de Ripley surnommée la « Ripliade » par ses plus fervents lecteurs ! Qui est ce Ripley ?

À la fin des années 50 à New York, Tom Ripley, un jeune homme brillant mais sous-employé, est envoyé en Europe à la suite d’un hasard providentiel pour y récupérer un jeune playboy millionnaire, Dickie Greenleaf. Dickie embarque Ripley dans le tourbillon de sa vie en Italie. Mais les choses ne tournent pas comme prévu et Ripley, grâce à son don pour la contrefaçon et l’imitation rentre de plus en plus loin dans un jeu de rôle pervers qui le sauve et le damne à la fois.

« Plein Soleil » en 1999 ?


Dans la version de René Clément du roman, « Plein soleil » en 1960, Alain Delon dans toute la splendeur de sa jeunesse jouait un Ripley calculateur et génial, à la beauté du diable, un être supérieur et vil qui, comme le Lafcadio de Gide dans les « Caves du Vatican », gagne une partie serrée et immorale sur la société.
Ripley version 1999 c’est Matt Damon à peine sorti du « Good Will Hunting » de Gus Van Sant qui l’a révélé. Avant de l’engager Minghella avait d’ailleurs envisagé Tom Cruise ! Parfait dans le film, Damon a depuis prouvé son grand talent, spécialement en 2006 avec « The Good Sheperd » de Robert de Niro ou « The Departed » de Martin Scorsese. On peut imaginer que ce n’est pas un hasard si Minghella choisit Damon pour succéder à un Delon à la beauté cosmique, il joue sur le contraste entre le physique assez porcin, un jeune Américain type mal dégrossi et celle plus racée (dans tous les sens du terme) de Jude Law, qui incarne Dickie. Le physique de Ripley si doué dans l’imitation change au fil de l’intrigue : il devient plus sombre dans le crime mais aussi de plus en plus fin, distingué, paradoxalement « civilisé ». Le désir et les jeux de séduction, qu’ils soient tabous (ou non), homosexuels ou pas, nouent et dénouent l’intrigue, toujours avec cruauté.

Dickie Greenleaf : "Tout le monde devrait avoir un talent, quel est le vôtre ? "
Tom Ripley : "Mentir, imiter les signatures et imiter à la perfection à peu près n’importe qui."

Une Dolce Vita glacée


Tous les ingrédients sont réunis pour émerveiller les yeux et glacer le coeur. Ripley et Greenleaf évoluent dans une Dolce Vita proche du fantasme ultime : la nonchalance d’une jeunesse argentée au coeur des Fifties à Rome, Venise, en Toscane ou sur les îles proches de Naples, sous le soleil de Capri, la volcanique Ischia ou Procida. L’été flamboyant fournit un excellent contrepoint à la froideur de Ripley sur un air de jazz. Damon imite d’ailleurs à la perfection la voix de Chet Baker sur My Funny Valentine ! Gwyneth Paltrow et Jude Law forment un couple « de luxe », jouent à merveille deux clichés de la haute société : l’enfant gâté (pourri) un peu vain, un peu creux, une tête à claques qui utilise son charme vénéneux « pour jouer » sur tous ceux qui passent à sa portée et une débutante blonde naïve aux manières exquises prête à perdre son innocence de façon brutale. En bonus dans les rôles secondaires, deux acteurs fantastiques : Philipp Seymour Hoffman en héritier sorti de Princeton, boursouflé de suffisance, cruel à souhait et Cate Blanchett en fausse ingénue richissime trop romantique pour ne pas se faire arnaquer.

Le désir et la mort


Dix ans après la sortie de ce film, il est temps de rendre hommage à Anthony Minghella, mort prématurément en mars 2008. Ses meilleurs films sont d’ailleurs toujours ceux dont il a écrit le script : par exemple, « Truly Deeply, Madly » une douce comédie fantastique sur la mort qui défait un couple, ou le lyrique « Cold Mountain » qui a seulement souffert d’un mauvais casting. Avec ce « Talentueux Monsieur Ripley », il a réalisé un polar élégant jusqu’au bout des griffes, appliquant avec beaucoup d’intelligence les préceptes du maître, Alfred Hitchcock, puisqu’il filme les étreintes amoureuses comme des crimes et les crimes comme des étreintes amoureuses. Sa très belle scène finale, où Ripley enlace son amant, joue sur le son en surimpression et provoque un sentiment de malaise et de fascination diffus. Il montre l’espace d’un instant toute la complexité de son Ripley, amoureux, rationnel, cynique et désespéré.