70 716 oiseaux. Depuis 1978, David Willard, ornithologue au Field Museum de Chicago, a récupéré 70 716 spécimens d’oiseaux morts, qu’il a stockés au musée. À Chicago, ville aux nombreux buildings, les oiseaux sont en effet souvent pris au piège. Attirés par la lumière, ils foncent dans les grandes vitres, se cognent et meurent.
David Willard a pris l’habitude de se rendre chaque matin au pied de différents buildings pour récupérer les cadavres des oiseaux. En quarante ans, il a collecté 52 espèces différentes d’oiseaux migrateurs nord-américains.
Les oiseaux rapetissent
Avec d’autres chercheurs, l’ornithologue a mesuré ces oiseaux et observé des différences significatives au fil du temps, entre les spécimens les plus anciens et les plus récents. Il a publié les résultats de cette étude fin octobre, dans la revue scientifique américaine Ecology Letters. Son constat ? Plus les années passent, plus les oiseaux rétrécissent.
La taille des oiseaux est calculée par rapport à la longueur de l’os du bas de la patte. Entre 1978 et 2016, la taille des oiseaux a ainsi diminué de 2,4 %. Ce changement est observable chez la quasi-totalité des 52 espèces ramassées, notent les scientifiques.
Autre donnée qui a surpris les ornithologues : la longueur des ailes des oiseaux. Plus les années passent, plus les ailes s’allongent. En quarante ans, leur taille a ainsi augmenté de 1,3 %.
Selon les scientifiques, il s’agirait d’une adaptation des oiseaux au réchauffement climatique. « La migration est un déplacement très fatiguant pour l’oiseau », souligne Brian Weeks, l’un des auteurs de l’étude.
Si son corps est plus petit, l’oiseau a besoin de moins d’énergie pour se déplacer. Un phénomène accentué grâce à l’augmentation l’envergure de ses ailes, qui compense aussi la taille réduite du corps
Les ornithologues ne savent pas exactement ni comment ni pourquoi une hausse des températures moyennes fait peu à peu à peu rétrécir les oiseaux. Mais des volatiles de plus petite taille se refroidissent mieux, car ils perdent plus rapidement leur chaleur corporelle, en raison du rapport plus élevé entre leur surface et leur volume. En clair, un oiseau plus gros produira plus de chaleur, mais aura plus de mal à la dissiper de son corps.
D’autres études en Europe
Jérémy Dupuy, responsable de projet enquêtes à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) en France souligne l’importance de cette étude américaine : « Elle est très intéressante déjà car elle est sur le long terme, quarante ans. C’est positif, car ça montre que les oiseaux sont capables de s’adapter. On voit même qu’ils s’adaptent très vite, car quarante années, c’est long pour une étude, mais court pour une espèce. »
« Selon l’étude, poursuit-il, lorsqu’une année est plus fraîche, les oiseaux ont tendance à moins rapetisser, c’est le signe d’une adaptation vraiment rapide… »
En Europe aussi, le changement climatique a un impact sur les oiseaux. La LPO a réalisé plusieurs enquêtes sur le sujet en France. L’une d’elles s’est intéressée à leurs migrations. « On a mené nos recherches sur des sites qui recueillent les données des passages des oiseaux migrateurs, précise Jérémy Dupuy. Les résultats sont significatifs. »
Selon l’Observatoire national de la biodiversité, la date d’arrivée des oiseaux migrateurs en France a avancé de six jours en moyenne. « Cela varie selon les espèces, mais le milan noir par exemple, arrive sept jours plus tôt, et repart onze jours plus tard en moyenne. Sur quinze espèces, quatorze ont des données négatives, soit une date d’arrivée plus précoce. »
Il semble que ces oiseaux adaptent leur migration au changement climatique. Aucune étude n’a été réalisée en France sur la taille des oiseaux. « Mais je ne vois pas pourquoi les données sur les oiseaux migrateurs ici seraient très différentes de celles observées en Amérique du Nord, souligne Jérémy Dupuy. Certaines espèces sont similaires, donc les résultats devraient être presque identiques. »