Covid-19: l’outre-mer en plein paradoxe épidémique
À première vue, les départements et territoires d’outre-mer échappent au reconfinement, à l’exception notable de la Martinique. Néanmoins, la situation sanitaire est fragile. Surtout, les îles et la Guyane risquent de se refermer pour une durée indéterminée.
Depuis l’île de La Réunion, de la Martinique ou bien vu de Tahiti, le « retour de l’attestation » que décrivait le président de la République à la télévision signifie avant tout le retour des « motifs impérieux » pour prendre l’avion. La fermeture ou l’ouverture des aéroports, le maintien des liaisons aériennes et des flux de passagers sont des enjeux cruciaux, vitaux même, pour les départements et collectivités d’outre-mer.
« La volonté du gouvernement n’est pas de fermer les îles, veut rassurer une source en responsabilité au sein du gouvernement français, contactée au téléphone par Mediapart. La volonté du gouvernement, c’est de maintenir la continuité territoriale. Si on avait voulu mettre sous cloche, le reconfinement aurait été décidé partout. Bien au contraire, il faut prendre en compte le secteur économique et, pour cela, le lien entre l’outre-mer et l’Hexagone doit être maintenu. »
Les liaisons aériennes sont maintenues pour l’instant, donc, contrairement à ce qui a eu cours lors du premier confinement, en mars. À l’époque, seuls des vols de rapatriement, accessibles en s’inscrivant sur certaines listes, aux places vendues sans algorithme, avaient encore cours.
Cette information et la volonté farouche du gouvernement de maintenir les liaisons aériennes sont toutefois à prendre avec beaucoup de précautions, à relativiser, tout en gardant en tête que la situation est très évolutive. Sur place, dans chaque collectivité d’outre-mer, les représentants de l’État, préfets et hauts-commissaires dans une moindre mesure, ont la possibilité réglementaire d’imposer des « motifs impérieux » aux voyageurs qui veulent embarquer.
La restriction devient alors la règle et le déplacement en outre-mer, l’exception. Ces « motifs impérieux » comportent les mêmes justifications et justificatifs que ceux inscrits sur les attestations dérogatoires que tous les Français utilisent pour sortir de chez eux en période de confinement. « Obligation familiale, nécessité professionnelle, urgence sanitaire : on ne peut pas autoriser les gens à traverser l’Eure, par exemple, pour ces raisons et en même temps les empêcher d’aller sur leur île », résume la source gouvernementale.
À La Réunion, le préfet s’est déjà emparé de cette possibilité prévue dans la loi de l’état d’urgence sanitaire afin d’imposer ces obligations légales à ceux qui veulent monter dans un avion en direction de Saint-Denis, depuis Paris. Des restrictions pourraient également être imposées prochainement aux voyageurs en provenance de Mayotte, même si rien n’est encore acté.
En Guadeloupe, le préfet a également imposé des « motifs impérieux » aux voyageurs en provenance de Martinique, où le virus circule de façon plus rapide que dans le reste de l’outre-mer. La Martinique est le seul territoire d’outre-mer à se voir imposer un confinement semblable à ce qui a cours en France. La raison n’en est pas encore la saturation du système hospitalier mais une augmentation sensible du nombre de cas d’infection au Covid-19 et un risque de surmortalité accru par une épidémie de dengue très virulente. La dengue est une maladie infectieuse mortelle, transmise par un moustique. Pour l’instant, la Martinique est toujours ouverte et Air Caraïbes assure des vols réguliers au départ et en direction de Fort-de-France.
« Le gouvernement a tiré les leçons du premier confinement, de ce qui s’est passé pendant la première vague, et tout le monde est attentif à la temporalité différente de ce qui se passe dans chaque outre-mer, se félicite Maud Petit, députée (MoDem) du Val-de-Marne, Martiniquaise, très impliquée dans les questions relatives à ces territoires. Le fait que les îles se referment est logique mais désormais toutes les décisions sont prises en fonction de la situation sanitaire de chaque île. Il faudra voir si les étudiants ultramarins en métropole pourront rentrer chez eux à Noël. Si jamais il y a une prolongation du confinement, ce sera une très grave interrogation. Pour l’instant, personne n’a la réponse. »
La situation épidémiologique dans les collectivités d’outre-mer est à la fois variée et peu claire. Le virus circule activement en Polynésie française mais c’est surtout le manque total d’infrastructures sanitaires dans les îles lointaines qui inquiète, davantage encore que la maladie elle-même ou une contagion massive. Au total, sur les trois océans et au sein d’une population estimée à environ 2,7 millions de personnes, le Covid-19 a fait 321 victimes.
Les dégâts sur l’économie et le tissu social dans des collectivités structurellement en difficulté sont, eux, incommensurables. « Notre principale ressource est le tourisme et il n’y a pas ici d’amortisseur social comme en métropole, confie un interlocuteur du gouvernement de Polynésie française. Ce secteur économique était à genoux après la première vague en France. Il fallait à tout prix ouvrir les frontières et il y a eu de nouveaux cas mais cette décision était courageuse ! La moitié de la population a moins de 25 ans, nous n’avons pas le droit de tout détruire, il leur faut un avenir. »
La Polynésie française n’a pas prévu pour l’instant de fermer à nouveau ses frontières. Comme dans les autres collectivités d’outre-mer qui ont fait ce choix, comme à La Réunion aussi, de nouvelles mesures de précaution pourraient être imposées aux voyageurs. Tests supplémentaires, courte période d’isolement… : de nombreux dispositifs sont à l’étude et seront dévoilés dans les prochains jours, territoire par territoire.
Mercredi 4 novembre prochain aura lieu un moment très attendu par toute la classe politique ultramarine, tous océans confondus : l’Assemblée nationale votera les crédits de la mission outre-mer, au sein du projet de loi de finances (PLF) 2021. Parmi ces crédits, il y a le « plan de relance Outre-mer », promis par le gouvernement français : 1,5 milliard d’euros en direction de territoires littéralement asphyxiés par les conséquences économiques et sociologiques de la crise sanitaire. Des conséquences dont il est à craindre qu’elles feront beaucoup plus de victimes que le Covid-19 lui-même.
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