Bicentenaire de Napoléon: 11 juin 1793, le rêve corse
Refusant de suivre l'indépendantiste Paoli prêt à s'allier aux Anglais pour faire sécession, Napoléon est contraint de fuir la Corse avec sa famille.
Bicentenaire de Napoléon: 11 juin 1793, le rêve corse
WEBSÉRIE 1/12 - Le Figaro Hors-Série consacre un numéro exceptionnel à Napoléon Bonaparte. Refusant de suivre l'indépendantiste Paoli prêt à s'allier aux Anglais pour faire sécession, Napoléon est contraint de fuir la Corse avec sa famille.
Comment devient-on Napoléon ? Le deuxième fils de Charles Marie Bonaparte et de Letizia Ramolino, est né le 15 août 1769, à Ajaccio, dans une Corse tout récemment passée de la domination génoise à celle de la France, à la suite du traité de Versailles du 15 mai 1768. Chateaubriand soulignera avec délices qu'à quelques mois près, le futur empereur ne serait pas né français. Lui, fera en 1806 de son anniversaire (c'était aussi celui du concordat de 1801) une fête carillonnée, la Saint-Napoléon (improbable martyr du début du IVe siècle dont le nom était peu utilisé, même en Corse), qui viendra se superposer à la fête de l'Assomption : on y chantera un Te Deum après la traditionnelle procession à la Sainte Vierge pour remercier le ciel de la paix religieuse retrouvée.
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Pasquale Paoli avait défendu en vain l'indépendance de l'île ; il avait été vaincu à Ponte-Novu, en mai 1769, et s'était exilé. Charles Bonaparte, qui avait combattu à ses côtés, avait alors rallié les Français, qui avaient brisé toute résistance.
Le nouveau gouverneur, le comte de Marbeuf, est pourtant soucieux de gagner les élites corses à la France. Sensible au charme de Mme Letizia, il fait galamment reconnaître la noblesse, d'origine florentine, des Bonaparte par M. d'Hozier, ouvrant ainsi à Napoléon les écoles d'officiers du continent.
Napoléon quitte la Corse le 15 décembre 1778. Il sera successivement élève au collège d'Autun, puis à celui de Brienne et enfin à l'École militaire de Paris. Au sortir de celle-ci, le 28 octobre 1785, il est nommé lieutenant au régiment de La Fère, à Valence.
Se sent-il pour autant français, comme l'espérait M. de Marbeuf ? Nullement. À Valence, l'ennui d'une ville de garnison et la nostalgie de la Corse, qu'il n'a pas revue depuis 1778, le saisissent. Il écrit, pour lui-même, le 3 mai 1786 : « Quel spectacle verrai-je dans mon pays ? Mes compatriotes chargés de chaînes et qui baisent en tremblant la main qui les opprime ! » On ne peut être plus hostile à la France, alors qu'on est officier du roi Louis XVI. Son grand homme est alors ce Paoli qu'a abandonné son père et qui symbolise le patriotisme corse.
Après sept ans d'absence, Napoléon retrouve cependant son île natale à la faveur d'un congé semestriel, le 15 septembre 1786. Son père mort, c'est lui qui doit s'occuper des affaires de famille. La Corse l'envoûte ; il rêve d'en écrire l'histoire et ne la quitte à regret que le 12 septembre 1787.
Il est de retour à Ajaccio dès le 1er janvier 1788. Il y reste jusqu'en mai, négligeant sa carrière militaire et indifférent au bouillonnement des esprits qui agite la France. Il écrit une lettre à Paoli, qu'il admire toujours : «Je naquis quand la patrie périssait.»
Le revoici à nouveau en Corse, fin septembre 1789. L'île est en effervescence. Elle devient un département français et Paoli est autorisé à revenir. Aussitôt, Napoléon se range à ses côtés.
Lors d'un nouveau séjour en Corse, en septembre 1791, Napoléon décide de devenir le lieutenant de Paoli. Il achète des biens nationaux et se fait élire lieutenant-colonel en second du 2e bataillon de volontaires corses.
Peu importe que la guerre éclate sur le continent et que la monarchie soit renversée : son avenir est en Corse. Là et nulle part ailleurs. Il le sent, il le sait.
Ses relations avec Paoli, toutefois, ne sont pas simples : celui-ci n'a pas oublié la trahison de Charles Bonaparte et voit en son fils un officier français dont le zèle finit par l'agacer.
Or, sur le continent, les événements se précipitent. Une partie de la France se soulève contre la Convention. En mars 1793, la Vendée s'insurge, puis c'est le tour de Bordeaux, Marseille, Caen et Toulouse après la chute de la Gironde, le 2 juin. Paoli, qui rêve d'une Corse indépendante, se rapproche des Anglais bien installés en Méditerranée. Napoléon s'y oppose. Son admiration pour Paoli, qu'il découvre vieilli et aux mains de la faction pro-anglaise dirigée par Pozzo di Borgo, soudain, s'effondre.
Quand Paoli est mis hors la loi par la Convention le 2 avril 1793, Bonaparte rejoint les conventionnels envoyés en mission pour rétablir l'ordre. Une opération contre Ajaccio, aux mains des partisans de Paoli, échoue le 31 mai.
Il ne reste à Napoléon, réfugié à Calvi, qu'à fuir avec sa famille en bateau le 11 juin. «Tout avait plié ; ma présence n'était bonne à rien, je quittai la Corse.»
Il n'y fera plus, à son retour d'Égypte, qu'un bref passage. C'est sur le continent que s'écrira son histoire...