mardi 13 août 2013

LA CLARTé

 





48° 49′ 06″ Nord
3° 28′ 24″ Ouest


Notre-Dame-de-la-Clarté (en breton : Itron Varia ar Sklaerder) est le nom donné à une chapelle dédiée à la Vierge Marie, située dans le bourg de La Clarté sur la commune de Perros-Guirec en Côtes-d'Armor (Bretagne)
 

La légende/la chapelle


Une légende costarmoricaine du XVe siècle, dont personne ne soutiendrait aujourd'hui l'absolue véracité, raconte qu'un certain seigneur de Barac'h, en Louannec, faillit s'échouer avec son escadre près des Sept-Îles. La brume était si épaisse que la mort des marins semblait inéluctable. Tous, à genoux, firent un vœu à Notre-Dame : le commandant lui élèverait une chapelle si elle opérait une trouée salvatrice dans le brouillard. Le miracle eut lieu et le seigneur de Barac'h fit édifier la Chapelle de Notre-Dame de la Clarté.

Beaucoup plus tard, en août 1944, les troupes américaines avaient projeté de bombarder Mez Gouez, un camp retranché à 200 mètres de la chapelle. En représailles, les 600 Allemands pointant leurs canons sur Perros menaçaient de bombarder la ville. Les 7, 8 et 9 août, la brume couvrit Perros-Guirec empêchant les destructions. Le 10 août, les Allemands se rendaient sans opposer de résistance.

La question du fondateur


La tradition locale a toujours maintenu que la construction de la chapelle fut ordonnée en 1445 par Pierre de Tournemine, sieur de Barac'h, d'origine anglaise. Les Tournemine de Barac'h étaient-ils de la famille de l'évêque de Tréguier, Geoffroy de Tournemine, qui nomma saint Yves recteur de Louannec en 1293 ?




La voûte restaurée et la tribune ornée des deux bannières de N.-D. de la Clarté.

Toujours est-il qu'un des leurs, Édouard, vicomte de Pléhérel, eut dans sa descendance des barons de La Hunaudaye qui s'allièrent aux Chateaubriand et aux du Guesclin. Sa dernière héritière, Geneviève de Coskaër épousera Louis Le Peletier, président à mortier du Parlement de Paris.

Cependant, en 1627, deux témoins chargés de constater les droits de la famille Coskaër sur la chapelle, Jean Loz de Coatgourhant et Dom Yvon Pezron affirment que les armoiries du fondateur figurent en la maistraisse viltre de la chapelle ainsi que son écusson en bosse au hault du pignon du Levant. Or, armoiries et écusson sont ceux de Roland IV de Coëtmen, parti en croisade en 1458.

On peut donc affirmer, avec les archives départementales des Côtes d'Armor, que Roland IV, fondateur de la collégiale de Tonquédec et seigneur de Ker Uzec en Pleumeur-Bodou fut aussi le fondateur de la chapelle de la Clarté. A sa mort survenue à Rhodes vers 1470, son bien passa aux Coskaër de Rosanbo, dont une des descendantes fut Aline, comtesse de Combourg, la belle-sœur de François-René de Chateaubriand[1].

L'extérieur


Notre-Dame-de-la-Clarté appartient au style flamboyant breton. On remarque d'emblée certaines irrégularités qui contribuent à son originalité sans nuire à l'harmonie : un seul transept méridional ; une tour carrée surmontée d'un clocher ajouré en granit rose qui semble ne pas faire corps avec l'ensemble architectural. L'église est entourée d'un enclos comportant, en son centre, un socle de granit du XVIIe siècle orné d'un tronc en bois ferré pour les offrandes. Plus loin, une croix érigée par Mre Guillaume Salaün qui la fit ériger en 1630[2].

Le linteau du porche est remarquable. On ne peut trouver plus chargé de symbole que cette Annonciation faisant face à une Pietà, comme un rappel de la prédiction du vieillard Syméon : « Toi-même, une épée te transpercera l'âme ! »[3] On peut voir aussi, autour d'une fenêtre à meneaux, l'inscription « Le Carro », des armoiries devenues illisibles et, plus haut, une Vierge-Mère.

L'intérieur


Le porche


Dallé de plaques de schiste de Brélévenez, voûté de deux travées d'ogives, flanqué, selon la tradition, de deux bancs de délibération en pierre, le porche vaut, avant tout, par sa statuaire du XVIIe siècle en bois polychrome :

 

Le Christ en croix, statue de saint Yves et l'une des stations du chemin de croix



Sur les vantaux de la porte de chêne (classés Monuments historiques en 1994) :


La nef et le bas-côté septentrional


Les anciennes descriptions font état d'un jubé du XVe siècle, détruit comme la plupart des jubés bretons au XVIIe siècle, sous le prétexte qu'ils empêchaient les fidèles de voir l'officiant. De la même façon, la chaire a aujourd'hui disparu. Elle faisait face au Christ en Croix du XVe siècle.

À l'entrée, un bénitier du XVe siècle classé aux Monuments historiques, le 30 mars 1904, est orné de têtes de Turcs ou de Maures, faisant mémoire de la Prise de Constantinople en 1453. En bas, au centre, une tête de lion rappelle la miséricorde. À droite, un lapin, signe de la fertilité. Au sol, sous le bénitier, une pierre sculptée représentant une croix, un calice et un ciboire marque l'emplacement de la tombe du chanoine Gouronnec, curé de Perros-Guirec enterré sous le porche en 1939, initiateur de restaurations importantes.

Le grave incendie du 7 janvier 1995 a causé de multiples dégâts et exigé des réfections importantes, dont la voûte qui s'effondre le 26 mai 2000. Restaurée en 2006, elle est de bois, en forme de carène renversée. À dominante jaune, rehaussée de motifs récurrents, elle est éclairée par des luminaires contemporains discrets, ce qui présente l'avantage de clarifier l'ensemble.

Parmi les nombreux ex-votos, on peut remarquer, outre les plaques traditionnelles de marbre, de granit rose ou gris, des maquettes de bateaux, témoignages de dangers surmontés par leur capitaine et leurs marins : un brick d'un certain L'Hériment, inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1994, un paquebot inscrit en 1983, un wandera[4], un yacht à vapeur, un thonier et un trois-mâts barque.

Le transept droit


On l'appelle aussi chapelle Saint-Joseph ou chapelle Saint-Samson.

Le fondateur en est Yvon de Lannion, lieutenant général de l'amirauté du duc de Bretagne. Briand II fut un compagnon fidèle de Bertrand du Guesclin. Après que les Anglais eurent ravagé le Léon et le Trégor, en 1375, Charles V dédommagea la famille en l'anoblissant. En 1445, date de l'édification de la chapelle, Yvon est chevalier, sieur de Cruguil par un mariage qu'a contracté Briand avec Marguerite de Cruguil. Au moment de la réfection de la voûte au XXe siècle, on a découvert un papier caché selon lequel les travaux auraient été exécutés grâce à la gabelle.

Le mobilier


  • La statuaire, malgré sa variété, est remarquable et ne brise pas l'harmonie de l'ensemble. On remarque notamment, dans la partie principale, un Saint-Fiacre reconnaissable à sa bêche ;

Mgr Georges Gilson, Archevêque émérite de Sens-Auxerre, Prélat émérite de la mission de France, pardonneur à La Clarté en 2009.

une Sainte-Anne en bois peint, du XXe siècle, oeuvre d'un couple d'artistes du Finistère et un Saint-Yves entre le riche et le pauvre, représentation assez conventionnelle du mondialement célèbre Yves Hélory de Kermartin. Dans le transept droit, on remarque un Saint-Samson revêtu de ses ornements épiscopaux de l'abbaye de Dol de Bretagne, un Saint-Nicolas, patron des matelots, un Saint-Julien-l'Hospitalier qui n'exista probablement jamais, mais auquel Gustave Flaubert s'intéressa tout particulièrement dans ses Trois Contes[5], un Saint-Hervé, le Finistérien de Plouzévédé, protecteur de la volaille contre les renards, et des fidèles contre le démon et enfin un Saint-Tugdual, pape du VIe siècle, vénéré à Tréguier et à Laval.

  • Le retable du XVIIe siècle, dont la construction a commencé le 4 juillet 1767,est ainsi décrit sur l'acte de commande : « (un autel retable et un tabernacle surmonté d')une niche en bois non vicié afin d'y placer l'image de la sainte Vierge de Notre-Dame de la Clarté au milieu de l'autel, avec, sur le côté droit de la dite niche une pareille figure que celle du côté gauche ». La statue de la Vierge, du XVIe siècle a été classée en 1999.


Le Chemin de croix


Œuvre du célèbre Maurice Denis (1870-1943), les quatorze tableaux du Chemin de Croix ont été réalisés par le « Nabi aux belles icônes », dans sa propriété de « Silencio » achetée en 1891 à Trestrignel[6]. C'est après la fondation des Ateliers d'art sacré, en 1919, que devenu le théoricien du groupe, Maurice Denis travaille sur son Chemin de Croix.

Yvonne Jouan rapporte ainsi le commentaire d'un spécialiste qu'elle omet d'identifier :

Les quatorze tableaux se développent presque unanimement dans des tonalités claires, sinon pastel. On y retrouve l'essentiel de ses conceptions, décorateur et peintre chrétien, dans un curieux mélange de notations historicistes (les costumes des légionnaires romains) et d'orientalisme (les remparts et les ruelles de Jérusalem)[7]

Protection et sauvegarde


Notre-Dame-de-la-Clarté (et le mur entourant le cimetière attenant) fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 30 mars 1904[8]. Cette protection est modifiée par décret du 28 mai 1915.

Le Pardon


Historique


Le pardon de Notre-Dame de la Clarté en Perros-Guirec correspond chronologiquement à deux réalités concomitantes du XVe siècle : la construction de la chapelle et l'instauration, comme dans toute la Bretagne, d'une cérémonie religieuse appelée communément « pardon » en français. En effet, à partir du XVe siècle, la noblesse bretonne construit des églises. Les pèlerins se réunissent alors en foule pour obtenir le pardon de leurs péchés.

Donc, dès l'origine, il s'agit bien, à Perros comme ailleurs, d'un culte pénitentiel et non d'une simple fête mariale. Cependant, suite aux événements d'août 1944, imputés à l'intercession miraculeuse de la Reine de la Paix, Notre-Dame de la Clarté fut couronnée, et le Pardon prit une autre dimension.

Le Tantad


Traditionnellement, le pardon commence le 14 août vers 21 heures, dans la chapelle, par une veillée de prière où se mêlent cantiques, lectures, sermon, et parfois scènes mimées. Depuis quelques années, l'ensemble des cérémonies est axée sur un thème, le plus souvent moral et religieux. C'est souvent l'occasion pour les fidèles de prendre contact avec le principal officiant, appelé « pardonneur », soit l'évêque du lieu, soit un évêque invité.

À l'issue de la cérémonie, la foule se rend en procession, avec croix, statues et bannières, sur le tertre où après la lecture d'un passage de l'évangile, commenté au cours d'un prêche, le « pardonneur » se rend au milieu du plateau, pour mettre le feu à un amas d'ajoncs disposés en cône. C'est le « tantad », l'équivalent du feu de la Saint-Jean très apprécié de la foule par les belles nuits d'été. Puis quelques fidèles regagnent la chapelle en procession après le chant du Salve Regina pour assister à la messe de vigiles.

La grand-messe et la procession


La messe épiscopale du 15 août est le moment le plus solennel du pardon de Notre-Dame de la Clarté. Tous les prêtres de la région sont conviés à la concélébrer autour de l'évêque « pardonneur ». La cérémonie commence par une procession de la chapelle au podium dressé sur le tertre qui domine la mer. Chaque paroisse (ou relais paroissial) porte la statue de son saint patron, son reliquaire ou ses ex-votos, en costumes traditionnels bretons, précédés ou suivis des bannières. La statue de Notre-Dame de la Clarté couronnée et le cortège des prêtres et de l'officiant clôt la procession. D'emblée, les touristes néophytes sont surtout attirés par les costumes noirs des femmes mariées et blancs des jeunes filles. La grand-messe revêt une solennité que les organisateurs entendent donner à l'événement. Elle est célébrée en français, très peu en breton pour les cantiques, et souvent, pour honorer les hôtes étrangers de passage, en quelques mots de langues étrangères.




Bannière dessinée par Maurice Denis et qui porte le vœu du seigneur de Barac'h : « Notre-Dame de la Clarté, Priez pour nous. Sauvez-nous. Ave Maria 1924 ».

L'après-midi, la foule se presse à nouveau sur le tertre pour la procession et la récitation du chapelet. L'ordre des processionnaires est quasi immuable. Le Trévou-Tréguignec ouvre la marche suivi de Trélévern. Vient ensuite Louannec avec les reliques de saint Yves, puis Pleumeur-Bodou, Trébeurden, Trégastel, Kermaria-Sulard, Perros et Notre-Dame de la Clarté. On y récite cinq dizaines de chapelet, entrecoupés de cantiques. Traditionnellement, les trois derniers « Ave Maria » de chaque dizaine sont dits en breton. La procession se termine sur la place de la chapelle par un Salut au Saint-Sacrement célébré devant les porteurs de bannières rangés en demi-cercle. Le pardon se termine par les remerciements du recteur au pardonneur, la bénédiction des enfants et le chant breton traditionnel Kantig ar Bugel d'ar Werc'hez (« Cantique de l'Enfant à la Vierge ») qui alterne avec le Cantique du couronnement, en langue française.

Le pardon en 2010


Le « pardonneur », Monseigneur Lucien Fruchaud[9], évêque du Diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier depuis le 8 juin 1992, a présidé la messe solennelle, la célébration mariale et la procession.

Notons en outre, cette année encore, la présence habituelle à toutes les cérémonies, depuis vingt ans, de l'écrivain Bernard Bonnejean[10].

Le pardon en 2011


En août 2011, le pardonneur est l'évêque émérite du diocèse d'Amiens, Mgr Jacques Noyer.

Notes et références


  1. François-René de Chateaubriand, Les Mémoires d'Outre-Tombe, X, 8.
  2. Archives départementales des Côtes d'Armor (E 1483).
  3. Matthieu, 2, 35.
  4. Description du wandera [archive]
  5. Édition originale : Paris, G. Charpentier, Éditeur, 1877. Un cœur simple, La légende de Saint-Julien l'hospitalier, Hérodias.
  6. Avec Trestraou, l'une des deux grandes plages de Perros-Guirec
  7. JOUAN, Yvonne, op.cit. infra, pp. 55-56.
  8. Ministère de la Culture, base Mérimée, « Notice no PA00089380 [archive] » sur www.culture.gouv.fr [archive].
  9. Annonce de la renonciation au Pape [archive]. Un ouvrage collectif intitulé À cause de Jésus et de l'Évangile, phrase tirée de l'Évangile de Marc qui sert de devise à Mgr Fruchaud, édité par l'association diocésaine de Saint-Brieuc et Tréguier, a été tiré à 4 000 exemplaires pour rendre hommage à l'évêque
  10. Les liens du Mayennais Bernard Bonnejean avec les Côtes d'Armor sont très étroits. Il les a traduits notamment dans le chapitre III de Clio et ses poètes (éd. du Cerf, 2006, pp. 149-167), « Du règne de Satan à la victoire de Dieu. Renan, l'Antéchrist, corrupteur de la France », où il relate, non sans humour, l'« affaire Renan » à Tréguier (l'inauguration de la statue, place du Martrais, et la revanche du parti catholique avec l'érection du "Calvaire de protestation")



 


 

 

 

lundi 12 août 2013

BATAILLE NAVALE AU LARGE DES SEPT ILES


Il est de ces évènements historiques méconnus au regard de leur grandeur : la bataille navale qui a causé la mort de 539 marins britanniques disparus en mer au large des Sept-Îles dans la nuit du 22 octobre 1943 est de ceux-là, un épisode à part entière de la Seconde Guerre mondiale longtemps resté secret et encore  entouré de mystère...
Cette bataille est pourtant considérée comme la plus grande perte britannique en Manche.
 
 
 
Trois des survivants ont fait le voyage pour honorer la mémoire de leurs compagnons de bord : Neal Wood,Roger Roberts et John Eskdale « se souviennent des faits comme s’ils avaient eu lieu hier. »

 
"Le 22 octobre 1943 au soir, une flottille de la Royal Navy part de Plymouth pour intercepter le cargo allemand Munsterland. Les Britanniques sont déterminés mais ils n'ont pas beaucoup de moyens à leur disposition. Ils envoient tout ce qui leur reste : le Charybdis, un croiseur anti aérien pas du tout préparé à un engagement naval de surface, et toute un flottille de destroyers."
Il fait nuit lorsque le convoi arrive au large des Sept-Îles. Les Britanniques font cap sur le Munsterland - L'opération "Tunnel" est bien engagée - "mais les radars allemands sont partout, et la Royal Navy est vite repérée et attaquée" - Touché par les torpilles ennemies, le Charybdis prend feu et sombre en moins de trente minutes. L'équipage gît dans une mer glacée. Également atteint, le Limbourne est évacué d'urgence tandis que les Allemands prennent le large. Bilan de la bataille : 539 morts, 107 survivants.
Avec le courant les corps se dispersent sur la côte bretonne. "Certains sont retrouvés à Saint-Brieuc et Dinard, d'autres à Jersey et Guernesey." Seuls 208 des 539 marins disparus sont inhumés par leurs familles, "parfois sous la menace allemande"...
En 1993 deux plongeurs bretons identifient l'épave des navires britanniques au nord des Sept-Îles, posant ainsi l'ancre sur un secret bien gardé : "les Anglais n'avaient pas voulu ébruiter cette cuisante défaite.  C'était un sacré coup au moral. Et pour des raisons plus mystérieuses, les Allemands ont aussi préféré se taire."
Depuis, la municipalité de Perros-Guirec a fait ériger une stèle en granit dans le square Pierre-Jakez-Hélias surplombant la baie et tous les cinq ans les membres et les rescapés de Charybis viennent s'y recueillir.
L’association britannique HMS Charybdis and Limbourne a tenu une cérémonie du souvenir pour commémorer le sacrifice de plus de 500 marins de la Royal Navy en octobre 1943.
Deux navires, le croiseur antiaérien HMS Charybdis et le destroyer HMS Limbourne, ont été coulés par les Allemands dans la nuit du 22 au 23 octobre 1943, au large des Sept Îles, causant la mort de cinq cent marins de la Royal Navy. Il s’agit du plus grand désastre maritime de la Royal Navy dans la Manche, pendant la Seconde guerre mondiale, mais hélas, ce drame demeure encore très peu connu.
Le 15 mai dernier 45 Britanniques sont venus se recueillir devant la plaque commémorative, orientée dans la direction du lieu où reposent les compagnons de bord des 14 survivants, dont 3 étaient présents. John Eskdale, Roger Roberts et Neal Wood, tous trois âgés de 88 ans, étaient très émus de se retrouver en face de l’endroit où leurs navires avaient sombré.

La grande question reste de savoir ce que transportait le Munsterland . Les Allemands occupaient le pays. Ils auraient très bien pu  transférer le chargement par train, mais ils ont préféré le faire par bateau. Sans doute pas par hasard...
Certains parlent de matériaux stratégiques nécessaires aux industries d'armement, comme le tungstène, le caoutchouc ou le chrome. D'autres évoquent l'uranium, "qui aurait pu servir aux recherches des Allemands sur la radioactivité et la bombe atomique..."
Avec l'ouverture des archives allemandes et britanniques au public, si on se donnait  la peine on pourrait trouver...
Aucun livre français n'existe là-dessus, il y a un vide à combler...
et de s'émouvoir de la méconnaissance d'un évènement historique de si grande importance...




HMS Charybdis et Münsterland

English abstract



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Le cargo Allemand Münsterland était un cargo moderne, très rapide, de 10000T équipé de brûleurs à mazout et de turbines. Au moment de PEARL HARBOUR, il se trouvait en Amérique Centrale, à PANAMA, les USA n'étant pas encore en guerre contre Allemagne. A la déclaration de guerre qui suivit l'attaque Japonaise le Münsterland quitta immédiatement cette zone pour se diriger vers le Japon et sa sphère d'influence (Asie du Sud-Est) pour y charger des matériaux stratégiques comme le tungstène, caoutchouc, chrome, etc bref tout le nécessaire aux industries d'armement notamment pour la fabrication d'alliage spéciaux. Quant il arriva à Brest, il avait dans ces cales de quoi permettre l'équipement complet de plus de 20 divisions pour 2 ans. C'est dire que l'affaire n'était pas mince.
Münsterland
Münsterland
Il avait réussi, durant près de 2 ans, à éviter toutes les patrouilles Alliées dans le Pacifique Sud Les Anglais le pistèrent par leur service de renseignement. Le cargo leur échappa également dans l'Atlantique Sud. Il arriva à Brest vers le 09/10/1943. Les services de renseignements, très actifs, signalèrent son arrivé. Trois heures après son arrivée Il y fut bombardé, une 1ère fois par 24 Typhoons puis à nouveau le soir vers 18heures par 32 bombardiers MITCHELL de la RAF mais sans aucun succès. Devant l'urgence de la situation, les Allemands décidèrent de lui faire continuer sa route sous très forte escorte mais en attendant des conditions de navigation propices (nuit sans lune).
A cet effet la 4ième flotille de torpilleurs de la Kriegsmarine sous les ordres du capitaine de corvette KOHLAUF et comprenant les T22, T23, T24, T25, T26, T27 fut chargée d'assurer la protection du convoi qui suivait une route ouverte et sécurisée par les bateaux de déminage. Le convoi Allemand comprenait au total 6 torpilleurs, 8 autres navires (démineurs et autres) et le Münsterland, les torpilleurs étant placés en protection Nord-Est du convoi qui faisait cap sur Cherbourg. Il faut savoir qu' à cette époque la Royal Navy et la RAF interdisaient pratiquement tout trafic de jour et pratiquaient de très nombreux mouillages de mine. Le trafic se faisait en convois, de nuit, et en longeant la cote pour permettre aux Allemands une surveillance radar efficace. En outre les Anglais faisaient pratiquement toutes les nuits des incursions sur les côtes de Bretagne avec des vedettes genre MTB pour soutenir les réseaux de résistance et de renseignements très très actifs dans tous les domaines. Il n'était pas rare que les MTB surprennent des petits convois ou des navires Allemands isolés et les coulent à la torpille.
HMS Limbourne
HMS Limbourne
L'opération d'interception du convoi du Münsterland par la RN s'intégrait dans les opérations d'interdiction de trafic qui avaient pour nom de code TUNNEL. La force 28 qui comprenait, pour l'occasion, les bâtiments suivants: HMS CHARYBDIS (Anti-Aircraft cruiser), HMS GRENVILLE, LIMBOURNE, ROCKET, STEVENSTONE TALYBONT, WENSLEYDALE (destroyers) fut chargée de cette opération. Elle quitta PLYMOUTH le 22/10/1943 à 19h.
Après le désastre du CHARYBDIS et du LIMBOURNE la RAF attaqua à nouveau à CHERBOURG. Les escadrilles de la 602 et de la 132 perdirent y 4 pilotes et 9 Typhoons. Le Münsterland fut touché mais pas suffisamment pour l'empêcher de repartir deux jours plus tard. Finalement il fut coulé au large de la HOLLANDE par un strike de Beaufighters.

La Découverte du HMS Charybdis

Breton et résidant à Perros-Guirec durant les vacances, je me suis intéressé à la pêche sur épaves quant j’ai pu acquérir un bateau me permettant d’aller sans risque en haute mer. J’ai toujours préféré la pêche au large avec son calme et sa solitude tranquille.
HMS Charybdis
HMS Charybdis
Voulant ne pêcher que sur des épaves ou sur des haut-fonds particuliers, je me suis vite heurté au problème : »Comment trouver ces épaves ? » A l’époque, 1989, les prix des matériels n’avaient rien de comparable avec ce que nous trouvons maintenant , alors investir plusieurs dizaines de milliers de francs en sus du nécessaire à bord était une option assez rébarbative. Un système sur PC portable faisant table traçante etc.. de qualité professionnelle était hors de prix. Se posait également le problème de trouver un système de positionnement très précis et avec un excellente répétabilité des mesures. Ma vedette , une Antarès 10.20 avec 2*200 CV avec un DECCA, et d’un bon sondeur Vidéo en couleur.
Je commençais par étudier les qualités de divers systèmes de positionnement, tout en considérant ceux qui pouvaient me garantir les critères de qualité que je m’était fixé. Vu ma région de navigation, un seul système pouvait me convenir. J’optais donc pour un DORIS 300 de chez MLR fonctionnant sur les chaînes RANA autour de 300khz. Correctement paramétré ce système me fit vite ranger mon Decca au rang d’accessoires de sécurité. Ma première saison de navigation se fit donc avec ce matériel, la précision donnait un cercle d’erreur moyen probable de 4à 5 millièmes de mille parfois moins mais à condition de savoir choisir les balises émettrices avec soin. Inconvénient, la durée d’initialisation longue entre 15 et 20 minutes, une certaine sensibilité aux conditions de propagation et à la qualité de toute l’installation qui doit être parfaite. Très vite je sentis qu’il fallait passer à un autre stade et fonctionner en table traçante pour exploiter les possibilités du système. Comme le prix des PC portables devenait accessible, j’en acquérais un. Un ami me fit un petit programme et, sans le savoir, je mis le doigt, dans un drôle d’engrenage.
Avec ce PC, bien pratique de suivre la trace , de mémoriser instantanément les points intéressants, etc. C’est ainsi que je trouvais ma première épave , le T29 coulé dans notre région. Je mis aussi en évidence une limite du sondeur vidéo, que je possédais, à savoir que je pouvais pas mémoriser les écrans intéressants. Je décidais alors d’acheter un sondeur à bande Lowrance X16. A mon avis cet instrument doit toujours faire partie de l’équipement d’un chercheur d’épave sérieux. Au moins on garde une trace.
Puis un jour, un confrère, pharmacien comme moi, vint me voir. Commençant à me parler de magnétomètre, de ce que cela permettait etc. Aussitôt je décidais d’en acquérir un . Parallèlement je faisais connaissance de diverses personnes pratiquant plongée et recherches d’épaves. Au hasard d’une visite chez un libraire à Paris, je tombais sur une série de livres Allemands bien documentés et consacrés à la Kriegsmarine. Aussitôt je les achetais et les dévorais. J’y découvrais qu’en Octobre 1943 la 4ème flottille avait eu une de ses plus belles victoires en coulant au large de notre région, le CHARYBDIS et le LIMBOURNE dans un combat de nuit à la torpille.
Je commençais une enquête discrète dans notre région pour savoir qui pouvait être au courant. Je me rendis vite compte que pratiquement personne ne connaissait cette histoire.
Entre temps ayant sympathisé avec Michel CLOATRE d’ARCHISUB je lui fit part de cette information. Nous avons alors décidé d’entreprendre la recherche de ces 2 navires Britanniques. Démarrées durant l’hiver 92-93 les recherches continuèrent jusqu'à ce que le ROV, dont avait été dotée ARCHISUB, nous permettre de capturer des images d’une épave de belle taille, comme beaucoup d’autres dans la région .Épave qui livra quelques secrets immédiatement, nous nous souviendrons longtemps des canons POM-POM aperçus furtivement. L’enregistrement de la plongée du ROV fut expédiée en Angleterre pour être visionné par des experts. Peu de temps après nous fumes informés qu’il y avait 99% de chances que nous ayons touché au but.
Ensuite il fallut, à cause de circonstances diverses, remettre plusieurs fois les sorties....jusqu'à ce jour de mi-août ou deux plongeurs d’Archisub tentèrent une descente. Michel Cloatre et Joël Guizien descendirent à -82 mètres. Joël nous ramena une douille vide prélevée près d’une des tourelles de grosse artillerie ainsi que de douilles de POM-POM encore pleines.
Une rapide expertise des douilles, des marquages qu’elles portaient (BROAD ARROW) sur toutes, du type de poudre (Cordite), du calibre tout concordait avec l’armement du CHARYBDIS et signait définitivement l ’appartenance à un bâtiment Britannique.
Nous pouvions envoyer notre ultime confirmation à nos amis Britanniques. Le 23 Octobre 1993, 50 ans après, jour pour jour, nous pouvions offrir avec l’aide de la municipalité de PERROS-GUIREC une très belle cérémonie commémorative aux rares survivants et familles de disparus.
Toutes les douilles ont été offertes à la délégation Britannique. En 1995, toujours la municipalité de PERROS offrait à l’Association CHARYBDIS (G.B) un petit square et une stèle en granit commémorant le sacrifice de marins Anglais.
Pendant ce temps, je continuais mon approche de la magnétométrie et des multiples problèmes que pose l’usage d’un instrument délicat mais irremplaçable lorsque l’on fait de la recherche d épaves.
Je suis arrivé, après avoir atteint un certain degré d’incompétence dans la programmation, à mettre au point un logiciel fonctionnant très bien sur un portable et permettant un bon niveau intégration et de traitement de multiples données. Grâce à tout ce matériel, notre saison 1998 a été plus que très profitable .Vous en saurez plus au fur et à mesure de nos publications sur ce site.

Remerciements

L’équipe d’Archisub tient à remercier tout particulièrement tous ceux qui par leur confiance, soutien ou participation ont pu leur permettre de mener à bien cette mission. Par, ordre alphabétique :
Mr PER AKESSON , Nordic Underwater Archaeology
Mr ERIC BROOKS, survivant du CHARYBDIS.
Mr JOHN ESKDALE, membre de l’association CHARYBDIS (G.B), survivant du CHARYBDIS.
Mr HEINZ ELLINGHAUS, marin du T24.
Mr RONALD FRANKEL, Consul de Grande-Bretagne à DINARD.
Mr KARL HEINS LABUS, marin du T27.
Mr PHILIP LOCKWOOD, Attaché naval adjoint à l’Ambassade de Grande-Bretagne à PARIS.
Mme PHILIP LOCKWOOD
Mr JOHN LAWSON, Président de L’association CHARYBDIS (G.B).
Mr YVON BONNEAU, Maire de Perros-Guirec.
Mr NEIL WOOD, Survivant du LIMBOURNE.
L’Association CHARYBDIS (G.B).
Le Conseil Général du Finistère.
La Mairie de PERROS-GUIREC.

Les membres d'Archisub

Mr MICHEL CLOATRE, Mr JOËL GUIZIEN, Mr J.Y. LE MANACH, Mr ALAIN LAUNAY, Mr J. OUCHAKOFF, Mr J. THOMAS.

English abstract

In October 1943 the German blockade runner Münsterland had succesfully escaped the American and English Navies in both the Pacific and Atlantic. It approached Brest, France, intact with the full cargo, enough goods to supply 20 divisions for 2 years. The RAF immediately launched an air strike trying to sink the convoy, but failed. Then the cruiser HMS Charybdis and the destroyer HMS Limbourne arrived at the scene, but the 4th German E-Boat flotilla was guarding, and in two minutes both British ships were sunk by torpedoes. Most of the 600 men on the Charybdis were killed. Later, the RAF launched another attack to try to sink the ship in Cherbourg. This was again unsucessful with the loss of many Spitfires and Typhoons. Finally the Münsterland was sunk off the Netherlands by Beaufighters after other attacks. The Charybdis was located in 1993 on 83 m depth. Limbourne remains to be located.
Archisub
Bretagne
FRANCE

publié en avril 1999 dans Nordic Underwater Archaeology avec permission

CHEZ POL

  Bonjour, nous sommes le  17 mai  et c'est le bon jour pour courir à droite et à gauche. Un homme pressé.  ÇA ARRIVE AUJOURD'HUI  A...