mercredi 19 février 2020

M E R





ACTUALITÉ

Pourquoi les grands courants océaniques vont de plus en plus vite

Par Laura DANIEL
Alors que les scientifiques tablaient sur un ralentissement des grands courants océaniques, une étude vient de démontrer le contraire : leur vitesse irait croissant depuis 1990. Un phénomène qui pourrait être lié au dérèglement climatique.
Tous les modèles de projections climatiques annonçaient jusqu’alors une phase de ralentissement des grands courants marins. Un effet interdépendant du changement climatique, sans que l’on puisse très bien en déterminer la cause exacte.
Seulement voilà, une étude inédite, publiée le 5 février dans la revue Science Advances, tend à démontrer le contraire. Ses auteurs constatent en effet une « accélération profonde de la circulation océanique moyenne mondiale au cours des deux dernières décennies ».
Le phénomène, particulièrement important dans les océans tropicaux, serait notamment dû à la vitesse accrue des vents de surface depuis le début des années 1990. Chaque décennie, la vitesse des vents a en effet augmenté de 2 % au-dessus des océans, ont mesuré les chercheurs. Cela contribuerait à une accélération des courants marins, tant à la surface que jusqu’à 2 000 mètres de profondeur.
« Probablement dû au changement climatique mondial »
Mais pour que le phénomène d’accélération des courants soit aussi notable, les vents ne peuvent pas être les seuls responsables. La hausse des températures jouerait aussi un rôle et contribuerait à cette circulation plus rapide des courants marins.
Un effet inverse de celui qu’anticipaient les modèles de projections climatiques, donc, selon les auteurs de l’étude : « Ce résultat inattendu est probablement dû au changement climatique mondial », ont déclaré les chercheurs dans un communiqué.
Quelles seront les conséquences de l’accélération des courants océaniques ? Pour l’instant, il est impossible de le déterminer : d’autres études seront nécessaires, assurent les auteurs de celle-ci.
« Le climat est un système trop complexe pour que nous puissions prédire l’impact de cette accélération, si elle venait à être confirmée », estime Pascale Lherminier, chercheuse en océanographie physique de l’Ifremer au Laboratoire d’océanographie physique et spatiale (Lops).
Le potentiel des flotteurs Argo
Ce qui est certain, c’est que climat et courants océaniques sont étroitement liés. « Les températures terrestres génèrent des mouvements dans l’océan afin de se réhomogénéiser », résume Pascale Lherminier.
Une telle augmentation de la vitesse des vents aura certes des conséquences sur les mers, mais aussi sur les terres. Et l’accélération des courants marins pourrait également avoir un impact sur les températures terrestres...
Pour la chercheuse de l’Ifremer, plus que ses résultats en tant que tels, sur lesquels on manque encore trop de recul, cette étude montre le potentiel des flotteurs Argo, avec lesquels ont été réalisées ces mesures, et qui sont en pleine expansion.
« En allant jusqu’à 4 000 m de profondeur, ils vont permettre d’accéder à des zones sur lesquelles nous n’avons encore aucune connaissance. Ce n’est que le début des découvertes qu’ils vont rendre possible », constate-t-elle.

dimanche 16 février 2020

Perros-Guirec : la vie secrète d'une station balnéaire 

Le tourisme capte 30% du budget de la commune des Côtes-d'Armor. Pendant des mois, la petite ville se prépare à la saison estivale.


Perros-Guirec est l'une des principales stations balnéaires de Bretagne, sa population passe de 7300 à 40.000 habitants en août.
Perros-Guirec est l'une des principales stations balnéaires de Bretagne, sa population passe de 7300 à 40.000 habitants en août.
Il paraît bien loin le temps où les rares touristes bravant les embruns de la Côte de Granit rose se nommaient Joseph Conrad, Ernest Renan ou Maurice Denis. Un siècle plus tard, Perros-Guirec, devenue l'une des principales stations balnéaires bretonnes, est une ville cossue de 7300 habitants l'hiver, pointant à 40.000 âmes en août - dont 20 % d'étrangers, Anglais en tête. Une véritable grande marée, pas toujours simple à gérer.
Car si les écrivains et autres peintres se contentaient de rochers roses et d'inspiration, les hordes modernes exigent confort et distractions, surtout quand la météo prédispose peu à jouer les crêpes sur la plage. «Cela ne se fait pas tout seul, mais on est rodés», glisse Yvon Bonnot, le maire de Perros-Guirec depuis trente-deux ans.

Marmotte et macareux

L'élu centriste, ancien patron d'une entreprise générale de bâtiment, avoue se sentir tellement «responsable» de sa ville qu'il y fait des tournées même le soir, suscitant des «tiens, voilà le shérif!». «Mais grâce à cela, j'ai coincé des voleurs qui vidaient des casiers de homards !», se défend-il, tout en fusillant du regard des promeneurs munis de bâtons de marche à pointe d'acier: un fléau pour les sentiers de Ploumanac'h, le site naturel qui fait la fierté de la commune.
La mairie a eu le temps de peaufiner son organisation. Un peu comme le personnage du film Un jour sans fin, condamné à revivre tous les jours la fête de la Marmotte. «On a mis près de quatorze ans à trouver la bonne formule pour notre Festival de musique de chambre. Au début, on a essayé le chant, mais cela ne marchait pas», reconnaît Erwan Henry, le responsable culturel. En coulisses, chacun connaît par cœur sa partition. Dès la fin août, quand les sons de la fest-noz vont faiblissant, l'office du tourisme est déjà sur le pont afin de lancer la prochaine année touristique. Pour ses équipes, le gros du travail s'opère à l'automne, quand la plupart montent en charge au printemps.
Il y a ce qui se voit, la petite ruche qui s'active dans la cité aux macareux pour repeindre les cabines de plage ou rambardes rongées par le sel. Il y a ce qui ne se voit pas: les négociations avec la trésorerie pour lancer un service de paiement en ligne au centre nautique ou encore l'accord de la protection du littoral pour une démonstration de la Patrouille de France. Le spectacle aérien a beau strier chaque année le ciel de Perros de ses fumigènes tricolores, l'instruction du dossier représente trois mois de palabres. Ouf, la fin de cette intense préparation s'achève mi-juin, lorsque les deux vieux plongeoirs blancs terminent leur hivernage pour être replantés sur la grande plage de Trestraou. Mais c'est là que le service des fêtes entre en scène…

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Ligne de flottaison

Tous ces efforts ne sont pas gratuits. Le tourisme, principale activité économique de Perros-Guirec, capte 30 % des près de 16 millions d'euros inscrits à son budget de fonctionnement. Quelque 3 millions d'euros de dépenses - office du tourisme, animations ou encore embauche de 80 saisonniers - sont couvertes par des recettes, les impôts des 2000 résidences secondaires, à la dotation globale de fonctionnement (DGF), en passant par les lucratives redevances du casino. Il faut aussi financer les ports (1,3 million d'euros) et le centre nautique (500.000 euros).

Côté infrastructures, une population multipliée par six en août oblige à surdimensionner les capacités par rapport aux besoins des onze autres mois de l'année. D'où un investissement de 20 millions d'euros dans un système de gestion de l'eau. L'usine dernier cri, qui traite 2500 m3 d'eau potable par jour l'hiver, affiche une capacité maximale de 8500 m3: forcément un surcoût pour les locaux. «Les résidents savent bien que s'il n'y avait pas le tourisme, ils ne bénéficieraient pas de tous leurs équipements», justifie Yvon Bonnot.

Disponibles 7 jours sur 7

Sur ce point, les boulangeries, magasins de déco ou restaurants, dont 90 % sont ouverts toute l'année, n'ont pas d'état d'âme. «La plupart des commerçants réalisent environ 50 % de leur chiffre d'affaires pendant l'été et les vacances scolaires. Pendant cette période, ils se rendent disponibles 7 jours sur 7», avance Christian Roncin, directeur de l'agence du Crédit agricole de Perros-Guirec. Pour les professionnels, l'embellissement de la ville se traduit en espèces sonnantes et trébuchantes: 30 % de chiffre d'affaires en plus après l'aménagement du quartier du port, se félicitent certains commerçants.
Comme toutes les collectivités territoriales, toutefois, Perros-Guirec est confrontée à une baisse des dotations publiques conjuguée à l'évaporation du crédit. «Comme nous n'avons pas de vrai levier sur les recettes, la seule solution, c'est de moins dépenser», explique Alain Couanau, le directeur général des services de la mairie. Exit, par exemple, les plantes saisonnières dans les massifs. Vive les vivaces qui permettent de diviser par deux le budget fleurs. De leur côté, les affaires culturelles sont priées de rééditer le carton de l'exposition 2011 sur le photographe Doisneau, dont la facture de 90.000 euros a été couverte par la billetterie: bon baiser de Perros la rose.

jeudi 6 février 2020

SCIENCES

ACTUALITÉ

Cinq mystères que la science n’a toujours pas élucidés

De puissants signaux radios venus de l’espace et observés récemment en Australie intriguent les chercheurs. Retour sur ces mystères, de Stonehenge à la matière noire, que la science n’est pas encore parvenue à expliquer.
1. Les « rafales radio rapides » ou FRB
En 2017, les scientifiques avaient observé pour la première fois un puissant signal radio venu de l’espace. Depuis, plusieurs autres signaux semblables ont été enregistrés en Australie, apprend-on dans une étude publiée le 17 décembre 2019 dans la revue The Astrophysical Journal Letters.
Les chercheurs leur ont donné le nom de « rafales radio rapides » (Fast Radio Bursts en anglais ou FRB). Si les ondes émises étaient près de 600 fois moins puissantes que lors de la toute première observation, leur répétition intrigue particulièrement les chercheurs du réseau de radiotélescopes Australian Square Kilometer Array Pathfinder (ASKAP). La première rafale répétée a été observée le 20 juillet 2018 et la seconde le 9 juin 2019.
En octobre 2018 également, 19 nouveaux signaux provenant de l’espace avaient été détectés par des chercheurs de la Swinburne University of Technology en Australie grâce à un réseau de 36 antennes.
Ces rafales radio rapides (FRB) sont l’un des phénomènes les plus déroutants de l’espace lointain. « D’énormes pics d’énergie électromagnétique, aussi puissants que des centaines de millions de soleils, apparaissent dans les données radio, sous la forme d’une rafale de quelques millisecondes seulement », peut-on lire sur le site de vulgarisation scientifique Science Alert.
Pour l’heure, on ne sait pas encore ce qui provoque ces signaux radio ni d’où ils viennent. Parmi plus de 150 rafales détectées à ce jour, seules quelques-unes ont été retracées jusqu’à leurs galaxies d’origine.
2. La matière noire
On l’appelle matière « noire » ou « sombre ». Elle représenterait environ 27 % de la densité d’énergie totale de l’Univers observable. Elle reste pourtant un mystère difficilement explicable.
Si la matière visible est composée de neutrons, de protons et d’électrons, les chercheurs ne sont toujours pas parvenus à identifier les éléments constitutifs de la matière noire.
Gaz moléculaire, étoiles mortes, naines brunes en grand nombre (corps céleste plus grand qu’une planète, mais plus petit qu’une étoile) ou bien trous noirs : plusieurs hypothèses cohabitent pour expliquer la composition de la matière noire…
L’écart entre la vitesse de rotation des étoiles mesurée dans les galaxies, et la vitesse à laquelle elles devraient tourner, selon les lois de la gravitation découvertes par Newton, serait la preuve de son existence. Problème : l’absence de matière noire, constatée dans une galaxie, est elle aussi mise en avant comme une preuve de sa réalité…
3. Les mégalithes de Stonehenge
Des dizaines de pierres, ou plutôt des mégalithes, immenses et disposées en cercles. À 13 km de Salisbury, dans le sud de l’Angleterre, le site de Stonehenge, apparu il y a environ 4 000 ans, intrigue encore historiens et archéologues.
Comment ces pierres, dont certaines mesurent 9 mètres de haut et pèsent 25 tonnes, ont pu « atterrir » à la verticale sur ces terres du comté de Wilshire ?
Publiée dans la revue Antiquity, une étude menée par des archéologues et géologues de l’université de Londres (UCL) suggère qu’une partie du monument a d’abord été érigée dans ce qui est aujourd’hui le Pays de Galles. Des pierres extraites 500 ans avant Stonehenge auraient été dressées à environ 225 kilomètres de là… Stonehenge serait donc un monument de seconde main !
4. La quadrature du cercle
C’est devenu l’expression qui désigne un problème impossible à résoudre. La quadrature du cercle consiste à construire un carré de même aire qu’un disque donné, à l’aide d’une règle et d’un compas.
Mêlant mathématiques et géométrie, c’est un casse-tête sur lequel les savants se seraient arraché les cheveux pendant plus de trois millénaires, avant que le mathématicien allemand Ferdinand von Lindemann ne le déclare insoluble, en 1882.
5. Le triangle des Bermudes
On a tout entendu ou presque sur cette étendue de mer située entre la Floride, les Bermudes et Porto Rico. Fait troublant : plusieurs dizaines de navires et d’avions se sont volatilisées à l’approche des eaux des Bermudes, dans les Caraïbes.
Seize entre 1900 et 1950, une cinquantaine dans la seconde moitié du XXe siècle et déjà huit depuis le début des années 2000. Particulièrement médiatisée, la disparition inexpliquée de cinq avions torpilleurs Avenger en 1945 contribua à forger la légende, mais aussi le fantasme qui entoure le Triangle des Bermudes.
Récemment, une étude scientifique menée à l’aide d’un sonar a révélé que les Bermudes se trouvent au sommet d’une immense montagne sous-marine de 4 000 mètres de haut. La cartographie du sonar montrait alors que le piège mortel du triangle des Bermudes est entouré de récifs très acérés pouvant atteindre 12 mètres de hauteur, mais aussi d’immenses tunnels. Phénomène naturel, ces tunnels créeraient une forte aspiration et d’immenses tourbillons. Un enfer pour les marins, mais qui n’explique toujours pas la disparition de nombreux avions dans cette zone.

MARLEYS GRANDSON