Etrangement, la pièce de Jean Racine se nomme Britannicus, alors que c’est Agrippine qui en est le cœur. A la suite de Suétone et Tacite, les historiens, jusqu’à récemment, l’avaient toujours peinte en monstre sanguinaire, digne mère du tyran Néron. Mais, parvenant à se maintenir au pouvoir, à travers ce fils qu’elle fit reconnaître comme son successeur par son époux mourant, Agrippine fut, semble-t-il, une plutôt bonne administratrice de son empire. Employer l’intrigue, les menaces, le bannissement, le fer ou le poison, était, en ce temps-là, le minimum syndical chez les Césars. Et, aujourd’hui encore, quitter le pouvoir quand on y a goûté, demeure impensable pour nos modernes empereurs qui n’ont plus besoin de les faire mourir pour tuer ceux qui les gênent. En 1669, comme en 2016, c’est bien de la passion du pouvoir, dissimulée sous le mot galvaudé de politique, que nous parle cette pièce, cruelle, sombre et dont les vers magnifiques hantent nos mémoires.
Cela m'a donné d'aller plus loin....-->
http://www.franceinter.fr/emission-lhumeur-vagabonde-stephane-braunschweig-met-en-scene-britannicus-a-la-comedie-francaise
Pour sa première mise en scène d’un classique, et sa première au Français, Stéphane Braunschweig, qui vient de prendre la direction du Théâtre de L’Odéon, a choisi pour son Agrippine une toute nouvelle pensionnaire, Dominique Blanc, dont ce sont les premiers pas, magistraux, sur la scène de la salle Richelieu. Dès le lever de rideau, on reconnaît le goût de Stéphane Braunschweig pour les scénographies épurées, presque austères, qui ont si bien accompagné les auteurs scandinaves qu’il a beaucoup montés. Il nous fait entrer dans un lieu de pouvoir, entreprise ou palais présidentiel, avec une longue table de conseil, entouré de hautes portes derrière lesquelles se trament les complots et se murmurent les trahisons. Les costumes sombres portés par tous les personnages sont ceux des actuels maîtres du monde. Tous sont magnifiques : Laurent Stocker, Stéphane Varupenne, Hervé Pierre, Giorgia Scalliet, Benjamin Lavernhe, Clotilde de Bayser. La salle est suspendue à leurs lèvres, comme si la fin n’était pas certaine. Britannicus de Jean Racine est à voir, absolument, à la Comédie Française, jusqu’au 23 juillet et Stéphane Braunschweig est, ce soir, l’invité de l’Humeur Vagabonde.
Le « Sur Racine » de Roland Barthes
....................INTRODUCTION
Qu'on l'admire ou qu'on ne l'admire pas, il est difficile
d'écrire sur Roland Barthes. Si on l'admire, on ne sait pas trop que
dire et, si on ne l'admire pas, on n'a que trop à dire. On ne peut, en
effet, l'admirer qu'à la condition de ne jamais s'interroger, de ne
jamais se demander ce qu'il a vraiment voulu dire, et encore bien moins
s'il a eu raison de le dire. Le problème est alors de savoir comment
écrire un livre, qui devrait être un livre de critique, mais dans lequel
on doit absolument éviter tout ce qui pourrait ressembler à un début
d'activité critique. Aussi n'y a-t-il guère d'autre solution que de se
livrer, comme M. Stephen Heath
[1], ou M. Steffen Nordhal Lund
[2], à une espèce de paraphrase-pastiche, voire de faire un simple « digest », comme M. Guy de Mallac et Mme Margaret Eberbach
[3], ou M. J.B.Fages
[4].
Mme Susan Sontag pense que Roland Barthes est « un écrivain plus
immense encore que ses plus fervents admirateurs ne le soutiennent »,
mais, sur cet écrivain tellement immense, elle ne trouve presque rien à
dire
[5].
Quand on commence, en revanche, à lire Roland Barthes d'un œil
critique, quand on entreprend de relever toutes les contradictions que
l'on rencontre dans ses écrits, de réfuter toutes les contrevérités
qu'on y trouve, d'en sonder toutes les sottises, très vite on ne sait
plus où donner de la tête. Qui voudrait vraiment passer au crible toutes
les fariboles que Roland Barthes a débitées, risquerait fort d'y
consacrer une bonne partie de son existence. Si grand que fût mon désir
de mettre à nu l'étonnante nullité intellectuelle de celui qui passe
pour l'une des principales lumières de notre temps, je ne me suis pas
senti le courage de me lancer dans une aussi longue et fastidieuse
entreprise. Il me restait donc à choisir entre deux méthodes opposées :
ou bien survoler rapidement l'ensemble des écrits de Roland Barthes, en
faisant un sort aux sornettes les plus notables, et proposer ainsi aux
lecteurs une espèce de florilège de la faribole barthésienne; ou bien,
au contraire, s'en tenir à un seul ouvrage et le soumettre à un examen
aussi serré, aussi minutieux et aussi exhaustif que possible. Chacune de
ces deux méthodes a, bien sûr, ses avantages et ses inconvénients. La
première méthode est, sans doute plus facile et, surtout, plus
divertissante. Dans la mesure où elle donne une beaucoup plus grande
possibilité de choix, elle permet de ne retenir que les sottises les
plus ridicules, que les foutaises les plus grotesques, et il y a
assurément de quoi constituer, avec tous les écrits de Roland Barthes,
une anthologie de balivernes tout à fait désopilante. Mais, bien qu'on
ait logiquement toutes les raisons de ne plus faire crédit à un auteur
chez qui ont été relevées un nombre important d'âneries monumentales,
cette méthode, qui est celle du pamphlet, ne convainc, d'ordinaire, que
ceux qui sont déjà convaincus. Les autres, surtout s'ils sont des
admirateurs de cet auteur, resteront le plus souvent persuadés qu'on a
fait preuve à son égard d'une insigne mauvaise foi et qu'on n'a jamais
cherché vraiment à comprendre sa démarche et à entrer dans sa pensée. Si
l'on veut essayer de les convaincre, il vaut donc mieux adopter la
seconde méthode et choisir de n'étudier qu'un seul livre, afin de
pouvoir le faire de la manière la plus patiente et la plus attentive, en
s'efforçant de suivre pas à pas la démarche de l'auteur. C'est
pourquoi, malgré l'envie que j'ai eue parfois de suivre la première
méthode, j'ai finalement décidé de m'en tenir à la seconde et de
n'étudier, en essayant de le passer au crible, que le Sur Racine.
Si j'ai choisi le
Sur Racine plutôt qu'un autre livre de Roland Barthes, c'est, outre des raisons d'ordre personnel et professionnel
[6],
parce que, de tous les livres de Roland Barthes, il est celui qui, par
ses ambitions, ressemble le plus à un livre de critique universitaire.
De ce fait, il est aussi, sans doute, celui qui permet le mieux de
mesurer à quel degré, tout à fait extraordinaire pour qui prend la peine
d'y regarder de près, son auteur est dépourvu de toutes les qualités
logiques les plus élémentaires. Faute de nous apprendre quoi que ce soit
sur la tragédie racinienne, le
Sur Racine nous apporte
d'innombrables et d'inappréciables renseignements sur les très étranges
démarches de la pensée barthésienne, c'est-à-dire d'une pensée dont le
principal caractère est que tous les mécanismes de contrôle semblent
totalement abolis et qui va continuellement de contradiction en
contradiction et d'absurdité en absurdité, sans jamais s'en apercevoir.
Bien sûr, certains s'étonneront que je semble vouloir réveiller
une « querelle » bientôt vieille de vingt ans et dont les deux
protagonistes sont morts maintenant. Certains se demanderont s'il était
vraiment utile de revenir à la charge contre un livre dont Raymond
Picard, dès sa parution, a dit, et bien dit, l'ineptie. Mais je pense
que Raymond Picard, lui, n'en aurait pas douté un seul instant. Car,
s'il avait cru devoir prendre la plume et s'exprimer avec une vigueur à
laquelle l'Université française ne nous avait guère habitués, c'était
assurément afin d'être entendu. Or l'on est bien obligé de constater
que, finalement cela n'a guère été le cas
[7]. Non seulement son offensive n'a pas réussi à empêcher le succès du
Sur Racine,
mais on peut penser qu'elle a, au contraire, grandement contribué au
lancement du livre. Elle a permis, en effet, à Roland Barthes de se
poser en victime de l'Université « traditionnelle » et, plus
particulièrement, de la Sorbonne
[8],
d'affecter d'avoir été choisi comme « bouc émissaire » par les
organisateurs d'une opération foncièrement réactionnaire d'intimidation
et de répression intellectuelles, et, ainsi, de mobiliser en sa faveur
la quasi-totalité des intellectuels de gauche, qui,
a priori,
n'avaient aucune raison de prendre fait et cause pour un livre qui
n'était ni de droite ni de gauche. Et, bien sûr, par-delà Roland
Barthes, tous les diseurs de sornettes, tous les débiteurs de fariboles,
se sont sentis visés en même temps que lui. Ils se sont donc tous
rangés derrière lui et l'ont ainsi sacré chef de file de l'avant-garde
intellectuelle. C'est la « Querelle » qui a fait de Roland Barthes le
Pape de la « nouvelle critique », et du
Sur Racine son Evangile.
La situation n'est donc plus du tout maintenant ce qu'elle était lorsque Raymond Picard a publié
Nouvelle Critique ou nouvelle imposture.
Il croyait, très logiquement d'ailleurs, qu'il n'avait besoin que de
lancer un cri d'alarme pour éviter que certains ne prissent au sérieux
un livre qui ne l'étaient aucunement. Il pensait n'avoir qu'un abcès à
crever. Nous sommes aujourd'hui devant une septicémie. L'audience du
Sur Racine
a, en effet, dépassé de très loin tout ce qu'on pouvait craindre quand
la « Querelle », a éclaté. Il est, sans doute, actuellement le livre de
critique littéraire française le plus lu et le plus souvent cité.
Certes, les coups de semonce lancés par Raymond Picard auraient dû largement suffire à enrayer la progression du
Sur Racine.
Mais puisqu'il en a été tout autrement, il est devenu, hélas! tout à
fait nécessaire de mettre en œuvre des moyens beaucoup plus lourds.
Raymond Picard avait cru n'avoir besoin, pour démontrer l'ineptie du
Sur Racine, que de le feuilleter rapidement
[9]
et d'y relever, çà et là, un certain nombre d'affirmations
particulièrement gratuites ou extravagantes. Maintenant que, contre
toute logique, le livre est devenu, par sa diffusion, un grand
classique, voire le plus grand classique de la critique littéraire
française, on ne peut plus se contenter d'y donner des coups de sonde et
de ramener à la surface quelques âneries, fussent-elles de grande
taille. Il est absolument nécessaire de se livrer à un démontage
vraiment systématique de ce grotesque échafaudage de fariboles.
Mais la nature même du
Sur Racine fait qu'il est particulièrement difficile de l'examiner d'une manière méthodique. Dans
Critique et vérité,
Roland Barthes reproche à Raymond Picard d'avoir donné « une singulière
leçon de lecture, en contestant les détails de son livre sans avoir
cherché à en apercevoir "le projet d'ensemble", c'est-à-dire tout
simplement : le sens »
[10]. C'est faire preuve d'un singulier culot. Comment Raymond Picard aurait-il jamais pu apercevoir, dans le
Sur Racine,
ce que son auteur n'a jamais songé à y mettre? Plus on s'interroge sur
ce livre, et plus on se convainc qu'il est strictement impossible de le
« comprendre », au sens premier du mot, c'est-à-dire d'y découvrir une
cohérence. Toutes les affirmations qu'on y trouve, sont, en effet, aussi
éphémères que leur ton est définitif, dans la mesure où elles ne
cessent de se détruire les unes les autres, de sorte qu'on arrive à la
fin du livre sans rien pouvoir en retenir
[11]. Rien n'est plus éprouvant que d'entreprendre de réfuter Roland Barthes, car c'est véritablement lutter avec Protée.
Outre leur constante incohérence, l'extraordinaire gratuité des
propos de Roland Barthes décourage continuellement la critique. A
chaque page qu'on lit, on sent qu'il faudrait en écrire au moins vingt
ou trente, et parfois même cinquante, pour bien faire le tour de toutes
les sottises qu'on y trouve
[12]. Qui voudrait vraiment analyser toutes les âneries et réfuter toutes les foutaises que contient le
Sur Racine,
se verrait obligé d'écrire un énorme livre de deux à trois mille pages.
Malgré mon goût pour la polémique, je ne me suis pas senti le courage
d'aller jusque-là, et je n'aurais pas manqué, d'ailleurs, de lasser les
lecteurs
[13]. Ne pouvant tout examiner à fond et ne voulant rien examiner qu'à fond
[14], il m'a fallu faire des choix.
Mais ces choix ont finalement été assez faciles à opérer. Tout d'abord, des trois études rassemblées dans le
Sur Racine, je n'ai retenu que la première, « l'Homme racinien », qui est, de loin, la plus longue et la plus importante
[15]. Sauf exceptions tout à fait rarissimes, quand on cite le
Sur Racine,
c'est toujours « l'Homme racinien » que l'on cite. L'étude sur
« l'Homme racinien », est elle-même composée de deux parties d'égale
longueur, mais d'inégale importance. La première, « la Structure », est
une étude générale de la tragédie racinienne, alors que la seconde,
« les Œuvres », est, en fait, une succession de notices sur chacune des
onze tragédies raciniennes
[16].
La première, nous dit Roland Barthes, « est d'ordre systématique (elle
analyse des figures et des fonctions) », tandis que « l'autre est
d'ordre syntagmatique (elle reprend en extension les éléments
systématiques au niveau de chaque œuvre) »
[17]. Ainsi la seconde partie ne fait, en principe
[18],
qu'illustrer, en les appliquant successivement à l'étude particulière
de chaque tragédie, les théories et les schémas généraux dégagés dans la
première partie. C'est donc celle-ci qui constitue la partie la plus
ambitieuse du
Sur Racine et c'est sur elle, par conséquent, que j'ai choisi de centrer toute mon étude.
Cette première partie de « l'Homme racinien » compte cinquante-quatre pages
[19]. En soi, ce n'est sans doute pas très long
[20], mais ces pages, qui constituent le cœur du
Sur Racine,
atteignent à une telle densité de sottises, à un tel degré
d'incohérence et d'absurdité, qu'il m'a fallu, une fois de plus,
renoncer à tout dire et faire encore des choix. J'ai donc laissé de côté
les cinq premières pages
[21], (les trois premières ont, d'ailleurs, été magistralement critiquées par M. Jean Molino
[22]), ainsi que les dix dernières
[23],
qui m'ont paru n'offrir que de moindres foutaises. Restait donc
l'ensemble d'une quarantaine de pages qui va du chapitre « La horde » au
chapitre « Le "dogmatisme" du héros racinien » compris. Dans cet
ensemble, faute de pouvoir trouver une cohérence dans les idées, j'ai
cherché s'il n'y avait pas du moins un peu d'ordre dans leur succession.
A condition de n'être pas trop exigeant et de bien vouloir procéder
mentalement à quelques aménagements, on peut arriver à en trouver.
Tout d'abord, si on laisse provisoirement de côté le chapitre
« La horde », qui anticipe sur la théorie du père, développée une
trentaine de pages plus loin, nous trouvons une suite de quatre
chapitres, « Les deux éros », « Le trouble », « La "scène " érotique »,
« Le
tenebroso racinien », qui traitent tous de l'amour racinien
que Roland Barthes (j'y reviendrai tout à l'heure) préfère appeler
« l'éros racinien ». Malgré leur consternante ineptie, les analyses que
contiennent ces pages, sont devenues quasiment classiques et sont de
plus en plus souvent présentées comme des acquisitions définitives de la
critique racinienne. Je consacrerai donc toute la première partie de
mon étude à examiner l'explication que Roland Barthes nous donne de
« l'éros racinien » Cette explication comporte essentiellement trois
grandes théories que j'ai étudiées successivement dans trois chapitres,
dont les titres sont ceux des chapitres de Roland Barthes : « Les deux
éros », « La "scène" érotique » et « Le
tenebroso racinien ».
Si les quatre chapitres relatifs à « l'éros racinien »
formaient un ensemble facile à cerner et assez court pour en permettre
un examen, sinon tout à fait exhaustif, du moins très attentif
[24],
il était, en revanche, assez difficile d'organiser l'étude des
chapitres suivants. Avec le chapitre intitulé « La relation
fondamentale », les propos de Roland Barthes deviennent, en effet,
encore plus ambitieux, et, de ce fait, ils atteignent à un tel degré
d'arbitraire, d'incohérence et d'absurdité que j'ai d'abord été tenté de
tout laisser tomber. Enfin, après avoir élagué un certain nombre de
foutaises de moindre importance pour bien dégager les fariboles de haute
futaie, j'ai cru avoir trouvé une sorte d'unité, sinon dans les
conclusions qu'il nous propose, du moins dans sa démarche. Si ses
réponses changent, la question qu'il pose, reste la même : quelle est
« la relation fondamentale » de la tragédie racinienne ? Avec le
chapitre qui le porte effectivement, ce titre pourrait aussi coiffer
ceux qui le suivent, jusqu'au chapitre sur « Le "dogmatisme" du héros
racinien » inclus, c'est-à-dire tout l'ensemble que je me propose
d'examiner. J'ai donc choisi de donner ce titre à la seconde partie de
mon étude et je l'ai divisée en trois chapitres, correspondant aux trois
réponses successives données par Roland Barthes, réponses, en
apparence, complémentaires, mais, en réalité, contradictoires : « Le
Bourreau et la Victime », « Le Père et le Fils », « Dieu et la
Créature ».
Si j'ai construit mon étude du
Sur Racine sur l'examen
des principales théories générales exposées dans la première partie de
« L'Homme racinien », je n'en ai pas moins fait appel très largement,
pour les discuter, aux analyses particulières des tragédies proposées
dans la seconde partie. Ainsi donc, si je n'ai pu tout dire sur le
Sur Racine,
je crois, pourtant, en avoir fait une étude à la fois minutieuse et
étendue. Tout en centrant mes efforts sur les pages les plus ambitieuses
pour essayer de bien en sonder toute l'absurdité, j'ai néanmoins
cherché, à partir d'elles, à ratisser aussi le plus grand nombre
possible des innombrables sottises que « L'Homme racinien » nous offre à
chaque page.
J'ajoute enfin que je ne me suis pas contenté, dans ce livre,
de réfuter les foutaises de Roland Barthes. J'ai profité aussi des
occasions que ses propos pouvaient m'offrir, pour rectifier assez
souvent certains jugements, à mon sens erronés, d'autres critiques, le
plus souvent modernes et même modernistes, mais parfois aussi beaucoup
moins modernes, voire tout à fait anciens. Il a pu m'arriver même, mais
très exceptionnellement, de m'opposer à l'opinion traditionnelle de la
critique racinienne. Sans prétendre le moins du monde proposer une
nouvelle « lecture » de Racine (une telle prétention est, à mes yeux,
absurde et ridicule), j'ai pu apporter, sur tel ou tel point, des lueurs
ou des précisions. Si ce livre est assurément celui d'un polémiste,
j'ai voulu qu'il fût aussi, et même d'abord celui d'un racinien. Outre
qu'en l'occurrence c'est sans doute d'un polémiste que les études
raciniennes ont le plus besoin aujourd'hui où Racine est devenu un
« alibi » pour les fariboles d'un Roland Barthes et de tant d'autres
aliborons, j'ai voulu que ce livre sur le
Sur Racine, fût aussi, contrairement au
Sur Racine, un livre sur Racine.
NOTES :
[1] Vertige du déplacement.
[2] L'Aventure du signifiant.
[4] Comprendre Roland Barthes.
En dépit du titre de son livre, M. J.B. Fages s'est bien gardé de
chercher, si peu que ce fût, à « comprendre » Roland Barthes. Il s'est
contenté de résumer les uns à la suite des autres, en les citant
abondamment, les différents livres de Roland Barthes. Les pages que M.
Robert Emmet Jones a consacrées au
Sur Racine dans son
Panorama de la nouvelle critique en France (pp. 221-236), témoignent, elles aussi, d'une totale absence d'esprit critique et même de jugement.
[5] Le livre de Susan Sontag (
L'écriture même : à propos de Barthes)
ne compte que 55 pages de texte, dans un petit format (12-20) et avec
une typographie aérée. Cela ne donnerait, dans une revue comme la
R.H.L.F., qu'un article d'une vingtaine de pages.
[6] Je suis dix-septiémiste et racinien.
[7]
Tel était bien, d'ailleurs, le sentiment de Raymond Picard lui-même. Il
m'avait fait part, quelques mois avant sa mort, de son intention de
revenir à la charge.
[8]
Roland Barthes et ses amis ont exploité avec une malhonnêteté vraiment
éhontée le fait que Raymond Picard était Professeur à la Sorbonne. Car,
si Raymond Picard a cru devoir prendre la plume, ce n'est pas parce
qu'il était Professeur à la Sorbonne, mais bien plutôt parce qu'il était
le principal spécialiste de Racine et donc le mieux placé pour mesurer
toute l'ineptie du
Sur Racine. Si Roland Barthes avait publié son
livre quelques années plus tôt, lorsque Raymond Picard était encore
Professeur à l'Université de Lyon, celui-ci aurait certainement réagi de
la même façon.
[9] Nouvelle Critique ou nouvelle imposture est un livre très court, et les pages qui y sont consacrées au
Sur Racine, ne font que reprendre un article publié quelques mois plus tôt (« Racine et la nouvelle critique »,
Revue des Sciences Humaines, janvier-mars 1965, pp. 29-49).
[11]
On pourrait en dire autant de tous les écrits de Roland Barthes. Ses
admirateurs les plus sincères ou les plus naïfs le reconnaissent,
d'ailleurs, bien volontiers. L'un d'entre eux, M. Marcel Domerc, écrit,
dans
Le Nouvel Observateur (14 avril 1980, p. 33) : « J'ai lu, relu le
Degré zéro de l'Ecriture, le
Racine, le
Michelet par lui-même, les
Mythologies, les
Essais critiques, et, avec gourmandise, le
S/Z
[…] Aveu : il ne m'est rien resté de tout cela : je veux dire sous
forme de pensée expressément articulée, communiquée, assimilée ». M.
Domerc voit une « singularité de [sa] position » dans « cette séduction
littéraire d'un homme de littérature dont l'œuvre, cependant, [lui] est
restée à peu près étrangère ». Ce qui aurait été vraiment singulier,
c'est qu'il en fût autrement, c'est que les livres de Roland Barthes lui
aient laissé des idées précises.
[12] Rendant compte du
Sur Racine dans
Le Monde
(12 juin 1963), Pierre-Henri Simon estimait « qu'il faudrait souvent
dix pages pour en commenter ou en discuter une ». Il était nettement en
dessous de la réalité.
[13]
Je n'ignore pas que certains lecteurs trouveront déjà que j'ai été
beaucoup trop long. En polémique, comme en toutes choses, sans doute
mais plus, peut-être, qu'en beaucoup d'autres, il est très difficile de
satisfaire tout le monde. Si l'on se contente de prendre quelques
exemples, fussent-ils particulièrement démonstratifs, beaucoup de
lecteurs seront tentés de croire qu'on s'est livré, comme M.
Jean-Jacques Brochier en a, très malhonnêtement, accusé Raymond Picard, à
un « montage de citations » (« La vieille Critique est mal partie »,
op. cit.,
p. 1141) , et que tout ce qu'on n'a pas critiqué, était inattaquable.
Si, au contraire, on prend beaucoup d'exemples, d'autres lecteurs, et
parfois ceux-là même qui, autrement, ne se seraient jamais laissés
convaincre, auront le sentiment qu'il aurait suffi de deux ou trois
exemples. Rien n'est plus ingrat que la polémique : mieux elle est
menée et moins elle semblait nécessaire; plus elle est efficace, et plus
elle donne l'impression d'être inutile. Quand on a réussi, non pas à
« démolir » un ouvrage ou une théorie, mais à montrer qu'ils ne
tenaient pas debout, ceux qui, grâce à nous, en sont enfin convaincus,
sont aussitôt persuadés qu'ils l'ont toujours été. Après la publication
d'
Assez décodé !, beaucoup de collègues et d'amis m'ont dit leur
entière approbation. Quelques-uns m'ont laissé entendre en même temps
que les écrits que j'avais dénoncés, étaient si évidemment ridicules que
mon offensive était peut-être superflue. Ils oubliaient parfois une
chose : ils avaient eux-mêmes attiré mon attention sur ces écrits en me
disant les avoir trouvés « intéressants ».
[14]
J'ai tenu, notamment, à faire ce que Raymond Picard n'avait pas pu
faire dans le cadre très restreint qui était le sien, c'est-à-dire à
citer, sinon tous (ils sont innombrables), du moins le plus souvent
possible, les passages de Racine qui contredisent l'auteur du
Sur Racine.
[15]
Ces trois études sont « nées de circonstances diverses » et Roland
Barthes nous dit n'avoir pas cherché à leur donner « une unité
rétrospective » (Avant-propos, p. 9). La deuxième, « dire Racine », est
le compte rendu d'une représentation de
Phèdre au T.N.P. (paru
dans Théâtre populaire, mars 1958). Le troisième, « Histoire ou
Littérature ? », est un article, paru dans la revue
Annales (mai-juin 1960) qui traite, à propos de Racine, un problème général de critique.
[16] « L'Homme racinien » est la reprise d'un texte destiné à présenter le Théâtre de Racine pour le Club Français du Livre (1960).
[17] Sur Racine, Avant-propos, p. 9, note 3.
[18]
En fait, et j'aurai l'occasion de le montrer, il arrive assez souvent
que Roland Barthes oublie complètement d'utiliser dans la seconde partie
de « l'Homme racinien » les schémas explicatifs que la première partie
nous présente pourtant comme des clés « indispensables ». Il arrive même
que Roland Barthes contredise carrément, dans la seconde partie, ce
qu'il a dit dans la première.
[20] D'autant moins que le format est moyen (14l20) et la typographie plutôt aérée.
[21]
C'est-à-dire le premier paragraphe sur « les trois Méditerranées dans
Racine » et les deux premiers chapitres, « La Chambre » et « Les trois
espaces extérieurs : mort, fuite, événement ».
[22] Voir « Sur la méthode de Roland Barthes », in
La Linguistique, 1969, n° 2, pp. 141-154.
[23]
C'est-à-dire les quatre chapitres intitulés « Esquisses de solutions »,
« Le Confident », « La peur des signes », « Logos et Praxis ».
[24]
La première moitié du chapitre « Les deux éros » et tout le chapitre
« La "Scène" érotique » font notamment l'objet d'une étude suivie.