jeudi 31 mai 2012

SWITCH



je viens de regarder le film


SWITCH

car le pitch m'avait intéressé
c'était un thriller, j'aime,
c'était un scénario de Jean-Christophe Grangé et j'aime bien ce qu'il écrit
 
bref, je n'ai pas été déçue
mais le pitch est loin loin du compte
c'est assez compliqué sur la fin
on sent bien la patte de Grangé
un bon moment plein du suspens jusqu'au bout!


Le PITCH :

Juillet 2010, Montréal, Canada. Sophie Malaterre, 25 ans, illustratrice de mode, voit arriver les vacances d’été avec angoisse. Pas de projets, pas d’ami, pas de fiancé... On lui parle du site SWITCH.com qui permet d’échanger sa maison le temps d’un mois. Sophie trouve, par miracle, un duplex à Paris, avec vue sur la Tour-Eiffel. Son premier jour est idyllique. Le lendemain matin, elle est réveillée par les flics. Un corps décapité est dans la chambre d’à côté. Elle n’a plus aucun moyen de prouver qu’elle n’est pas Bénédicte Serteaux, la propriétaire des lieux. Le piège se referme sur elle...


La présentation

Efficace. Le mot est lâché. C'est l'adjectif adéquat pour qualifier ce Fugitif au féminin qui mise sur l'action pure et deux interprètes qui en imposent : la belle Karine Vanasse, entraperçue dans Minuit à paris de Woody Allen et qui prouve ici son talent athlétique. Aux basques de cette fausse coupable vaguement hitchcockienne, Eric Cantona assure en flic qui parle peu mais réfléchit beaucoup. Il court aussi notre Canto, en particulier dans une scène de poursuite impressionnante à travers les maisons d'un lotissement chic. Et que je traverse le jardin, que je saute un muret, que je débouche dans un salon et hop que je saute du balcon dans une ruelle, que je monte un escalier, etc... Et pourquoi elle fuit cette fille dans ce thriller qui, comme le déclara lui-même Frédéric Schoendoerffer, ne vise qu'à divertir ? Parce qu'il ne faut pas échanger-switcher- son appartement pour les vacances. Vous croyez que vous allez passer une semaine de rêve dans un appartement sublime au pied de la Tour Eiffel et puis vous tombez dans un piège : vous vous réveillez le matin avec un cadavre sans tête dans votre lit, des flics dans le couloir et beaucoup de mal à prouver votre véritable identité. Aux prochaines vacances, franchement, allez à l'hôtel. Sauf si vous voulez que Cantona ne vous lâche plus d'une semelle...


Allez on démarre en trombe ! Pas de grand cinéma d'action ou de grands thrillers sans poursuites ! En voici quelques unes qui restent dans les mémoires. En voiture d'abord. La plus pluvieuseet tragique : celle de La Nuit nous appartient de James Gray, sous une pluie battante, avec Joaquin Phoenix qui voit son père mourir dans la voiture devant lui sans pouvoir intervenir. La plus scotchante : celle, filmée en un seul plan séquence, des Fils de l'homme d'Alfonso Cuaron où la voiture de Clive Owen est attaquée par des types sortis des bois, puis pris en chasse à pied et à moto. La plus contestataire : celle de Vanishing Point de Richard C. Sarafian en 1971 avec un pilote de stock-car qui fait le pari de rallier Denver à San Francisco en 15 heures à bord d'une Dodge Challenger, avec la police à ses trousses, évidemment. Tarantino rendit hommage à ce film dans Boulevard de la mort. En confiant à deux cascadeuses des rôles principaux, il put s'offrir une poursuite en bagnole, une Dodge Challenger- sans trucages. Mais la meilleure « attrape moi si tu peux » motorisée reste peut-être celle de Matrix, un pur délire de 26 minutes sur une autoroute où tout ce qui roule se dépasse, se mitraille et se télescope sans une seconde répit. On est loin de Bullitt qui, tout de même, en 1968, invente littéralement la poursuite légendaire grâce à Steve McQueen en Mustang dans les rues de San Francisco. Juste trois ans après, French Connection de William Friedkin met la barre encore plus haut avec une scène voiture contre métro, également entrée au panthéon ! Mais on peut aussi se poursuivre à pied. Et en marchant. Comme dans la séquence finale si arty de Thomas Crown où Pierce Brosnan disparaît au nez et à la barbe de la police en se fondant dans une foule d'hommes qui ont tous le même chapeau melon sorti d'un tableau de Magritte. Avec des travellings grande classe. Si on parle finales virtuoses, la palme revient peut-être à Brian de Palma et son meilleur film, L'Impasse, où Al Pacino, poursuivi par des gangsters, traverse New York en se faufilant dans le métro, les couloirs ou les escalators... On parlait de De Palma, finissons donc avec son maître : Hitchcock, bien sûr, et son idée géniale d'un homme poursuivi par un avion... Oui la scène de La mort aux trousses d'Hitchcock où Cary Grant est pris en chasse dans un champ par un biplan reste un sommet de mise en scène. Allez, pour avoir le temps de voir ou revoir tout ça, vous avez intérêt à courir !


Réalisateur
Frédéric Schoendoerffer

avec
Aurélien Recoing, Eric Cantona, Karina Testa, Karine Vanasse, Mehdi Nebbou, Bruno Todeschini, Kourosh, Marianne Malaterre, Maxim Roy, Niseema Theillaud, Ludovic Schoendoerffer, Sarah Pebereau, Stephan Guérin-Tillié



 

 

 

 

 

 

 

 




mercredi 30 mai 2012

LE COCOTIER








Savons-nous que tous ces cocotiers qui ornent nos plages et nos campagnes sont un patrimoine hérité du passé ?

Découvrons à travers ces lignes quelques éléments de son histoire.

On ignore exactement quel est le pays d'origine du cocotier mais on sait qu'il existe depuis très longtemps.

En effet, des noix de coco fossiles ont été découvertes en Inde et en Nouvelle Zélande, notamment par le professeur E.W. Berry de l'Université John Hopkins. Elles se trouvaient à Mangoni en Nouvelle Zélande, dans des terrains pliocènes ou pré-pliocènes et il les fait remonter à un million d'années.

Nous pouvons donc avancer que le cocotier est probablement originaire de l'Océan Pacifique ou de l'Océan Indien et qu'il est apparu sur tous les continents de deux manières : les noix de coco flottent et ont dérivé au gré des courants marins, puis, par la suite, le cocotier a été introduit par l'homme lors des voyages et des migrations humaines.

On peut penser qu'il a été introduit en Guadeloupe puisque le R.P. Jean Baptiste Du Tertre, missionnaire arrivé en Guadeloupe en 1640, nous dit dans son Histoire Générale des Antilles habitées par les Français, T.2, dans le chapître consacré au coco, à la page 185 : "Le palmiste qui porte ce beau fruict, n'estait pas encore connu dans nos Antilles Françoises, à la première impression de mon livre, de là vient que je n'en ay point parlé. Il y est maintenant fort commun, quoy que cet arbre ne soit pas le plus haut de tous nos palmistes, il est pourtant le plus beau, parce qu'il est chargé du plus grand nombre de fuëilles & bien plus belles que celles des autres [...] quelques unes de ses noix sont aussi grosses que la teste d'un enfant & toutes revestues d'une grosse écorce filasseuse, épaisse d'un ponce, la noix qu'elle enveloppe n'est pas tout à fait ronde, mais elle tient un peu du triangle, son extrémité est barbue & à trois petits trous ronds de la largeur d'une lentille, la coque de cette noix est noire, dure comme de la corne..."

On peut donc supposer en lisant ce passage du R.P. Du Tertre, qui était botaniste, que le cocotier a été introduit chez nous à son époque.

Quand on sait que le cocotier géant a été introduit au Brésil pour la première fois en 1553, dans l'Etat de Bahia et qu'il venait du Cap Vert, îles près de l'Afrique, on peut croire que lors des traversées transatlantiques, les voyageurs emmenaient avec eux des plants de cocotiers.

lundi 28 mai 2012

LA GUERRE DES BOUTONS



LA GUERRE DES BOUTONS




Vous vous souvenez :
"si j'aurais su j'aurais pas v'nu" ?
phrase prononcée par Tigibus
Et bien, deux nouveaux films viennent de sortir, remake du film de 1962



Synopsis


1960. A Longeverne, une bande de garçons, âgés de 7 à 14 ans, menée par l'intrépide et rebelle Lebrac, est en guerre contre les enfants de Velrans, le village voisin. Depuis des générations, on se bat pour l'honneur et la fidélité et, aussi, pour gagner. Si cette ancestrale rivalité est rude, il faut aussi compter avec la sévérité des parents et de l’instituteur mais aussi, avec le charme de Lanterne, la seule fille de la bande.   


La présentation


Le 14 septembre 2011, sortit sur les écrans français le nouveau film de Yann Samuell, la Guerre des boutons. Jusque là, rien d’étonnant. Le réalisateur est connu pour Jeux d’enfants, la première rencontre Guillaume Canet/Marion Cotillard, My Sassy Girl, le remake britannique d’un film sud-coréen, et l’Age de raison, avec Sophie Marceau confrontée à l’enfant qu’elle fut. Ce qui était beaucoup plus surprenant, c’est que sept jours plus tard, le mercredi 21 septembre, sortait sur les mêmes écrans français – ou presque – le film de Christophe Barratier, la Nouvelle guerre des boutons.   Les deux films furent systématiquement présentés comme deux nouvelles adaptations du roman de Louis Pergaud, paru en 1912 puisque, respectant la volonté de son défunt cinéaste de mari – déçu par la Guerre des boutons, ça recommence, un remake irlandais tourné en 1994 –, la comédienne Danielle Delorme refusa de céder à qui que ce soit les droits de remake du fameux film tourné par Yves Robert en 1962.   Cela dit, l’ancestrale querelle opposant les chenapans de Longeverne aux garnements de Velrans aurait-elle autant intéressé Yann Samuell, Christophe Barratier et leurs producteurs respectifs si Yves Robert n’en n’avait pas donné sa version grand public, déjà applaudie par plus de dix millions de spectateurs ? Rien n’est moins sûr, tant le portrait, rude et amer, dressé par Louis Pergaud, des relations parents-enfants dans un village de Franche-Comté à la veille de la Première Guerre mondiale ne ressemble guère à l’idée que l’on se fait d’un  divertissement cinématographique familial, futur prime-time de TF1 – coproducteur des deux films. N’oublions pas que l’auteur annonçait dans sa préface : « Ce livre, malgré son titre, ne s’adresse ni aux petits enfants, ni aux jeunes pucelles. » Ce qui n’est, évidemment, pas le cas des films qu’il inspira.   Remake ou pas, voici la Guerre des boutons de Yann Samuell, avec une bande de jeunes comédiens qui, de Tigibus à Lebrac et de l’Aztec à Bacaillé, donnent la réplique à une bande d’adultes pas moins dissipés : Eric Elmosnino en instituteur bienveillant, un an après Gainsbourg (Vie héroïque) de Joann Sfar,  Fred Testot, le complice d’Omar Sy, en sportif curé de campagne, Alain Chabat en instituteur véhément et Mathilde Seigner en sévère maman du rebelle Lebrac. Alain Chabat et Mathilde Seigner venaient d’être mari et femme dans Trésor, le dernier film de Claude Berri, terminé par François Dupeyron.


Une semaine après la sortie du film sortait donc la Nouvelle guerre des boutons, la version de Christophe Barratier. Comment deux films adaptés du même roman peuvent-ils être tournés en même temps et sortir à une semaine d’intervalle ? C’est tout simple. Lorsqu’une œuvre tombe – comme on dit – dans le domaine public, chacun est libre de s’en emparer, sans payer de droits d’auteur et sans demander d’autorisation à quiconque. Il se trouve que la Guerre des boutons, le livre de Louis Pergaud, aurait dû tomber dans le domaine public 50 ans après le 1er janvier suivant sa mort, c'est-à-dire le 1er janvier 1966. Mais, tel ne fut pas le cas. Et là, je demande toute votre attention ! En effet, à cette usuelle période de 50 ans, il faut ajouter les deux guerres mondiales. La loi française est très claire – sinon très logique – sur ce point. Les périodes de guerre ne permettant pas aux écrivains de jouir normalement de leurs droits d’auteur, on ajoute donc aux fameux 50 ans, 6 ans et 152 jours pour la Guerre de 14-18 et 8 ans et 119 jours pour la Guerre de 39-45. Ne cherchez pas, ces périodes ne correspondent absolument pas à la véritable durée de chaque conflit, mais c’est comme ça ! Et ce n’est pas tout ! Il se trouve que notre brave Louis Pergaud – lauréat du huitième Prix Goncourt, en 1910 – rendit l’âme dans les tranchées de Verdun en avril 1915. Autrement dit, l’auteur de la Guerre des Boutons est mort, selon l’expression consacrée, « pour la France », ce qui allonge de 30 ans la durée de ses droits d’auteur. Heureux héritiers ! Donc, récapitulons : 50 ans + 6 ans et 152 jours + 8 ans et 119 jours + 30 ans = le 28 septembre 2010, CQFD !   N’ayant donc d’autorisations à ne demander à personne, deux équipes s’étaient, chacune dans leur coin, mises à travailler sur le même projet. Pour être plus précis, une troisième équipe, menée par le cinéaste Alexandre Castagnetti, par ailleurs cofondateur du duo la Chanson du dimanche, était également au travail. Bénéficiant d’un moindre budget, il abandonna son projet, pourtant le plus fidèle à Pergaud, puisque situé avant la Guerre de 14 et dans sa Franche-Comté natale.   Seuls, si l’on peut dire, restaient donc en lice deux équipes, chacune espérant bien que l’autre jetterait l’éponge, comme l’avait fait Baz Luhrmann, abandonnant son film avec Leonardo DiCaprio dans le rôle d’Alexandre le Grand, lorsqu’il découvrit qu’Oliver Stone préparait son propre Alexandre, avec Colin Farrell.   Cette fois, et comme ce fut le cas avec les deux adaptations concomitantes de l’œuvre de Choderlos de Laclos, les Liaisons dangereuses de Stephen Frears et Valmont de Milos Forman, personne n’abandonna et la lutte fut sévère. Anticipant de plusieurs mois les dates de sorties prévues, chacun accéléra la préparation et le tournage de son film, pour être prêt le premier, faisant travailler jour et nuit des laboratoires cinématographiques français et belges pour, finalement être, presque, ensemble sur la ligne de départ.   Sorti le premier, ce film attira 635.321 spectateurs en première semaine, alors que la version de Christophe Barratier, une semaine plus tard, en séduira 521.424. Après un mois d’exploitation, les scores des deux films étaient très proches : 1.400.000 spectateurs pour Christophe Barratier, 1.395.000 pour Yann Samuell. Pas de vainqueur, pas de vaincu, la guéguerre des boutons, n’aura pas eu lieu. 


Réalisateur
Yann Samuell
Avec
Alain Chabat, Eric Elmosnino, Fred Testot, Louis Lefèbvre, Mathilde Seigner, Théo Bertrand, Tom Terrail, Tristan Vichard, Victor Le Blond, Vincent Bres, Arthur Garnier, June Maître, Antonio Tavarez, Paloma Leneaut, Theo Fernandez

Durée  109 minutes
Couleur  Oui
Pays  France
Année de sortie française 2011
Restriction  Tous publics
Production  One World Films
Scénario  Yann Samuell
Musique  Klaus Badelt
Langue  VF
Catégories
Du vieux papier vers l’écran,Sales gamins, Provinces de France, Oxygène et grand espaces,Comédie, Nouveautés
Mots-clés
relation mère fils, moissonneuse batteuse,insulte, Guerre d'Algérie, ferme, classe, cabane, bagarre, instituteur, enfant, écolier, rivalité

dimanche 27 mai 2012

MYSTIC RIVER


Un film de Clint Eastwood


Je suis une inconditionelle…


Mystic River





Etats-Unis, 2003
De Clint Eastwood
Scénario : Brian Helgeland d’après le roman de Dennis Lehane
Avec Sean Penn, Kevin Bacon, Tim Robbins, Laurence Fishburne, Marcia Gay Harden, Laura Linney
Photo : Tom Stern
Musique : Clint Eastwood
Durée : 2h17
Sortie : 15 Octobre 2003



FESTIVAL DE CANNES 2003 - Jimmy, Sean et Dave sont trois amis d’enfance qui ne font désormais plus que se croiser. Lorsqu’ils étaient plus jeunes, Dave avait été kidnappé devant ses compagnons de jeu, puis violé pendant quatre jours, avant de s’échapper. Vingt-cinq ans plus tard, l’assassinat de la fille de Jimmy oblige les trois hommes à se retrouver.


ON ENTERRE NOS PECHES, ON NE LES EFFACE PAS









Nouvelle merveille signée Clint Eastwood et adaptée du roman éponyme de Dennis Lehane, Mystic River est une tragédie profondément américaine, s’interrogeant sur les marques que laisse un acte de violence sur sa victime et son environnement. Au premier plan, un meurtre; celui de Katie, la fille de Jimmy Markum – interprété par Sean Penn. Composant tout en finesse, Penn incarne parfaitement ce personnage torturé par une douleur intense, dont il est contraint d’accepter les conséquences. Alors qu’il essaye de l’apprivoiser, il se laisse consumer par un désir obsessionnel de vengeance qui ne sera assouvi qu’une fois qu’il aura trouvé et tué le coupable. Pour mener l’enquête: Sean Devine (Kevin Bacon qui signe une prestation sobre, intériorisée, remarquable et déconcertante), le seul des trois camarades à avoir quitté leur quartier d’enfance. Reconverti en inspecteur de police criminelle, sa vie se résume à aller d’un corps ensanglanté à un autre, tel un vampire monotone. En toile de fond, un viol; celui de Dave Boyle. Secret, renfermé, toujours sur la défensive, le trauma qu’il a subi dans son enfance l’a transformé en zombie errant. Jouant de son physique, Tim Robbins apporte une certaine humanité à ce personnage totalement anéanti. Ces trois protagonistes sont inévitablement liés par ces drames. Ils subissent chacun de leur côté une lente torture, sorte de maladie incurable révélée lors de l’enlèvement de Dave, et qui s’est étalée sur vingt-cinq longues années. Le passé qui les hante rattrape soudain le présent dans lequel ils se débattent pour se créer un avenir incertain. Comme dans Impitoyable, la fatalité dévastatrice guide les héros sur une voie sans retour. Se transformant en personnages "eastwoodiens" par excellence, ils doivent apprendre à composer avec les aléas de la vie, l’âge et leur entourage.
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Derrière ces trois fantômes humains, trois femmes s’activent dans l’ombre pour essayer de prendre part à leur existence, voire dans certains cas la diriger. Lauren Devine (Tory Davis) a quitté son mari et le harcèle jour et nuit par téléphone. Rarement présente physiquement - ni même oralement puisqu’elle reste inlassablement muette derrière le combiné - elle représente une agression morale pour Sean, le consumant peu à peu, le laissant en proie à tous les doutes et idées noires qui le rongent. Annabeth Markum et Celeste Boyle ont dans un premier temps une fonction de liant entre leurs deux maris. Cousines germaines issues d’une grande famille mafieuse, elles établissent un double lien entre les deux hommes qui ajoute une tension supplémentaire à leur relation. Annabeth Markum (surprenante Laura Linney) est un personnage à fort caractère. Fière, toujours sur ses gardes, elle a une influence primordiale sur son mari, allant jusqu’à prendre contrôle de la situation face à l’épuisement et l’égarement de Jimmy. Telle une Lady McBeth (à noter l’analogie des noms) elle l’élève au statut de roi dans un monologue final étourdissant. A l’opposé, Celeste Boyle, interprétée tout en nuance par la talentueuse Marcia Gay Harden, se voit submergée par les évènements. Face à un mari absent et énigmatique, avec lequel toute communication est impossible, elle est obligée de faire marcher son imagination, causant sans le vouloir la perte de celui qu’elle tente de protéger. Alors qu’elle n’a pas vécu, ni même eu connaissance, de l’épisode traumatique qui a volé la jeunesse de Dave, Jimmy et Sean, elle en est l’une des victimes au même titre qu’eux.


THERE ARE STORIES A RIVER CAN TELL




Gardienne de tous ces secrets, à la fois menaçante et accueillante, la Mystic River du titre coule en arrière plan de l’œuvre. Symbole de Boston, elle cache en elle toute la violence de cette ville, qui apparaît peu à peu comme un élément déterminant de l’intrigue. Le quartier d’enfance des trois hommes, dans lequel habitent toujours Dave Boyle et Jimmy Markum, est marqué dès le début du film par un esprit communautaire très fort. C’est un lieu qui a sa propre conscience, sa propre identité, ses propres lois, le tout conditionnant l’existence de ses habitants. Il devient un protagoniste à part entière, un microcosme oppressant qui joue un rôle significatif dans les rapports entre les trois anciens camarades. Dans cette optique, le personnage de Whitey Powers (Laurence Fishburne) se pose comme un observateur de cette communauté et des évènements qui la bouleversent. Policier noir américain débarqué en territoire irlandais dominé par la mafia, il représente l’étranger venu de nulle part pour dénouer une situation conflictuelle que l’on retrouve dans la plupart des films du réalisateur. C’est grâce à sa complicité subtile avec son partenaire Sean Devine qu’il parvient à accéder à ce monde fermé. Tout en restant objectif, il essaye de comprendre et de découvrir les secrets que cache cette Mystic River.


Pour compléter cette ambiance bostonienne véhiculée aussi bien par les rapports entre les personnages que par leur accent, Clint Eastwood a créé une certaine atmosphère de décadence, soulignant l’aspect dramatique et mystique de la situation. L’automne précoce de la Nouvelle-Angleterre avec ses chutes de feuilles, son froid glacial et ses pluies incessantes apportent à l’action ce climat particulier de décrépitude. Les robes légères de première communion laissent place aux lourds manteaux sombres d’hiver. Le climat suit l’intrigue, imprègne ses personnages. Les jours raccourcissent, ne laissant bientôt place qu’au crépuscule et à ses fantômes. Ce dernier point est accompagné par un travail très précis de Tom Stern (le chef opérateur) sur les éclairages. Alors que Sean Devine et Whitey Powers avancent dans leur enquête mettant à jour tous les secrets du quartier, la lumière s’assombrie. La nuit tombe sur un nouvel acte de violence, remettant en route le cercle inexorable du destin. Cette importance de la luminosité est un point récurrent dans la carrière de Clint Eastwood. Tous ses films sont chargés d’un jeu incessant avec les éclairages comme éléments constitutifs d’une ambiance particulière.


LE CLASSICISME DE LA NOUVEAUTE




Cette intrigue puissante à la texture complexe est merveilleusement accompagnée par une réalisation classique et épurée. Signant une mise en scène limpide, permettant de suivre le moindre rebondissement, Clint Eastwood pousse son art jusqu’à ses limites, sans jamais tomber dans le trop-plein de sentiments ou le surplus d’effets. En témoigne le dénouement de la sublime scène d’affrontement entre Dave Boyle et Jimmy Markum. Un éclat de lumière blanche pour résumer en un électrochoc tous les tenants et aboutissants du drame que viennent de vivre ces personnages. Il propose un travail d’une grande virtuosité sur la valeur des cadres et l’enchaînement des plans. Alors qu’il filme une histoire intime, il garde une certaine distance par rapport à ses sujets, jouant sur l’alternance entre proximité et éloignement. A de nombreuses reprises, il filme certaines scènes en prises de vues aériennes comme pour signifier un œil extérieur omniscient, un être suprême qui dirigerait le destin de tous ces individus. Une marque de réalisation caractéristique du cinéaste. S’étant contenté de rester derrière la caméra, le maître fait également preuve d’une direction d’acteurs irréprochable. Chaque réplique sonne juste, chaque mouvement est à sa place. Le tout est accompagné d’une sublime musique en totale adéquation avec le sujet, écrite et interprétée par Clint Eastwood lui-même et son fils Kyle. Une unité qui fait de Mystic River un réel chef d’œuvre, et sûrement l’un des meilleurs films du réalisateur.

Julie Anterrieu
 voir aussi mon autre blog  "les voyages d'eolis" sur     http://barbarajo.blog2be.net