Ma chère maman a
rejoint son cher mari le Colonel Jolivet, officier de la Légion d’Honneur et de
l’Ordre National du Mérite et ses chers enfants Marianick (+ 1951) et
Louis-Joël (+1988)
Maman,
Merci tout d'abord pour ce soleil magnifique qui allège un peu ma peine aujourd'hui
Nous voici rassemblés aujourd’hui pour évoquer cette grande dame que tu étais, une grande figure de la vie patriotique locale aussi.
Elevée dans une famille aimante, aînée de deux frères, elle passe trois années de scolarité aux Cotill’s à Guernesey, d’où le prénom qu’elle m’a choisi plus tard car c'était celui de sa meilleure amie…
L’été 1939 elle revient au pays et pas question de retourner dans son cher collège, la guerre est là, et elle poursuit ses études à Lézardrieux. En juin 1940, elle n’a encore que quinze ans, et son père, le commandant Fernand Mudès, pacha du Chateauroux, regagne Londres pour se mettre à la disposition du Général de Gaulle. Commencent alors pour toute la famille qui demeure à Bégard les angoisses de l’Occupation, surtout que deux chambres sont réquisitionnées à la villa familiale pour un officier allemand et son aide de camp – Inutile de dire que la cohabitation est très pénible, surtout pour une mère ayant en charge sa propre mère veuve de 14-18 et trois enfants de 15, 10 et 5 ans
Marie Thérèse a alors l’idée de passer le brevet de secouriste à la Croix Rouge, ce qui lui sert surtout à porter le fameux brassard, sésame des barrages allemands de la Bretagne occupée. Tout naturellement elle pousse encore plus loin son patriotisme déjà chevillé au corps et à l’âme pour intégrer un réseau maquisard sous les ordres de François Tassel, alias « commandant Gilbert) – que j’ai pu joindre au téléphone et qui était bouleversé du départ de sa chère Mythé, le nom qu’avait pris maman pendant la Résistance – Entre divers transports de messages, cachés dans sa pompe à vélo ou les poignées de sa bicyclette bleue ( si, si) ou encore dans ses bottes, et elle prend une part de plus en plus active , transportant parfois des armes et sachant manier une grenade, au cas où…
Mais le bonheur arrive enfin à nouveau : 1945 = le papa revient, auréolé de son séjour londonien et après un épique transport de convoyage du Trésor de la Banque de France mis en sûreté en Martinique, puis c’est la connaissance de son futur mari, Louis, lors de la Fête-Dieu 1945 et qui revient lui de cinq années de captivité en Allemagne en Prusse orientale (Nuremberg d’abord puis Zeithain) – Elle lui déclare : « Comme vous avez dû souffrir » - Trois mois plus tard ils se marient, et, ironie du sort, papa est affecté en Allemagne au titre de l’armée française d’occupation cette fois-ci !
Ensuite ce sont cinq années en Algérie, au Sahara, à Ouargla, une oasis très au sud, où la vie décalée des « ex-pats » les entraîne dans l’éblouissement de la découverte du désert. Mon frère et ma sœur y naissent.
Suivront ensuite différentes villes de garnison= Brest, Rennes, Metz et enfin Paris, où, commençant mes études universitaires en Sorbonne au début des années 70 maman s’inscrit également à mes côtés, en auditeur libre et se passionne pour les cours du professeur Thierry-Monnier sur « La Queste du Graal » de Chrestien de Troyes.
1976 sonne l’heure de la retraite et c’est à Ploumanac’h où ils ont fait construire la villa familiale - c’est alors une vie associative active qui commence pour eux deux , intégrant les associations locales, militaires et patriotiques, activités que poursuivra maman même après le décès de son cher époux en 1999 –
OUI c’est une vie riche, en voyages, en découvertes, en amitiés…
C’est dans cette énergie qu’elle a toujours montrée que je peux puiser aujourd’hui pour faire face à sa disparition et au vide immense qui s’est installé en moi.
Combien de fois, depuis quelques jours, me suis-je dit, « tiens, il faudrait que j’en parle à maman », « tiens, c’est un livre ou une émission qui lui plairait… »
Cette énergie extraordinaire qui l’a animée tout au long de son existence et qui - même dans la maladie - ne l’a pas quittée, est à présent un trésor pour moi.
La multitude des souvenirs qui s’entrechoquent dans ma tête est la preuve à la fois de l’importance qu’elle avait dans ma vie et de la richesse de ce qu’elle m’a apporté.Aujourd’hui Maman, je veux que de là-haut, tu saches comme tu m’as rendue heureuse grâce à toute cette joie communicative qui émanait de toi.
Quand on est un bébé, c'est maman qui nous nourrit, qui nous cajole, nous lave et nous apprend la vie.
La nuit quand on pleure, elle vient nous réconforter, et bercé par sa douceur, on s'endort calmé.
Quand on devient enfant, on l'appelle "maman", elle s'occupe de nous toujours aussi gentiment que possible. Quand on devient adolescent, elle devient la mère, et c'est souvent qu'on la fait se mettre en colère. Mais malgré cela, elle est toujours présente pour nous,
Car cette maman là, vraiment, elle nous aime beaucoup.
Quand on est plus grand, elle est notre confidente, et son acuité reste des plus saisissantes. Puis vient le jour où l'on part pour vivre sa vie,
Où le travail d'une existence a abouti.
Quand on devient adulte, on repense à ce temps, où cette femme belle et élégante, s'occupait si bien de nous. Oui, qu'il faisait bon vivre à la maison, maman,
Et c'est vraiment bien peu dire, combien je t' aime beaucoup.
Merci pour cet amour que tu m’as donné,
Merci pour cette maman que tu as été.
Cette voix si douce et jamais plaintive restera pour toujours dans mon cœur
« sois heureuse ma chérie » me répétait-elle.
Si je le suis, Maman, c’est grâce au bagage empreint de tendresse, d’amour et de fierté que tu m’as transmis depuis ma naissance et sans jamais flancher.
Toute ma tendresse
Et… « au revoir là-haut » où une nouvelle étoile brille maintenant au firmament céleste...
ALLOCUTION AU NOM DU SOUVENIR FRANçAIS
" Aussi grande par ce qu’elle a fait (à 17 ans, transporter des munitions dans les bois de Pédernec en pleine nuit durant l’occupation, ce n’est pas vraiment rien quand on connait les risques encourus) que par sa modestie. Une résistante modeste, trop modeste même, car certains ont accédé aux plus hautes décorations, sans avoir son passé et ses mérites … Ainsi va la vie .. On était en train d’essayer de rattraper le temps perdu sur ce point. Mais le temps perdu ne se rattrape jamais …
Certains d’entre vous l’ont connue bien mieux que moi. Une personne modeste, soucieuse de son aspect, dynamique, lucide, enjouée, telle m’est-elle apparue lors de la remise de notre Médaille de Vermeil, en ce début Janvier, dans la maison de retraite de Tréguier.
Kenavo, comme on dit en breton
Que cette terre bretonne qui vous a vu naître soit douce pour votre repos éternel "