Le 15 septembre, l’Atlantique est toujours extrêmement agité
Accueil » Analyses météo » Analyse des systèmes météo » Perturbations diverses » Le 15 septembre, l’Atlantique est toujours extrêmement agité
Le 15 septembre 2020
à 14:30
Rappel: les informations et illustrations de ce site ne SONT PAS DESTINEES à la sauvegarde des biens et des personnes vis à vis des risques cycloniques. Pour ça, il vous faut suivre les infos et recommandations de votre préfecture pour la France et des autorités compétentes pour les autres territoires.
L'Arc antillais au bord de la crise de nerfs
Les réseaux sociaux ont connu un nouvel épisode de fièvre météorologique la semaine dernière. La raison est toujours la même, à savoir l’accès à une donnée spécifique qui est utilisée à mauvais escient. Certaines pages météo sur les réseaux sociaux publient des infos à une échéance extrêmement longue sans informer que les prévisions à cette échéance sont plus qu’incertaines. Ces publications sont prises pour argent comptant par un public le plus souvent pas en capacité de faire la part des choses et qui partage son inquiétude inlassablement. Au final, on a encore connu une fin de semaine dernière totalement hors de propos vis-à-vis d’une menace non avérée.
Ça devient un véritable problème dont la fréquence ne fait qu’augmenter depuis 2 ou 3 ans. Et bien sûr, lorsque l’on est dans une saison anormalement active comme cette année, tout cela prend des proportions délirantes. Il est du devoir de chacun de limiter au maximum le partage d’infos qui ne sont pas expertisées. Une sortie de modèle brute à 180 heures n’est pas une information. C’est une simple donnée hypothètique qui n’a d’intérêt que si elle est confrontée à d’autres données. Lorsqu’elle est utilisée en affirmation sur un ton alarmiste (ou l’inverse sur un ton “bisounours ”) ça devient une fake-news qui peut avoir des conséquences importantes.
Comprendre les graphiques du NHC pour prendre du recul sur les partages
La quasi totalité des gens sur les réseaux sociaux qui vivent en zone cyclonique connaissent le site du NHC et ses célèbres graphiques. Mais combien connaissent les spécificités de chaque représentation graphique ? il est pourtant très important de comprendre à quoi correspondent chaque zone pour ne pas s’affoler inutilement et ne pas affoler les autres.
Tant qu’une perturbation n’est pas classée en cyclone (dépression, tempête ou ouragan) elle peut faire l’objet d’un suivi de la part du NHC. Il lui est attribué 3 données spécifiques :
- Un risque de renforcement cyclonique à 48h
- Un risque de renforcement à 5 jours
- La zone de risque de renforcement à 5 jours.
Dans l’image à gauche on voit la zone monitorée en sortie d’Afrique. Il lui est affecté sur le bulletin de 14h un risque de renforcement cyclonique de 50% à 48h et de 70% à 120h. Une zone (hachures rouges) est définie dans laquelle le renforcement est le plus probable.
Cette zone n’est pas un cône d’incertitude !
Il y a autant de risques que le classement se fasse à un endroit qu’à un autre. Cette zone est définie en fonction de la vitesse de déplacement, et de sa trajectoire actuelle.
Si il existe un consensus chez les modèles majeurs, la zone tiendra compte de ce consensus de trajectoire.
En l’absence de consensus, la zone sera assez linéaire.
Ça a été le cas pour Teddy.
La zone de prévision, en l’absence de consensus, était tendue vers l’arc antillais (comme sur l’image au dessus). Dès le classement en dépression, la zone a été remplacée par une trajectoire et un cône d’incertitude avec une inflexion largement marquée vers le nord. En 10 mn on est passé d’une zone rectiligne à une trajectoire incurvée. Il n’y avait aucune différence de prévision entre les 2, juste une différence de méthode.
Je le répète, il est très important de comprendre ce fonctionnement pour éviter de s’inquiéter inutilement.
Pour finir, vous noterez que le NHC ne donne des prévisions qu’à 120 heures maximum.
Pour les perturbations les zones sont pour les 5 jours à venir et pour les cyclones le cône d’incertitude est à 120 heures.
C’est tout simplement parce que l’incertitude au delà de cette échéance est trop importante pour faire des prévisions pertinentes. Tenez-en compte lorsque vous voyez une publication qui affirme quoi que ce soit au delà de cette échéance.
L'Atlantique est toujours très agité
Même si nous avons passé le pic statistique de la saison, le bassin Atlantique ne semble pas spécialement s’en préoccuper. 2 ouragans, 2 tempêtes (dont une, Teddy, devrait rapidement passer en ouragan), 2 Invests et une perturbation monitorée. Pas moins de 7 zones perturbées suivies par le NHC depuis près d’une semaine, c’est totalement nouveau. Le fait que nous soyons à la lettre V au 15 septembre, et donc à 1 seule lettre (W) du passage à l’alphabet grec est aussi une grande première.
Lors de la saison 2005, la plus active avant celle-ci, le nom Alpha avait été utilisé le 22 octobre.
Bref 2020 entrera probablement dans l’histoire comme la saison la plus active depuis 1850 en nombre de cyclones.
À noter que le NHC monitore une perturbation sur 45N. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu une telle situation par le passé, mais le réchauffement de l’eau sur l’Atlantique risque de rendre ces situations plus fréquentes dans les années à venir.
Il nous faut aussi l’humilité d’assumer que, pour le moment, nous avons eu énormément de chance sur l’arc antillais. Il est probable que sans l’ouragan Paulette à son nord, Teddy aurait bien plus menacé l’arc antillais … dans de l’eau plus chaude. Donc soyons heureux de cette situation mais ne minimisons pas la réalité de l’activité de la saison.
L'Invest 98L
Une nouvelle perturbation sortie d’Afrique ce WE s’organise peu à peu sur l’Atlantique. Le NHC lui donne un risque de renforcement de 70% à 5 jours. Pour le moment ni le GFS ni l’ECMWF ne développent cette perturbation. Le GFS voit un petit renforcement en dépression avant une dissipation sur une trajectoire assez NW (mais avec une grande disparité entre ses membres (sous-modèles) alors que l’ECMWF ne voit pas grand chose se passer.
Chez les autres modèles, ce sont essentiellement le CMC (modèle global) et l’HWRF (modèle régional) qui le développent en cyclone. Le CMC sur une trajectoire très nord (proche de celle de Teddy) et l’HWRF sur une trajectoire plus tendue vers l’ouest.
Pour le moment, sa vitesse de déplacement inférieure à 20 kmh ne permet pas d’avoir une vision précise de son avenir vis-à-vis de l’arc antillais. Les modèles sont assez divergents sur leur prévision à 120 heures un peu comme pour Teddy et pour les mêmes raisons en terme de trajectoire. Comme je l’ai expliqué dans un article précédent, la présence d’un ouragan au NW pose pas mal de problèmes aux modèles parce que le moindre petit écart de vitesse ou de trajectoire du premier peut avoir des conséquences importantes sur la trajectoire du second.
Je referai un point spécifique dessus si il est classé en cyclone.