Chronique du vingt-six du mois de juillet en l'an terrible de la Grande Dissolution.
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Eut-il encore fallu que Haridelle de la Tombale la fermât de ses tuyaux mal embouchés pour que point de pluie ne tombât. |
Le Roy exultait. Lutèce était la capitale du monde et il en était le phénix. On était à quelques heures de la grande cérémonie nautique qui ouvrirait les Olympiades, lesquelles avaient cependant déjà commencé par quelques joutes de balles. Notre Orgueilleux Amphytrion recevait à cette occasion au Château les têtes couronnées qui avaient fait le voyage de Lutèce pour assister aux festivités. Celles-ci promettaient d'être grandioses.
Sa Honteuse Compromission réserva au Conducator de l'Argentina, le signor Milenul, ainsi qu'au président de l'Israel un accueil des plus particuliers, puisqu'il leur faisait le grand honneur de les recevoir dans un tête-à-tête. Le signor Milenul avait déjà fait l'objet de toutes les attentions royales. Un diner avait été organisé en son honneur à quelques temps de là. Ce Milenul était un homme des plus brutaux et inconvenants. Il avait pour oracle un de ses canins, passé de vie à trépas, qu'il avait fait embaumer et qu'il consultait fort souvent. Il passait l'essentiel de son temps en visites à l'étranger, cependant que la vice-conductrice, la signora de la Vile-Ruelle gouvernait le pays. Madame de la Vile-Ruelle méprisait fort notre pays, et ne perdait jamais une occasion de le faire savoir. Les joutes de balle au pied lui en donnaient moult occasions. Les hommes-lige du Conducator avaient aussi toutes les tendresses pour d'anciens bourreaux qu'on avait mis sous les verrous sous le régime précédent. Parmi ces bourreaux, il s'en trouvait un qu'on appelait "l'ange blond" et que la justice de notre pays avait condamné par contumace pour avoir causé la mort dans d'atroces souffrances de deux Riennes, nonnes de leur état.
La grande question était de savoir si le Ciel serait clément sur les fêtes olympiques. Depuis la veille, de lourds nuages s'amoncelaient sur Lutèce, crevant en pluies abondantes. La faute en était sans conteste à la cantatrice Haridelle de la Tombale. Le Roy, qui la prisait fort, ainsi que son époux, monsieur de Béhachelle, l'avait priée de se faire entendre quelques jours auparavant, lors des festivités du quatorze de ce mois de juillet. La prima donna s'était pour l'occasion grimée en lampadaire ou en tuyau - on n'avait trop su lequel de ces deux accessoires avait été utilisé.
Il se murmurait aussi que c'était à la présence de l'ancien Roy Françoué dit le Flan -il faisait partie des Invités de marque - que l'on devait la pluie redoutée par les Grands Savants de l'institut-Du-Temps-Kilfera. On les consultait fiévreusement, la réponse de leurs grenouilles indiquait invariablement des trombes d'eau sur Lutèce.
Julie d'Aiglemont