lundi 30 juin 2008

MOCHIMA ET PLC



Départ après avoir fait l’appoint d’eau et de carburant. On croit rêver : ici l’eau coûte plus cher que le mazout. Environ 100L de mazout et 33L d’essence nous coûte 9.500 bolivars, soit environ 3,5 euros. Et encore, on n’a pas bénéficié du tarif local, mais de celui appliqué aux bateaux étrangers. A ce prix, on aimerait remorquer un énorme tanker ! Pas étonnant que beaucoup de pêcheurs vénézuéliens fassent du trafic d’essence contre du matériel hifi ou électroménager, avec les Antilles françaises ou néerlandaises.
Journée de courte navigation, sans vent, sous soleil de plomb. On déteste naviguer au moteur (je n’aime pas ça non plus, ça fait du bruit et c’est souvent moins confortable), mais il se console avec une belle prise : une dorade coryphène. On en mange la moitié de suite, crue, avec citron et sauce soja. L’autre moitié sera mangée cuite le soir. On s’est arrêté dans la grande et belle baie de Mochima, très verdoyante. On en fait rapidement le tour le lendemain matin, à la voile, sous une petite brise. Ca fait du bien tout ce vert après des mois de terre rouge et sèche. Ici, la pluie tombe en suffisance pour que poussent herbe, plantes, et même arbres. On sort de la baie par un long chenal et on ancre quelques heures juste à l’extérieur, au creux de l’îlot de Garrapata. On plonge sur le récif avec mpt (masque, palmes et tuba). Le corail est très beau, parsemé de roses de corail dont les tons se déclinent du bleu pâle au rose saumon en passant par le bleu turquoise et le bleu roi. On poursuit ensuite notre route en longeant les falaises de la côte. Elles sont très découpées et abruptes. Nous allons jusqu’à El Tigrillo, et nous choisissons un petit mouillage sauvage et isolé. Nous y sommes seuls. Nous oublions un peu les conseils de prudence qui recommandent de naviguer, et surtout mouiller, au moins à deux bateaux. Le coin est un peu perdu, nous n’avons vu que quelques baraquements de pêcheurs de-ci de-là. Nous sommes en vue des petites îles Caracas, mais encore loin de Puerto la Cruz, ville de tous les dangers. Christian passera tout de même la première nuit dans le cockpit. Mais il n’y a ici effectivement que du calme, des fonds marins magnifiques et quelques pêcheurs au loin. Le lendemain, nous plongeons en snorkeling autour d’un îlot au milieu de la baie. Pas loin de nous, des dizaines de dauphins apparaissent, bondissants. Nous grimpons dans le dinghy, essayons de nous en approcher. On aimerait nager avec eux. Mais ils ne sont pas d’humeur ludique et ils ne se laissent pas approcher de tout près. Dommage !
Nous passons quelques jours là à jouer les Robinson, puis il nous faut poursuivre notre route vers Puerto la Cruz.
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Puerto la Cruz, c’est l’occasion d’un gros avitaillement, car il nous manque beaucoup de choses à bord, y compris des produits de base tels que farine, lait, œufs, jus…


 la marina Amerigo Vespucci à Puerto la Cruz

La belle lagune de Puerto la Cruz et ses constructions chics mais un peu kitsch, pour Vénézuéliens fortunés...













 

mercredi 16 avril 2008

MOUSTIQUE & Cie

Ile Moustique, les coulisses du rêve




Au mouillage de l'île Moustique depuis deux jours, nous sommes subjugués par la beauté et la pureté des paysages. Il ne manque plus que le nain Tatoo accompagné par son inséparable Mister Rourque pour que l'île fantastique soit au rendez-vous de nos fantasmes; un véritable royaume des Télétubbies ou des Bisounours.
Il est vrai que ce sont les plus belles plages de sable impalpable que nous ayons rencontrées depuis le début du périple: eau transparente à souhait, réserve naturelle, l'île regorge de spots de snorkeling où foisonnent les plus beaux poissons tropicaux, les palmiers sont parfaitement alignés sur la plage.
Le gazon est tondu dans les règles de l'art, les autochtones se baladent en chemise blanche et bermuda dans des minimokes ou des voiturettes de golf.
Le paradis sur terre ou presque.
L'image est vraiment idyllique, l'archétype du bonheur tropical un peu écœurant.
Lieu de résidence de Mike Jagger, David Bowie, la famille royale d'Angleterre, les villas en bord de plage sont somptueuses, les demeures au dessus des collines complètement hors norme.
"L'île fut vraisemblablement aperçue par les Espagnols à la fin du xve siècle avec les autres îles environnantes qu'ils nomment « Los Pájaros » (Les Oiseaux).
Au xviie siècle, ces îles deviennent des repaires de pirates puis des lieux de plantation de canne à sucre mais Moustique ne reste pas habitée en permanence en raison de l'absence d'eau douce.
En 1958, Moustique est achetée pour 45000 dollars par Lord Glenconner qui la transforme en lieu de villégiature. En 1960, la princesse Margaret accepte en cadeau de mariage une parcelle sur laquelle elle fait construire une villa, Les Jolies Eaux, qu'elle occupera à de nombreuses reprises.
En 1989, la « Mustique Company » est créée afin de faire prospérer et protéger l'île en l'aménageant et en gérant les infrastructures (routes, eau, électricité, aéroport, etc.). Les actionnaires de la Mustique Company ne peuvent être que des résidents de l'île. Cette société a construit jusqu'à 89 villas qui sont louées en général à des personnes fortunées (célébrités diverses, membres de familles royales, etc…)." in Wikipédia.
Quelques magasins hors de prix: 4 baguettes et 6 pains au chocolat pour 35 €.
Et surtout, son petit village de pêcheurs tellement pittoresque: un vrai bidonville au paradis, avec ses maisonnettes délabrées et sordides. Les sanitaires sont complètement pourris, les conditions d'hygiène déplorables. Ces pêcheurs saisonniers vivent dans des masures, à deux pas des luxueuses propriétés, entassés les uns sur les autres dans la crasse. Une simple palissade de bambou et on passe de la Cité de la joie à l'île fantastique.
Comment un microcosme aussi réduit, un ilot aussi minuscule que Moustique, où tout le monde se connaît, peut-il tolérer pareille situation?
200.000 ou 300.000 euros suffiraient pour tout rénover.
La moindre villa en location à Moustique coûte 10.000 dollars la semaine. Le caractère saisonnier des travailleurs justifierait-il cette misère ?
Quelle indifférence doit-on manifester pour rejoindre tous les jours le magasin 'd'objets d'art' sur le chemin du village de pêcheurs ?
L'île aurait-elle besoin de cela pour garantir son authenticité ?
Les choses sont sans doute beaucoup plus simples: l'égoïsme ordinaire, l'aveuglement ou la justification de l'inacceptable, mettant en avant le caractère volontaire de l’habitat des pêcheurs et de leur démarche saisonnière (il ont choisi de venir).
Hier soir, c'était la fête sur la colline. Dans des maisons qui ressemblent à des palais, illuminées par des milliers de lampes scintillantes, des torches brulaient par dizaines, des écrans géants éclairaient le ciel.
En bas, au village des pêcheurs, devenu sans doute malgré lui l'équivalent du village africain à l'expo de 53, un pêcheur retraité tente d'extirper son vieux fauteuil roulant de la glaise qui colle à ses roues.
La misère est intolérable, elle l’est d’autant plus quand elle vient se juxtaposer à des images dégoulinantes de paradis sur papier glacé.

lundi 31 mars 2008

EN MARTINIQUE




 Nous sommes dans la baie du Marin et dans celle, toute proche, de Ste Anne pendant une douzaine de jours. Plages de sable blanc, cocotiers, chaleur du soleil et de l’accueil : un cocktail fort agréable.



C’est à partir du mouillage dans la Grande Anse d’Arlet sur la côte ouest que nous louons une voiture pour visiter l’Habitation Clément. Ce terme d’Habitation désigne l’ensemble des terres et des bâtiments qui formaient un domaine d’exploitation agricole.

L’Habitation Clément est une distillerie. La maison de maître est intacte et superbement meublée. Tout un musée retrace l’histoire de la fabrication du rhum. Les martiniquais sont fiers de leur rhum blanc (AOC depuis 1996) et s’offusquent quand on le confond au rhum industriel qui n’est qu’un sous-produit de la canne à sucre obtenu à partir de la mélasse. nous allons quand même jusqu’au bout de la presqu’île de la Caravelle où il reste quelques ruines d’une gigantesque habitation sucrière : le Château Dubuc. Toutes ces grandes exploitations se sont effondrées avec l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 suite à un décret préparé par Victor Schœlcher.

Notre dernier mouillage fut devant St Pierre, la ville qui subit en 1902 la terrible éruption de la Montagne Pelée. Très peu de vestiges : tout a été détruit par la nuée ardente. Ce cataclysme fit 30 000 morts. La ville qui était la capitale économique de la Martinique renaît doucement de ses cendres mais a perdu son importance d’antan

mardi 18 mars 2008

DE GUADELOUPE A LA MARTINIQUE

 
 
Nous longeons tranquillement la côte ouest de la Guadeloupe, île volcanique à la forme d'un papillon, divisée en 2 parties: Grande Terre au relief vallonné qui abrite le volcan de la Soufrière et Petite Terre au visage plat.



La Guadeloupe, une star aux allures de papillon.
 
L’archipel guadeloupéen est une famille d’îles où chacune garde sa propre identité.
La Guadeloupe, île mère aux allures de papillon est composée de deux îles séparées par une rivière dite salée, car c’est en réalité un bras de mer. Ses dépendances sont toutes différentes.
La Désirade est l’île qui se trouve la plus à l’Est de l’archipel, pelée et peu peuplée elle abrita longtemps une léproserie et un pénitencier.
Les Petites Terres sur la route de Marie-Galante défendent un récif protégé par les lois de l’environnement.
Marie-Galante, cette île inventa certainement la paix, tant elle reste tranquille et hors du temps. Elle se situe au Sud de Grande-Terre, tandis que les Saintes au Sud de Basse-Terre accueillent plus de 250 000 touristes par an.
Au Nord de l’archipel des Antilles à plus de 140 milles de la Guadeloupe se trouvent Saint-Bart et Saint Martin. Ces deux dernières sont si éloignées qu’il est difficile de les voir comme des sœurs de la Guadeloupe. Saint-Barth par certains côtés peut faire rêver, mais nous avons plus souvent envie de la fuir, tant le luxe tapageur y est abrutissant.
Saint Martin, escale souvent technique recèle quelques charmes qu’il faut aller dénicher en dehors des sentiers battus.

Petit détour historique

La Guadeloupe a été chahutée par l’histoire qui rebondit d’anecdotes sanglantes en sursauts patriotiques.
La Guadeloupe était habitée par des peuplades venues de l’Orénoque depuis fort longtemps. Des recherches archéologiques menées en mars 2006, sur la place de la mairie de Basse-Terre ont révélé le plus vieil amérindien jamais trouvé en Guadeloupe. Son époque est Huecoïde (-500 avant Jésus-Christ). Il y eut ensuite les peuples venus de Saladero au Venezuela, les Arawaks et les Caraïbes.
En 1493, Christophe Colomb indifférent aux peuplades qui y vivaient, prend possession de l’île au nom du Roi d’Espagne et la nomme Guadeloupe en hommage à « Notre Dame de Guadelupe d’Estramadure ». Il remercie ce jour de novembre, la vierge de l’avoir sauvé d’une tempête qu’il avait subie lors de son premier voyage.
La colonie espagnole ne s’installe pas vraiment sur l’île, ce qui laissera un peu de répit à ses habitants amérindiens. La Guadeloupe occupe au cœur de l’archipel une position stratégique pour les navires marchands qui s’en reviennent des Amériques. Bien souvent les Espagnols ne s’y arrêtent que pour s’approvisionner en eau et en bois avant de traverser l’Atlantique vers l’Europe. Sans réelle défense, elle devient le lieu de « haute villégiature » des corsaires qui sous la bannière à fleurs de lys, arraisonnent les navires espagnols.

Au XVII° siècle, les Français débarquent en Guadeloupe sous la conduite de Lienard de L’Olive et de Duplessis d’Ossonville. Depuis 1635, les Français sont les maîtres de la Guadeloupe, mais ils doivent batailler ferme contre les Anglais qui viennent prendre possession de l’île par trois fois.
L’économie de l’île s’articule progressivement autour des plantations de coton, de café, de canne à sucre, de banane… Elles ne sont rentables que par le recours à la main d’œuvre noire, exportée de force d’Afrique : le bois d'ébène
En 1794, la Guadeloupe est novatrice en matière de droits de l’homme. Victor Hugues le révolutionnaire, établit l’abolition de l’esclavage. Malheureusement, l’économie de l’île n’est pas prête et Bonaparte rétablit l’esclavage en 1802. Quarante sis ans plus tard, Victor Schoelcher vole au secours des ouvriers serviles. Tous les hommes seront libres en terre de Guadeloupe dès 1848.
Le XIX°siècle est marqué par de nombreux soubresauts politiques et économiques. La vie dans les îles est rude. En 1946 la Guadeloupe n’est plus considérée comme une colonie, mais elle fait partie intégrante de la France grâce à son statut de département. Elle deviendra une région en 1974.
La Guadeloupe… les mouillages côté mer des Caraïbes
Sous le vent de Basse-Terre le rivage de la Guadeloupe offre deux mouillages principaux :
Deshaies
 
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L'anse s’appuie sur un village au Nord-Ouest de la Guadeloupe, ce sera notre point de départ pour une visite en bonne et due forme du papillon. Le village a subi quelques transformations depuis notre première venue en 1994. Mais il garde son cachet paisible. Indifférent au passage de ses hôtes navigateurs, il vit sa vie, niché au fond de sa baie profonde, à l’ombre de ses cocotiers. Deux mondes se côtoient. Le premier est résolument terrien ! Il vit de la mer sur terre. Il n’entretient pas un commerce frénétique avec les touristes. Quelques restaurants, un marché matinal, une ou deux boutiques de souvenir, une église, une gendarmerie, une pharmacie, quelques pauvres épiceries, et ses maisons typiques construites au ras de la rue façonnent son profil. Le second monde vient de la mer, s’approvisionne, se repose, vit sa vie sur l’eau et repart.

Le marché se passe très simplement, au milieu du village, sur le trottoir, à même la rue et la circulation, une étale généreuse nous propose tout ce que la Guadeloupe compte de fruits et légumes : oranges, pamplemousses, ananas, mangues, avocats, choux, salades, cristophines. La liste serait bien trop longue si elle devait se prétendre exhaustive, c’est un véritable festival de couleurs et de saveurs. Nous remplissons les sacs nous-mêmes, la marchande pèse plus ou moins, elle arrondit les tarifs à la tête du client.
La plage de Deshaies a des allures surprenantes. Ce n’est pas à franchement parler le type même de plage que l’on pourrait trouver dans les catalogues touristiques. Sur le sable les terrasses des restaurants écroulées attendent la vague qui les fera sombrer. Une maison se disloque sans que personne ne semble y prêter attention. Certaines cases, semblent, en un coup de vent bien dosé, avoir été levées de terre puis précipitées par la pesanteur au sol. Très près de la rive, les demeures récemment construites contrastent par leur blancheur éclatante avec les taudis de bois délabrés. Le ressac des coups de tempêtes de la période d’hivernage a dû en décourager plus d’un !
Qui se souvient de Robert Deshaies, propriétaire à Marie-Galante, qui donna son nom au village? L'Assemblée coloniale l'avait délégué, en 1763, en qualité d'agent de la colonie, auprès de la cour de Londres, au moment de la négociation du traité de Paris.
Mais, Deshaies ne ressemble pas à un village abandonné et vétuste. C’est un village qui soigne son bien-être et les vertus d’une ville retirée dans le Nord de la Basse-Terre. Si un cyclone dévastateur ne vient pas saborder les bonnes intentions, Deshaies gardera le cachet d’une petite ville antillaise qui ne cherche pas vraiment à se développer d’un point de vue touristique. Elle cherche tout simplement à préserver son ambiance sereine et sa qualité de vie. Les habitants n’ont pas l’ambition d’en faire un rendez-vous branché, où les touristes de la dernière vague se précipiteront. Peu de monde donc dans les rues où le temps est compté par les cloches de l’église qui résonnent toutes les demi-heures.

Il l’est aussi, de nos amies les tortues ! Deshaies est devenu leur piscine préférée. Grâce aux lois de protection de l’environnement, la Guadeloupe est parvenue à reconstitué lentement, une petite population de tortues. Impossible de nager dans la baie sans voir l’une d’entre elles dresser la tête et reprendre, à quelques mètres de nous, une grosse goulée d’air. Avec le masque on peut assister à leur repas. Elles grignotent à longueur de journée un énorme plat de salade sous-marine en compagnie de leurs poissons pilotes, au milieu de récifs en forme de boule ou de champignon, au travers de coraux aux branches rigides de calaire ou contre les lames souples des gorgones, où des poissons multicolores brillent dans les rayons du soleil tamisés : ballet féerique, tout de mouvement, de couleur et de lumière, bancs argentés des alevins poursuivis dans des courses zigzaguantes au milieu d'obstacles sans nombre par des poissons jaunes, rouges, verts ou bleus...


L’étonnant cimetière, accroché aux flancs d’une colline à l’entrée du bourg, draine une foule de curieux. Les badauds se font plus nombreux lors des festivités nocturnes de la Toussaint. Nous sommes loin de cette date et, pourtant, la cire fondue sur les tombes témoigne de l’ampleur de la cérémonie aux mille bougies. Les tombes prennent l’allure fastueuse de maisons miniatures. Elles sont carrelées en noir et blanc, comme le seraient une salle de bain rétro ou un intérieur de cuisine des années 70. Certaines tombes sont construites sur deux étages avec un balcon parfois terminé par une balustrade en fer forgé. Au pied de la colline, la noblesse et la pompe des demeures des morts, tranche avec le dénuement et la vétusté de certaines maisons au bois si usé qu’il paraît rouillé


Anse à la barque

Poursuivant notre descente le long de la côte ouest de l'île, six milles au nord de la Marina de Rivière Sens et de Basse-Terre, la préfecture de l’île, l’Anse à la Barque est un mouillage assez calme. L’Anse à la Barque est facile à repérer. Son phare blanc étincelle au fond d’une baie profonde. Il contraste avec le sable noir de la plage frangée de cocotiers.
Ici, aucune plage idyllique faite du traditionnel sable blanc, les eaux ne sont pas cristallines. En revanche, en pénétrant dans la baie, une atmosphère d’authenticité nous envahit. Les pêcheurs amarrent leurs barques à des corps morts qui tapissent une bonne partie de l’anse à la barque, la bien nommée. Sur la plage, des cabanes improvisées servent de garages à bateaux. Dans des paillotes de tôles et de bois, les pêcheurs réparent leurs filets. Quelques casiers à langoustes rouillent sur la plage de galets. Une maison créole, typique en bois, au toit rouge en tôle ondulée, aux murs blancs et sertie d’une jolie terrasse couverte honore le centre de la plage. Le mouillage est idéalement abrité de la houle. Sur la pointe Nord, un autre phare relaye celui de l’Anse à la Barque. Ses pieds sont recouverts d’une herbe calcinée où des vaches paissent dans une longue contemplation de l’horizon outre-mer. Seul inconvénient, une route circule tout au long du cirque de la baie. Cependant, la baie garde un charme particulier, au décor d'opérette.

Cette baie a une petite histoire. En 1691, les Anglais désiraient prendre aux Français la Basse-Terre. Ils débarquèrent dans l’Anse à la Barque et pillèrent et incendièrent les maisons du bord de mer. Les Français par inconscience n’avaient laissé là qu’une vingtaine d’hommes en vigie. Les Anglais en vinrent à bout rapidement, mais leur évolution fut arrêtée par les pentes escarpées qui encerclent la crique. En 1806, deux navires français furent coulés dans la baie par les Anglais (encore eux !), l’un deux, véritable coffre-fort flottant transportait un trésor de plus de 500 000 francs or... Aujourd’hui, je ne peux passer dans cette baie sans me laisser tenter par un petit snorkeling, sait-on jamais...

Reprenons la mer...

Puis c'est le canal des Saintes où se déroula la fameuse bataille navale avec la flotte de l'amiral de Grasse

La bataille des Saintes se déroule du 9 avril au 12 avril 1782, pendant la guerre d'indépendance des États-Unis, entre une flotte britannique dirigée par George Rodney et une flotte française dirigée par le comte de Grasse. La flotte britannique en sort victorieuse. L'affrontement fut baptisé du nom des Saintes (un groupe d'îles situé dans les Antilles, entre la Basse-Terre (Guadeloupe) et la Dominique) où il s'est produit.

Si vous allez en Guadeloupe, je vous conseille d’aller passer une journée à l’ile des Saintes. C’est, à mon avis la plus belle des iles des environs. Une fois arrivés sur place, vous débarquez sur l’ile sur un petit embarcadère plein de charme. Pour se déplacer là-bas, préférez la marche à pied (l’ile n’est pas très grande) ou la location d’un scooter.
Le fort Napoléon est un fort sur l'île de Terre-de-Haut, dans l'archipel des Saintes. Il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le 15 décembre 1997.
Il fut bâti au sommet du morne Mire, à l'emplacement du premier fort appelé "Fort Louis", qui fut détruit en 1809 par les Anglais. Cette magnifique forteresse militaire est restée intacte, et classée monument historique.
Achevé en 1867, le fort doit son nom à Napoléon III, qui n'y mit jamais les pieds. Il ne servit jamais non plus de forteresse, en temps de guerre, mais de pénitencier jusqu'au début du siècle dernier.
Aujourd'hui transformé en petit musée sur l'histoire des Saintes et son environnement culturel, sa visite est très intéressante, tout autant que le chemin de ronde, d'où on surplombe la quasi-totalité de l'île, au milieu d'un jardin botanique dédié aux plantes grasses auxquelles se mêlent de nombreux iguanes.
En face, au sommet de l'îlet Cabrit, le Fort Joséphine, terrain de broute de petites chèvres noires.


Ensuite nous avons fait escale en Dominique à Porthmouth
Portsmouth est une ville de la Dominique, située dans la paroisse de Saint-John, dans le nord de l'île.

Au nord-ouest de la Dominique, Portsmouth est la deuxième ville de l’île, sur la Prince Rupert Bay. Ce port était un haut lieu de mouillage puisqu’il accueillit entre autres Christophe Colomb lors de sa 4è expédition en 1504, et fut le théâtre des combats et rivalités entre pirates au XVIè siècle.
De part son célèbre port, Portsmouth était en principe naturellement destinée pour devenir la capitale de la Dominique, et c’est malheureusement une épidémie de fièvre jaune et de paludisme qui compromit le destin de Portsmouth.

A voir et à visiter à Portsmouth :
- Le Cabrits National Park : pour découvrir les ruines du Fort Shirley





- La rivière indienne : pour remonter la mangrove
http://takari.canalblog.com/albums/la_dominique/photos/11574708-riviere_indienne.html
- Les plages de sable noir qui bordent la ville, et en particulier la plage en face du Portsmouth Beach Hotel.
- La plage de Toucari Bay : au nord de Portsmouth pour ses fonds marins et ses épaves de bateaux.

Plus sur "Communes de la Dominique "

Plus au sud se trouve le parc national du morne trois pitons.
Imaginez le monde dans son état originel avant le passage du temps et de l'homme. Le relief montagneux a limité l'activité de l'homme et le développement se concentre sur la côte. Le résulat? Des pointes allant jusqu'a 1500m au dessus de la mer, 12 chutes d'eau incontournables, un grand nombre de cours d'eau ainsi qu'une grande diversité d'espèces de plantes et d'animaux!

A ne pas manquer :

Les chutes Trafalgar sont constituées de deux chutes adjacentes. La plus haute s'élève à 38 mètres. La plus haute nommée le Père et la plus petite, la Mère. Populaires et faciles d’accès, elles offrent une vue extraordinaire. Un chemin bien entretenu emmène les visiteurs de la route jusqu’à une plate- forme d’où il est possible de voir les deux chutes et de prendre des photos. Il est également autorisé d’escalader les rochers et de nager dans le bassin au pied de la Mère!
Le Lac Bouillant et la Vallée de la Désolation font également partie des attractions phares. C’est un chaudron de 61m de large avec des murailles de 30,5m de hauteur et une profondeur d’eau gris bleue qui bouillonne sur plus de 59m de
profondeur. Le lac est en fait une fumerolle : une fissure par laquelle s’échappe les gaz de la lave en fusion, sa température peut aller jusqu’à 92°C. On met trois heures pour y arriver.
L’Emerald Pool est un des sites naturels les plus populaires de la Dominique : un bassin d’eau turquoise tourbillonnante dans lequel tombe une chute de 6m de hauteur
Sur la route en direction de Roseau se trouve le charmant village de Wotten Waven qui abrite plusieurs spas naturels. Vous pourrez découvrir l’une de ces sources d’eau chaude naturelle à Ti Kwen Glo Cho, Chez Screws ou encore à Tia.
Les visiteurs apprécient également de pagayer sur le lac Fresh Water en admirant la piste sinueuse qui court le long du lac.

Le drapeau de la Dominique fut adoptée officiellement le 3 novembre 1978 mais il a la particularité d’avoir été retouché trois fois depuis.

Description

Le drapeau est composé d’un fond vert avec une croix tricolore, symbole du christianisme qui est la religion d’État. Cette croix est composée de trois couleurs (jaune, blanc, noir) qui représente la Sainte-Trinité et dont chacune possède une signification :
  • la bande jaune représente le Soleil et l’agriculture (production de citrons ou de bananes) ; c’est aussi l’emblème des premiers Indiens, à savoir les Arawaks et les Caraïbes ;
  • la bande blanche représente les rivières et les sources d’eau, et plus allégoriquement la pureté ;
  • la bande noire quant à elle représente la riche terre mais aussi la population issue de la traite des Noirs. Comme la Dominique a aboli l’esclavage dès 1833, beaucoup d’esclaves des îles voisines allèrent se réfugier dans le pays.
Le vert est le symbole de la végétation luxuriante.
Au centre du drapeau, on trouve un cercle rouge avec un perroquet présent endémique de l’île, l’Amazone impériale (Amazona imperialis), devenu son emblème. L’oiseau incarne le désir et la volonté de s'élever toujours plus vers une haute destinée. La couleur rouge du cercle symbolise elle la justice sociale.
Dix étoiles vertes à cinq branches entourent l’animal, une étoile pour chaque paroisse du pays.


Maintenant c'est la traversée vers la Martinique et donc le canal de la Dominique
Le canal de la Dominique (en anglais Martinique Passage) est un détroit de la mer des Antilles, dans les Caraïbes. Large de 35 kilomètres, il sépare La Martinique au sud, de La Dominique au nord.

La traversée se passe rapidement grâce à un alizé "musclé" qui nous amène au mouillage de Saint-Pierre sous la montagne Pelée.

La montagne Pelée est un volcan actif situé dans le Nord de la Martinique, une île des Antilles constituant un département d'outre-mer de France. La montagne est notamment connue pour son éruption de 1902 qui a entraîné la destruction de la ville de Saint-Pierre située à ses pieds et au cours de laquelle près de 30.000 personnes sont mortes. Cette éruption a servi à caractériser le type éruptif péléen tirant son nom du volcan.

PETITE TERRE

 
Les 2 petits ilôts déserts, réserve marine protégée sont accessibles par une passe Nord-Ouest uniquement par beau temps qui peut devenir un piège par gros temps de Nord-Est ou par grosse houle.



Le site est complètement protégé et les iguanes se faufilent au milieu d'une végétation riche et diversifiée.
 
 
 
Sous l'oeil de nombreux scientifiques, les poissons se reproduisent en toute tranquillité. On a même vu un requin caraïbe d'1m50.
Les plantes sont signalées par de nombreuses pancartes didactiques et aident le randonneur à comprendre et respecter son environnement.

Le phare date de 1835 et est l'un des plus anciens du Nouveau Monde.
Sur notre chemin, nous rencontrons l'équipe de TF1 en tournage pour l'émission c'est ma terre. Regardez-bien, on devrait voir notre silhouette après le JT.

mardi 16 octobre 2007

VENEZUELA CONTINENTAL

 



En juillet nous étions restés dans les îles. Nous avions commencé par faire escale aux Testigos : ne cherchez pas ce minuscule archipel sur la mappemonde, il est trop petit pour être noté. Il est situé entre Grenade, la dernière île au sud de l’arc antillais, et Margarita, la plus grande et la plus peuplée des îles venezueliennes. Quelques familles de pêcheurs y vivent loin de tout. Par contre les tortues connaissent bien le coin et elles y viennent pour pondre sur les plages!
Aux Testigos nous nous étions regroupés en convoi de plusieurs voiliers. La réputation du Venezuela en matière d’insécurité n’est plus à faire. Il suffit de lire les « conseils aux voyageurs » sur le site Internet de diplomatie.gouv.fr pour se demander s’il est bien raisonnable de s’aventurer dans un pays où les agressions et les crimes sont légion. D’après les habitués, on ne craint rien dans les îles excepté à Margarita. Ils passent tous les ans plusieurs mois au Venezuela pendant la saison des cyclones. Ils ont l’habitude. Ensuite ils retournent avec leur voilier aux Antilles et rebelote l’année d’après. Pour limiter les risques au « Venez », comme ils disent, il suffit de prendre quelques précautions, comme ne pas voyager seul par exemple, éviter le continent et ses villes, n’arborer aucun bijou de valeur et ne pas se promener avec un sac à dos ni un sac « banane ».


Après les Testigos, nous avons fait un arrêt à Margarita, l’île incontournable pour les voiliers. Pour des prix défiant toute concurrence, on trouve de tout. C’est génial pour refaire l’avitaillement mais aussi pour acheter du tissu, des outils et tout un tas de bricoles bien utiles sur un bateau. Au Venezuela, la vie est incroyablement bon marché pour un européen et Margarita est une zone franche, c’est donc encore moins cher.
Dans ce pays sud-américain, l’opulence côtoie la misère. Les puissants vivent dans un luxe inouï et les autres survivent en multipliant les petits boulots. Leur monnaie, le Bolivar, ne vaut rien à l’étranger et les Venezueliens n’ont pas le droit d’acheter des devises étrangères. Pour les riches, c’est un problème car l’euro et le dollar sont des bons placements. Un marché noir du change est donc organisé. Il est deux fois plus intéressant pour nous, les européens, que le change officiel. Pour eux c’est la seule possibilité d’obtenir des billets verts ou des euros. En ce moment, l’inflation est galopante et la dévaluation du Bolivar suit. Nous, on récupère davantage de bolivars pour 1 euro mais on se demande combien de temps la situation va être tenable pour le peuple vénézuélien.
Après l’escale technique de Margarita, nous avons flâné dans les îles quelques semaines et nous voici sur le continent dans une marina gardée par des vigiles en armes et protégée de la rue par des murs surmontés de fils barbelés et électrifiés. Dans la journée, nous pouvons aller dans le centre-ville à condition de se faire charger par un taxi à la porte de la marina. Pas question de sortir le soir. Sur la route on longe des immeubles de quelques étages aussi bien protégés que la marina. C’est inquiétant tous ces murs, ces barbelés et ces fenêtres grillagées même dans les étages !


Nous voulons faire un périple de deux semaines à l’intérieur des terres avec des amis, c’est pourquoi nous nous adressons à l’agence de voyage installée à l’intérieur de la marina. Côté sécurité il semblerait que les zones indiennes où nous projetons d’aller ne posent aucun problème. Ce qui craint, c’est la côte et les grandes villes. On nous a proposé un guide avec un 4x4 et un vague programme il y a quelques jours et depuis pas moyen d’obtenir des précisions sur le trajet, les étapes et le prix. Pourtant le départ est prévu samedi matin et nous sommes déjà mercredi.

Enfin ! Nous faisons connaissance de Matthias, notre guide. José, le directeur de l’agence TRANSPACIFIC, nous donne le programme du voyage. Il est temps ! Nous partons dans quelques heures !
Matthias est allemand et cela fait vingt ans qu’il vit au Venezuela. Comme il parle un peu anglais, nous devrions réussir à nous comprendre. Il possède un 4x4 Toyota dans lequel nos bagages seront à l’abri et nous, confortablement installés avec la clim pour ce périple de 3000 km. Matthias est un vrai pro du raid « aventure ». Il a tout prévu : les glacières avec les boissons et la nourriture et les hamacs avec moustiquaires. Il connaît bien le circuit, maîtrise parfaitement son véhicule, parle couramment l’espagnol et a des contacts partout.
Au programme : le delta de l’Orénoque et ses indiens, et Saut Angel.


Il est 8h.
Nous partons pour le delta de l’Orénoque via Maturin.

10h30 – On crève le pneu arrière-droit dans Maturin. Quelle chance ! A proximité d’un garage ! D’après le mécano qui est venu changer la roue, il ne faut pas rester sur ce parking car le coin n’est pas sûr. Pendant que l’on répare le pneu de son 4x4, Matthias nous emmène dans un restaurant typique des bords de route. On y commande un certain poids de viande qui est cuite à la broche sur un énorme barbecue enterré. Elle est servie découpée, avec des patates ou du riz, de la sauce et des crudités.


14h – Moins de 100 km plus loin nous sommes à San Jose de Buja. Nous chargeons les bagages dans une pirogue et notre guide met la voiture dans un garage. Deux indiens Waraos profitent du bateau pour rentrer chez eux.




Ils habitent à Yabinoco et c’est justement notre destination. Il pleut et il faut protéger nos valises dans des grands sacs poubelles. Sous les averses nous prenons des canaux de plus en plus larges dans le delta. Avec la vitesse, les gouttes d’eau nous piquent telles de petites aiguilles.
Une bonne heure plus tard nous arrivons au village indien. Le dépaysement est total!
Les huttes en bois, couvertes de palmes et sans murs longent la rive.


Juste derrière, c’est la jungle que l’on pénètre à coup de machette.
Les huttes sont sur pilotis tout comme l’unique chemin du village.
Des hamacs sont suspendus à l’intérieur et toute la famille vit sur le plancher de rondins sans aucun confort au vu et au su des voisins.

Les Waraos étaient des nomades. Ce mode de vie était essentiel pour leur survie. Cela évitait entre autres l’épuisement des ressources. Pour mieux les contrôler, le gouvernement tente de les sédentariser. Quelques indiens ont donc construit une cabane en dur et deux ou trois familles ont la télé. Elle peut fonctionner du coucher du soleil jusqu’à 23h pendant que le générateur fournit du courant pour les rares frigos et congélateurs.
Plongeon dans les eaux marrons de l’Orénoque qui doit sa couleur à des oxydes de fer. Pour leur toilette, les indiens y descendent avec le gel-douche.

Dans leur hutte il n’y a pas d’eau courante et ils font leur cuisine au feu de bois.
Pour nous c’est à peine moins spartiate ! Nos hamacs sont dans une grande hutte dont le sol est fait de planches et, comble du luxe, nous avons des murs en bois avec des ouvertures équipées de moustiquaires. Pour les douches, c’est comme pour les toilettes, il faut aller dans des cabanons extérieurs. Nous y avons l’eau courante … mais elle est directement pompée dans le fleuve et n’est donc pas potable.

Pour se laver les dents on prendra l’eau en bouteille.
18h30 – Le soleil est couché. Pour l’apéro, Matthias nous propose un CUBA LIBRE. C’est le Ti’Punch vénézuélien : du rhum, du coca et une rondelle de citron, le tout servi bien frais. Fini le rhum agricole AOC dont les Martiniquais sont si fiers. Ici il est fabriqué à partir de la mélasse et non du jus de canne. C’est beaucoup moins bon mais noyé dans du coca ça passe très bien ! Les moustiques nous épargnent, nous sommes habillés des pieds à la tête et nous nous sommes aspergés de répulsif.
Bien fatigués nous allons dans nos hamacs de bonne heure, bercés … désagréablement …

par le ronronnement du groupe électrogène qui ne s’arrêtera que vers minuit!

Réveillés en fanfare par les coqs avant l’aube


nous nous rendormons quand même jusqu’à 6h30. Après un petit déjeuner copieux, nous montons dans le bateau de Freddy, un habitant du village qui nous promènera pendant les deux jours.
Julio, un copain indien de Matthias, sera notre guide dans la jungle et sur le fleuve.
Le débit de l’Orénoque le classe au 4e rang mondial. Son delta couvre une surface équivalant à 75% de celle de la Belgique. Nous sommes dans la partie nord, celle qui se jette dans le Golfe de Paria et nous allons passer toute la journée sur l’eau dans la région de la Boca de Tigre. Nous sommes impressionnés par l’immensité du site. Des centaines de canaux forment un labyrinthe inextricable dans la forêt vierge. Des jacinthes d’eau dérivent au gré des marées qui se font ressentir très loin dans l’intérieur du delta.



Nous empruntons un bras encombré par des roseaux. Les rives se resserrent et nous devons baisser la tête pour éviter les branches. Plus nous avançons, plus la végétation aquatique est dense et le moteur de 48 CH ne réussit plus à pousser la pirogue. Nous sommes pris dans les jacinthes d’eau. Julio dégage le passage avec sa machette mais bientôt cela ne suffit plus. Du coup, Matthias et lui saisissent alors les planches qui nous servaient de repose-pieds et nous sortent de là en prenant appui sur le fond pour extraire la barque du piège où elle s’est mise!.
La Morena, un autre village Warao, est à une demi-heure de bateau de Yabinoco. Une trentaine de famille y vit. Un chemin sur pilotis passe entre la forêt et les huttes. Des troncs couchés perpendiculairement au chemin tracent un sentier vers la végétation luxuriante à partir de chaque habitation. Julio nous explique qu’ils conduisent aux « baňos » et que lorsqu’on y pose culotte, les moustiques en profitent méchamment !
Une multitude d’enfants se précipite sur Matthias. Ils le connaissent car il n’oublie jamais d’apporter bonbons et sucettes. Nous achetons des colliers de graines colorées et des corbeilles tressées avec les joncs du delta.


Tous les Waraos ne vivent pas groupés en villages. Nous avons vu beaucoup de huttes isolées et habitées au bord du fleuve. Une pirogue avec un moteur est un luxe que peu d’entre eux peuvent se permettre.
Pour pêcher le piranha, Julio abat un palmito. C’est un petit palmier. Les palmes effeuillées serviront de cannes à pêche. Il nous donne à goûter le cœur de la partie haute du tronc. Tendre et croquant, c’est délicieux ! Rien à voir avec le cœur de palmier des conserves ! Le reste du tronc est employé pour les planchers des huttes. L’enveloppe du cœur sert de « papier ». On peut y graver des signes en le rayant avec un objet pointu. Il cherche ensuite le coin idéal pour que nous rapportions de quoi faire une bonne friture. Nous n’aurons pas de touche ! C’est Freddy qui attrapera un piranha dans l’après-midi en nous attendant pendant que nous sommes en « promenade écologique » dans la jungle.
Pour cette balade un peu particulière nous sommes équipés !
Chaussures ne craignant rien car nous allons marcher dans l’eau et dans la boue nous enfonçant jusqu’au chevilles. Rien n’est sec et rien ne sèche ici.
Manches longues, col fermé et grosses doses de répulsif anti-moustique. Dès que nous quittons la rive pour pénétrer dans la forêt des nuées de ces affreux insectes attaquent. En marche cela va encore mais quand nous nous arrêtons écouter les explications de Julio c’est carrément insupportable.
Il y a tant de choses à découvrir … Julio nous montre des arbres et des plantes permettant de survivre dans ce milieu hostile.
Il coupe une liane et des gouttes d’eau savoureuse s’en écoulent.
Il pose la main sur une termitière suspendue dans un arbre. Quelques secondes plus tard il la retire couverte de termites qu’il écrase entre ses paumes. Il s’en couvre le visage et le voilà protégé des moustiques !
Le balsa est un arbre dont on utilise le bois pour l’aéromodélisme tellement il est léger. Sa sève épaisse et rouge est un colorant naturel. Ce qui est surtout impressionnant, c’est le bruit que l’on peut faire en frappant son tronc à contreforts avec une masse. Le son émis est grave et sourd. Il s’entend de très loin. Un téléphone sans fil en quelque sorte ! Impeccable pour communiquer dans la jungle et pas de risque d’être en panne de réseau !
Un des palmiers qu’il nous montre est particulièrement intéressant. Avec ses palmes on couvre les toits des huttes. Ses fruits ressemblent à des petites noix de coco dans lesquelles on trouve un peu d’eau et de la pulpe comestible. On en extrait aussi une sorte de fibre végétale tissée et très « stretch » dont on faisait des pagnes. Je préfère le mettre sur ma tête pour me protéger des moustiques qui ne cessent de nous tourner autour. En découpant l’extrémité de l’enveloppe de la fleur, on obtient un verre. Avec son bois séché, on fait du feu en frottant deux morceaux l’un contre l’autre. Bref !

L’arbre à tout faire !
J’ai gardé le meilleur pour la fin …
Dans les arbres morts en décomposition sur le sol détrempé, se développent des vers blancs à tête rouge. Ils sont gros comme un pouce. C’est une source de protéines nous affirme Julio et il nous montre comment le manger. On ôte la tête d’un coup de dents et on la recrache. On vide ensuite le ver de sa substance liquide et on le mange cru ou cuit.

Comme dans « Khô Lanta »!!
Il tente l’expérience et réussit l’exploit. Nous avons la preuve : j’ai filmé !
Il avouera après que ce n’est pas très bon, plutôt amère et très caoutchouteux. Julio admet que c’est bien meilleur quand c’est cuit.
Nous décidons de le croire sur parole.
Au cours de nos trajets sur le fleuve, nous avons vu des dauphins d’eau douce au ventre rose et des singes. On les qualifie de « hurleurs » tellement ils font du vacarme ! Tous les jours, les perroquets arrivent du continent par milliers à la tombée de la nuit pour dormir au sommet des arbres dans la forêt du delta. Nous regardons le soleil se coucher en écoutant leur chant.


Dès 8h nous montons dans la pirogue de Freddy qui nous ramène à San Jose de Buja. Il ne pleut pas et la lumière est magnifique.

Nous profitons mieux du trajet qu’à l’aller où il avait tant plu.
Nous reprenons la voiture pour une longue route vers le sud et la Gran Sabana. Nous passons l’Orénoque sur le tout nouveau pont de San Felix. C’est ensuite Upata, Guasipati, El Dorado et le fameux km88 au pied de la montée vers le plateau.
Au sud-est du Venezuela, la Gran Sabana est un tepui très étendu (1/10 de la France environ) : « Tepuyes » est le nom indien donné aux mesas, ces montagnes tabulaires à la silhouette si caractéristique. La Gran Sabana, autrement dit « La Grande Savane » en français, est un plateau de 1400 m d’altitude en moyenne sur lequel, de loin en loin, se dressent d’autres tepuyes.


Le plus élevé d’entre eux, le Roraima, culmine à 2800 m et il est très isolé du reste de la région. Une faune et une flore endémiques s’y sont développées tout comme aux Galapagos. « Un monde perdu » ! Il est d’un accès difficile et est réservé aux bons treckeurs … à moins de s’y faire déposer en hélicoptère comme des Japonais que nous avons rencontrés.
17h – Nous sommes au pied de la Gran Sabana et nous avons le temps d’y monter. Nous dormirons dans la posada de San Rafaele à côté des rapides de Kamoiran.

Nous suivons la seule route goudronnée. Elle mène au sud à Santa Elena de Uairén à la frontière avec le Brésil. Si on la continue on parvient à Boa Vista.
Un paysage de savane s’étend de part et d’autre. On s’attend à voir des girafes, des lions … mais rien ! Peu d’animaux ici. Nous verrons quand même quelques oiseaux, des lézards, un scorpion, des chenilles, des papillons et beaucoup d’insectes.
Nous quittons l’asphalte pour des pistes menant à des « Saltos ». C’est comme ça qu’on appelle les cascades en espagnol. La Gran Sabana fait partie du bassin versant de l’Orénoque. Il peut pleuvoir jusqu’à 3000 mm par an à certains endroits. Toute cette eau alimente de nombreuses rivières et cascades.

Quelques unes sont spectaculaires et ont contribué à la réputation de cette région unique au monde.
Nous déjeunons en haut des chutes de Kama qui tombent 110 m plus bas. Des indiens y vendent leur artisanat. Ils font de très beaux bijoux. Nous craquons !

Un arrêt rapide à la Quebrada de Jaspe : l’eau court sur le jaspe le polissant sans trêve. Ici la roche siliceuse est rouge vif et noire. Superbe!






Une fois nos bagages déposés à la posada Yakoo de Santa Elena, il nous reste assez de temps pour passer la frontière du Brésil et faire les boutiques brésiliennes de La Linea. Nous réalisons que nous sommes à moins de 400 km de l’équateur. Je ne suis jamais allée autant au sud.


Au lever, il pleut. La visibilité est nulle et Matthias revient bredouille de la pompe à essence. Dans ce pays producteur de pétrole, ils ne sont pas capables de s’organiser pour remplir les citernes des stations.
Vers 10h la couverture nuageuse se lève et nous partons. La piste vers le Salto Yuruani est détrempée et en très mauvais état. Matthias nous donne un aperçu de ses talents de conducteur et des capacités de son 4x4.


Baignade et déjeuner à Balenario Suruape puis pause « artisanat » dans la seule ville de cette longue route : San Francisco de Yuruani et nous voici de retour à la posada pour un farniente bien agréable dans le joli cadre de Yakoo. Pendant ce temps Matthias retourne à la station-service. Le camion-citerne est venu et il lui faut faire la queue … Nous ne le reverrons que 3h1/2 plus tard, complètement épuisé. La Gran Sabana est un lieu de villégiature pour les vénézuéliens pendant leurs congés d’été et il paraît que les pénuries de carburant sont courantes pendant la saison touristique.

Jeudi
Nous prenons la route de bonne heure pour remonter vers le nord. En passant devant les stations essence, je compte les voitures qui attendent : 80 à l’une et 60 à l’autre. Déjeuner à Kamoiran où nous avions dormi à l’arrivée dans la Gran Sabana. Des voitures font la queue à la pompe … qui est fermée. Personne ne peut dire quand le camion-citerne arrivera … quel pays !
Nous repartons pour 3h de piste vers l’ouest. Le paysage est grandiose et désert sur les 70 km qui nous séparent de Kavanayen, ce grand village indien au fin fond de la savane. Les maisons sont en pierre taillée sur les deux faces. Aucune posada n’a été réservée ici. L’idée de bivouaquer à 5 dans le 4x4 ne nous enchante guère ! Matthias demande à la Mission Catholique mais c’est complet. Il finit par trouver des chambres au confort minimaliste. Nous serons quand même dans un lit à l’abri de la pluie qui n’a pas cessé.

Vendredi
Matthias est malade depuis hier soir, grippé et pas en forme. Nous faisons un petit tour dans Kavanayen avant de se diriger en 4x4 vers le Salto Aponwao. Faute d’avoir pu remplir le réservoir d’essence hier à Kamoiran, nous ne pourrons pas faire autre chose aujourd’hui. La piste principale était déjà assez sportive mais là cela devient super ! Matthias oublie sa fièvre tellement il s’amuse à conduire sur la piste noyée d’eau. Boue, ornières, gués … rien ne manque !
Arrivés au petit village sur la rive de l’Aponwao, nous prenons une curiara, cette pirogue indienne équipée d’un gros moteur hors-bord. En 1/2h nous sommes en haut du Salto Aponwao. La rivière bouillonne et des câbles sont tendus en travers. Sans doute pour se rattraper avant la chute en cas de panne de moteur…
Impressionnant ! Le bruit de l’eau tombant 100m plus bas est assourdissant. Nous descendons par un petit chemin à travers la jungle au pied de la chute.
C’est la saison des pluies et nous avons du mal à passer entre les gouttes depuis notre départ. Les cours d’eau débordent et le débit des cascades est énorme. Nous n’avons pas en Europe des spectacles pareils. C’est à couper le souffle, au propre comme au figuré. Lorsqu’on s’approche du pied du salto, la violence des embruns et du vent est à la hauteur d’une bonne tempête en mer.
Retour vers Chivaton, une posada perdue au milieu de nulle part mais un peu mieux que celle d’hier. Comme le ciel s’est dégagé, on aperçoit enfin quelques tepuyes à l’horizon.

Samedi
Journée fatigante de voiture jusqu’à Ciudad Bolivar.
Le pneu qui avait été réparé à Maturin au début du séjour, éclate. Cette fois-ci, il est mort. Matthias met la roue de secours et on croise les doigts car il ne compte pas faire l’achat d’un nouveau pneu avant Puerto La Cruz, terminus du voyage.
La posada Don Carlos est dans le centre de la vieille ville, à quelques pas des rives de l’Orénoque. Cette vieille demeure datant de la colonisation espagnole est superbement restaurée et confortable, mais nous dormirons mal car des chiens ne cesseront de hurler et d’aboyer toute la nuit dans la rue. En plus j’ai de la fièvre. J’ai du attraper le virus de Matthias et puis, ce soir, j’ai eu très froid dans la pizzeria où nous avons dîné. La climatisation était réglée beaucoup trop bas.

Dimanche
7h30 – Matthias nous dépose à l’aéroport de Ciudad Bolivar avant de repartir en 4x4 pour Puerto La Cruz. Pendant une heure, dans un petit coucou à six places, nous survolons vers le sud de grandes étendues désertes et parfois inondées. Les premiers tepuyes apparaissent et l’avion se prépare à atterrir sur la modeste piste de Canaïma. Le spectacle des chutes de Canaïma est extraordinaire. Nous sommes dans un parc national inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1994 et géré par les indiens qui seront nos guides pendant ces deux jours. Le nôtre nous conduit à la posada Wey Tepuy où nous dormirons une nuit. L’autre nuit nous la passerons dans un hamac au campement du Salto Angel.
Il faut laisser notre gros sac à la posada et ne prendre avec nous que le strict minimum pour le voyage en pirogue vers le campement de base du Salto Angel. La remontée des rios Carrao et Churun dure plus de 4h. Il faut franchir plusieurs rapides et nous serons même obligés de passer à terre pour l’un d’entre eux. La pirogue doit être délestée du poids de ses seize passagers pour parvenir à passer sans trop de risques la zone dangereuse des rapides de Mayupa. La majesté des tepuyes que nous longeons nous stupéfie. Des dizaines de cascades coulent le long des parois verticales. A leurs pieds c’est la forêt, luxuriante et gorgée d’humidité. L’eau est rouge, chargée en minéraux et oxydes de fer, le sable et les galets sont roses.


Le campement fait face au Salto Angel. Nous voici devant la mythique « plus haute chute d’eau du monde » : presque 1 km en chute libre. Jimmy Angel, un aviateur américain, l’a découverte par hasard en 1937et on a donné son nom à cette cascade unique. Elle est grandiose !
Les indiens organisent le camp, coupent du bois pour un énorme barbecue capable de cuire les vingt-cinq poulets du dîner et installent les hamacs sous l’abri de tôles.

Nous partons à pied dans la jungle pour nous rapprocher du Salto Angel. La végétation est exubérante et la promenade très agréable.
Arrivés au mirador de la chute nous en prenons plein les yeux. Imaginez un brumisateur colossal ! L’eau qui tombe en chute libre sur presque 1 km s’éparpille en gouttes sur une très large surface en arrivant au sol.
Nous sommes loin et pourtant nous sentons les embruns qui nous rafraîchissent le visage.

Il est l’heure de rentrer. Après un repas au campement de base, nous remontons dans la cariara pour 3 h de descente sur les rivières jusqu’à Canaima et sa lagune. Il pleut pendant presque tout le trajet. En plus, à chaque fois que nous passons des rapides, nous embarquons de gros paquets d’eau.
Malgré les ponchos en plastique nous sommes trempés et nous finissons par grelotter. Un comble sous ces latitudes !





   
Une balade au Salto El Sapo est prévue ce matin. C’est le nom de l’une des cascades de Canaima. Pour cela une pirogue nous fait traverser la lagune. Nous continuons à pied sur l’autre rive.
Le sentier passe derrière la chute d’eau et la longe pendant une bonne centaine de mètres. C’est impressionnant ! Le rideau d’eau qui tombe est tellement épais qu’il fait presque nuit dans l’étroit passage glissant qui longe la paroi. Le vacarme de la cascade nous rend sourd et les trombes d’eau qui nous arrosent, nous aveuglent. Impossible d’y échapper … nous voilà à nouveau trempés jusqu’aux os par l’eau rouge venue des tepuyes.
A la sortie nous nous réchauffons vite au soleil en montant en haut de la chute dominant ainsi la lagune et la plaine de Canaïma où des palmiers poussent les pieds dans l’eau. Que c’est beau ! On resterait là, contemplatifs, si le guide nous laissait faire.
Pour revenir, nous reprenons le même chemin avec un nouveau passage toujours aussi rafraîchissant derrière El Sapo. Nous nous changeons et vite, nous allons à l’aéroport. Le terme est un peu pompeux pour désigner l’endroit mais c’est comme ça.
Nous sommes dans les premiers à arriver pour s’inscrire sur les listes de départ et nous partons avec les premiers vols … dans deux avions différents. Dommage ! J’aurais bien aimé partager avec Jean mon émerveillement en voyant les averses se déverser sur le sol. L’avion effectue les zigzag nécessaires pour contourner les grains. Le spectacle est génial !



A l’aéroport de Ciudad Bolivar, nous trouvons un taxi qui nous emmène à la gare routière. Comme beaucoup de voitures dans ce pays, c’est une vieille grosse américaine rafistolée avec du fil de fer. Elle roule … nous n’en demandons pas plus.
Il reste des places pour le bus de 16h30. En ville, l’air est étouffant et la chaleur à peine supportable. Nous attendons au frais dans la minuscule salle d’attente climatisée de la compagnie. Un homme y dort, assis, la tête appuyée sur un tabouret de bar. Rien ne perturbe ses ronflements, même pas les portes qui claquent !
Le trajet dure plus de 4h. Les bus vénézuéliens sont extrêmement confortables. On peut faire des kilomètres sans peiner. Il fait nuit depuis bien longtemps lorsque nous rentrons chez « nous », des images, des sons, des odeurs, des goûts et des sensations plein la tête.