Des nouvelles de ce triste pays...
La première joute du Tournoi de la Chambre Basse devait se tenir le dernier dimanche du mois de juin. Le Roy se terrait à la Lanterne. C'était d'un funeste augure. Le duc des Attelles, encore Premier Grand Chambellan, n'avait point obtenu que Sa Grande Dégringolade gardât le silence. Las ! Notre Navrant Freluquet voulait encore croire que le peuple l'aimait assez pour faire triompher les candidats de sa Faction. A chacune des ses paroles, les pauvres impétrants - qui avaient tous refusé de courir sous les couleurs royales- se voyaient en pensée chuter lourdement, qui devant les Haineux, qui devant les Plébéiens et Plébéiennes.
La veille, le chef de la Faction des Haineux, le comte de Barretoidella avait feraillé dans les salons de la Première Lucarne Magique avec le duc des Attelles et Monsieur Bompardus. Le comte - qui était déjà vieux avant que d'avoir fini sa jeunesse - s'empêtra quelque peu au sujet des Vieux Jours, si chers au coeur des Riens et des Riennes. Il apparut que, si la Faction de la ChatelHaine de Montretout l'emportait, il faudrait encore besogner plus longtemps que de ce que le Roy avait imposé à coup du Quaranteneuffe-Trois. Le gazetier monsieur du Boulot - le bien-nommé - qui animait la joute oratoire avec sa commère madame du Couderaide, s'en étrangla.
Le duc des Attelles se comporta tel un arrogant moulin à paroles, cependant que le comte de Barretoidela avait fort à faire à oublier le balai qu'on lui avait glissé sous le pourpoint, afin qu'il eût ce maintien digne et noble du futur père de la Nation. Pas plus que le duc des Attelles, monsieur de Barretoidella n'avait usé ses blanches mains à une quelconque besogne.
Monsieur Bompardus opposa à ses deux adversaires un flegmme de bon aloi. On ne chercha en face qu'à le faire taire. La loghorrhée du comte cachait fort mal le vide abyssal de son catalogue, hormis pour ce qui était de se débarrasser de tous les pauvres étrangers, que les Haineux avaient depuis des lustres désignés comme les parfaits boucs émissaires des misayres des Riens et des Riennes. Le Plébéien fit remarquer que si par malheur, les Haineux dirigeaient le pays, ce serait encore les plus pauvres qu'on saignerait afin d'engraisser les riches, qui avaient pourtant tant et tant prospéré depuis l'avènement de Notre Turpide Bibelot. Quant aux étrangers, ils savaient devoir craindre pour leur vie qui deviendrait un enfer. Le credo des Haineux tenait en ce mot : xénophobie. L'air du pays était nauséabond et le deviendrait encore davantage.
Par surcroît de malheur pour le Roy, son ancien factotum, le Sieur de Gros-Bras, qu'il avait employé la première année de son règne, à de basses besognes de police, fut condamné à une année de geôle pour avoir molesté comme plâtre deux pauvres quidams, afin de complaire à Sa Neigeuse Malveillance.
Ainsi en allait-il au Royaume du Grand-Cul par-dessus Tête. Dans la Germanie voisine, c'était la consternation.
Julie d'Aiglemont